Intervenantes :
Cécile Paulin, directrice de programme adjoint véhicules électriques (Twizy/Zoe), groupe Renault
Isabelle Méjean, économiste, Professeur à l'Ecole Polytechnique
Modératrices :
Violaine Fargier (professeur de SES, académie de Dijon)
Anaïs Le Thiec (professeur d’histoire-géographie, académie de Nantes).
Mots clés : éclatement de la chaine de valeur, firmes multinationales, décomposition des processus productifs, firmes multinationales.
Le commerce international s’est profondément transformé au cours des dernières décennies, qui ont été marquées par le développement des échanges de biens intermédiaires, du commerce intra-firme et d’une nouvelle division internationale du travail.
Avec la multinationalisation des firmes et l’externalisation d’activités, la production s’internationalise et les produits sont désormais conçus à l’échelle de la planète.
D’où vient cette « décomposition internationale des processus productifs » ?
Quels en sont les acteurs et les vecteurs ?
Quelles logiques territoriales sous-jacentes sont à l’œuvre dans ce processus ?
Quels en sont les effets pour les systèmes économiques et sociaux des territoires impliqués ?
Exploitation pédagogique :
Les programmes de géographie s'intéressent à la mondialisation à plusieurs échelles.
A l'échelle globale, les élèves sont amenés à s’interroger sur les choix de localisation des différentes étapes de production : conception, fabrication, assemblage et quels facteurs de localisation permettent à une entreprise de
choisir de s'installer dans un territoire plutôt qu'un autre. A l'échelle locale, quelles dynamiques territoriales découlent des choix de localisation d'une firme et quel est le rôle des acteurs locaux ?
Le thème de l’éclatement géographique des chaînes de production apparaît dans le deuxième thème d’économie du programme de Terminale ES, plus particulièrement dans le questionnement « Quels sont les fondements du commerce international et de l'internationalisation de la production ? ».
Ces sujets sont également en ESH dans le programme de 2ème année sur "Les dynamiques de la mondialisation".
Il s'agit de montrer aux élèves comment une firme devient une firme multinationale et quels rôles celles-ci ont joué dans l’évolution du commerce international puis d’étudier les stratégies de localisation des FMN et leurs conséquences.
Que cela soit dans les programmes d’histoire-géographie ou de SES, l’éclatement des chaînes de production renvoie à la problématique plus vaste des stratégies de localisation des FMN à l’échelle internationale et donc de la dynamique territoriale locale.
Télécharger la présentation de Cécile Paulin
Regard d'Isabelle Méjean, Economiste, Professeur à l'Ecole polytechnique
1°) D’où vient cette DIPP ? Quels sont les acteurs et les vecteurs à l’œuvre ?
Le développement des chaînes de valeur internationales se traduit statistiquement par une expansion très forte du commerce de biens intermédiaires, qui représente les 2/3 du commerce mondial. A noter qu’il s’agit d’un phénomène important statistiquement mais qui s’organise au sein d’un très petit nombre de très grosses entreprises.
Un facteur explicatif majeur du développement de ces chaînes de valeur internationales est la baisse des coûts à l’échange, grâce à la baisse du coût du transport des biens sur de longues distances et grâce à la libéralisation des échanges, avec la baisse massive des barrières tarifaires et non tarifaires à l’échange.
Par ailleurs, la baisse des coûts de communication sous l’effet des NTIC a permis de coordonner des opérations complexes à distance.
A titre d’illustration, les usines Alliance sont réparties dans le monde entier pour plusieurs raisons :
-d’une part, la croissance du groupe entraine l’intégration d’entreprise historiquement implantées dans des zones géographiques différentes (Renault en France, Dacia en Roumanie, Nissan et Mitsubishi au Japon,…) ;
- d’autre part, les entreprises sont amenées à implanter des usines au plus près de leur marché, soit pour des raisons d’optimisation des coûts, soit pour se soumettre au protectorat des États (cas de la Chine où il est impossible de commercialiser un véhicule sans produire sur place via une joint-venture à 50% chinoise)
2°) Comment les FMN estiment-elles la localisation la plus profitable ?
Plusieurs critères doivent être pris en compte lorsque l’on choisit un lieu de production, que ce soit pour une extension de marché ou la fabrication d’un nouveau modèle.
Le groupe Renault regarde si une usine de l’Alliance est disponible pour maximiser les synergies. Il veille ainsi à minimiser les coûts et doit s’assurer du niveau de production disponible.
De façon plus générale, les critères pris en compte sont notamment :
- la proximité du marché
- les coûts de production
- l’accès aux infrastructures
- la densité de l’offre locale
- la fiscalité
3°) Les conséquences de l’éclatement géographique des chaînes de production
Cet éclatement impose de repenser un certain nombre de politiques économiques :
- la politique commerciale : les tarifs imposés à un point de la chaîne ont des effets sur l’ensemble de la chaîne ;
- la politique industrielle / d’aménagement du territoire : la politique industrielle du 21ème siècle est à la fois plus simple et moins coûteuse qu’au 20ème siècle, parce qu’il suffit de devenir compétitif dans une étape de la production pour pouvoir participer aux chaînes de valeur internationales, mais aussi plus difficile à mettre en place (quelles sont les étapes de production « porteuses », et donc qui créeront de l’emploi dans 10-20 ans?). Par ailleurs, certains nouveaux « outils » pour attirer les investissements locaux peuvent avoir des effets pervers
(ainsi le dumping fiscal, qui conduit à une baisse générale de l’imposition sur les entreprises, entraîne aussi une raréfaction des ressources fiscales) ;
- la politique climatique : il existe un coût énergétique très important, qui n’est pas du tout internalisé par les acteurs de ces chaînes de valeur, ce qui pourrait justifier la mise en place d’une taxe carbone au niveau international.
A noter la vulnérabilité très forte de ces systèmes productifs : les volumes de commerce et de production très importants à l’échelle mondiale reposent sur un petit nombre de « chaînes » très complexes impliquant des entreprises de très grande taille. Cette vulnérabilité des systèmes fait courir de nouveaux risques macroéconomiques.
Rédaction du compte-rendu : Odile Altay-Michel (académie de Paris, SES)