Intervenants :
Sébastien JEAN, Directeur du CEPII (Centre d’Études Prospectives et d’informations internationales)
David SIMONNET, Président d’Axyntis, entreprise leader de la chimie fine en France
Regard croisé modéré par
Isabelle GRAVET, professeure de sciences économiques et sociales et
Mylène REBOUX, professeure d’histoire-géographie.
Mots clés : désindustrialisiation, réindustrialisation, chaines de valeur, délocations, R&D,
Pistes d’exploitation pédagogique de l’entretien :
En lien avec le programme de SES de terminale (peut-être une utilisation transversale, au début de l’année, à la fin en guise de conclusion, ou au fil des chapitres comme un fil rouge, est-elle la plus pertinente) :
Science économique, questionnement n°1 : Quels sont les sources et les défis de la croissance ? → Illustration du progrès technique et des innovations à venir (notamment dans le secteur de la chimie fine), exemples concrets de politiques permettant de soutenir les investissements en recherche et développement.
Science économique, questionnement n°2 : Quels sont les fondements du commerce international et de l’internationalisation de la production ? → Exemples d’internationalisation de la chaîne de valeur (notamment dans la chimie fine) et question des activités qui pourraient être relocalisées, lien avec le débat sur les politiques protectionnistes (à la fois ce qui devrait être protégé et ce qui ne devrait pas l’être).
Science économique, questionnement n°3 : Comment lutter contre le chômage ? → Illustration des problèmes de formation et du rôle des politiques visant à les pallier. Science économique, questionnement n°5 : Quelles politiques économiques dans le cadre européen ? → Illustration de la politique de la concurrence européenne et des problèmes de coordination des politiques budgétaires.
Regards croisés, questionnement n°2 : Quelle action publique pour l’environnement ? → Exemple d’une taxe aux frontières en complément des mesures nationales ou communautaires. En lien avec le programme de SES de première : Science économique, questionnement n°1 : Comment les marchés imparfaitement concurrentiels fonctionnent-ils ? → Montrer que la politique de la concurrence doit s’articuler avec la politique industrielle.
Science économique, questionnement n°4 : Comment les agents économiques se financent-ils ? → Montrer que la politique de relance affecte aussi le déficit commercial, ce qui réduit l’effet de relance (et plaide en faveur d’une relance coordonnée au niveau européen).
Cette captation offre également aux élèves de prépa un outil remarquable pour éclairer le module 4 sur les politiques industrielles.
LA CRISE SANITAIRE A ACCELERE LA PRISE DE CONSCIENCE DE NOTRE DEPENDANCE AUX IMPORTATIONS PAR LE GRAND PUBLIC ET LES DECIDEURS POLITIQUES.
D’abord pour les masques, puis pour les principes actifs médicaux, enfin pour les vaccins. Le plan de relance (France relance) identifie ainsi 20 médicaments en tension qui doivent être produits à nouveau localement. La Chine s’est quant à elle aperçue qu’elle était dépendante des États-Unis et de ses voisins asiatiques pour les semi-conducteurs. Enfin, le contrôle et la régulation des plateformes en ligne qui ont accès à de nombreuses données dépasse les questions purement économiques.
POURQUOI REINDUSTRIALISER ?
1. Soutenir l’innovation, qui est un processus d’allers-retours entre la R&D et la production, ainsi que les compétences industrielles (contre le modèle de « l’entreprise sans usines » (Serge Tchuruk PDG d’Alcatel, en 2001)).
2. Rétablir le solde extérieur du pays, l’industrie étant le secteur marchand qui a le plus d’impact dans ce domaine. Cependant, le déficit commercial français est en grande partie compensé par un excédent dans les échanges de services et de revenus courants (faible déficit du compte courant). De plus, la zone euro est, elle, fortement excédentaire.
3. Étendre la recherche d’une autonomie stratégique (fonctions régaliennes de l’État) de l’agriculture (alimentation), la défense et l’énergie, à d’autres biens et services critiques comme la santé et les infrastructures de télécommunications.
4. Bénéficier des externalités générées par l’industrie : aménagement du territoire, salaires plus élevés que la moyenne (en particulier rémunérations intermédiaires qui contrecarrent la polarisation du marché du travail)...
QUELLE EST LA DIFFERENCE ENTRE REINDUSTRIALISATION ET RELOCALISATION ?
Les deux intervenants s’accordent sur le caractère sélectif de la réindustrialisation, qui ne doit pas viser à relocaliser toutes les activités. Pour certaines, par exemple les semi-conducteurs, nous n’en avons pas les moyens techniques. Pour d’autres, une analyse coûts-avantages rend peut pertinente leur relocalisation, par exemple dans le cas de nombreux principes actifs pour les produits pharmaceutiques ou de produits simples comme le paracétamol. La réindustrialisation doit donc plutôt se concentrer sur des innovations de ruptures, telles que le numérique, la transition énergétique ou des innovations médicales comme les médicaments contre le cancer.
COMMENT METTRE EN PLACE UNE POLITIQUE DE REINDUSTRIALISATION ?
Cette politique doit suivre une vision d’ensemble cohérente au niveau européen, qui articule les politiques macroéconomiques, industrielles (locales, nationales et communautaires) et de la concurrence. Les financements (subventions, prêts garantis par l’État – PGE) d’une part et la formation d’autre part pour les métiers en tension (par exemple dans la maintenance) sont deux moyens de développer la compétitivité de l’industrie. Ils doivent s’accompagner d’exigences en termes de RSE (responsabilité sociale) pour les entreprises, d’une solidarité européenne (normes communes, coordination des politiques macroéconomiques) et d’une protection contre le dumping, en particulier environnemental, aux frontières de l’UE (cf. taxe CO2 actuellement en discussion)
• Articles complémentaires (liens ci-dessous) :
o Fiche thématique sur Vie publique : « Délocalisations et relocalisations » : https://www.viepublique.fr/fiches/270078-delocalisations-et-relocalisations
o Sébastien Jean et Vincent Vicard, Septembre 2020, « Relocaliser, réindustrialiser : dans quels buts ? », La lettre du CEPII, n° 410 http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2020/let410.pdf
o David Simonnet, 20 juin 2019, « La désindustrialisation demeure un problème majeur », Les Echos, https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-la-desindustrialisation-demeure-unprobleme-majeur-1030836
o David Simonnet, 31 mai 2020, « Les médicaments : l’arme blanche de la guerre économique ? », Conflits, https://www.revueconflits.com/medicaments-guerre-economique-david-simmonet/
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