Document 4. La démarche de l’économiste : l’entreprise, une alliée dans la gestion des dépenses de santé dans un contexte de vieillissement ?
Depuis les années 1950, la part de PIB que la France consacre aux dépenses de soins n’a cessé d’augmenter. Ainsi, la consommation de soins et biens médicaux, qui exclut notamment les soins de longue durée et les indemnités journalières, est passée de 2,6 points de PIB en 1950 à 8,9 points de PIB en 2015. L’allongement de la durée de vie est-il responsable de cette augmentation ? La réponse semble a priori assez évidente, étant donné que les dépenses de santé augmentent avec l’âge (car l’état de santé se dégrade) et que la part des personnes âgées dans la population augmente. Pourtant, dans la littérature consacrée à cette question, il est assez convenu de considérer que les évolutions démographiques ont joué un rôle quantitativement marginal dans l’augmentation des dépenses de santé. Dans une note du 22 avril 2010, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) reprend ce consensus.
Il rappelle qu’il existe deux déterminants principaux de la dynamique des dépenses de santé: i) la déformation dans le temps de la « pyramide des âges », que l’on appelle habituellement l’effet du vieillissement de la population, et ii) la déformation dans le temps de la dépense individuelle de santé en fonction de l’âge, via une croissance de la pente des dépenses individuelles en fonction de l’âge. Le HCAAM conclut que l’impact mécanique de l’évolution de la pyramide des âges entre 2010 et 2050 ne devrait jouer que pour un dixième de la croissance des dépenses chaque année et que les effets les plus forts sont à attendre du changement des pratiques médicales et du progrès technique dans le domaine de la santé. Ces éléments s’appuient sur les résultats de nombreux travaux économétriques ou de projection. (…)
Le progrès technologique a des effets a priori ambigus sur les dépenses de santé, puisqu’il peut être à la source de gains de productivité mais aussi de nouvelles possibilités de traitements, potentiellement coûteux. Difficile à identifier en tant que tel, l’effet du progrès technique peut être mesuré de façon indirecte dans les prix relatifs de la santé. Intuitivement, on s’attendrait à ce que les prix de la santé augmentent plus vite que ceux du reste de l’économie. Ce phénomène, observé notamment aux États-Unis, a fait l’objet de toute une littérature, en particulier autour de la notion devenue classique de « maladie des coûts croissants », introduite initialement par Baumol et Bowen [1966]. Pourtant en France, selon les comptes de la santé, depuis le début des années 1960, les prix de la santé ont évolué légèrement moins vite que le PIB. Cela semble signifier que les gains de productivité sont, dans le secteur de la santé pris dans sa globalité, du même ordre de grandeur que dans le reste de l’économie.
Néanmoins, la mesure du prix de la santé n’est pas chose aisée. L’indice des prix doit en effet correspondre à une évolution à qualité constante. Et de fait, lorsqu’un médicament nouveau arrive sur le marché, en l’absence de prix de référence, on ne peut le prendre en compte pour l’évaluation de l’indice des prix. Il est donc comptabilisé dans l’indice des volumes. La baisse du prix des médicaments est peut-être ainsi surestimée. Du côté de la médecine de ville ou de l’hôpital, une évolution trop faible du tarif des actes peut être partiellement compensée par les professionnels par le codage d’un acte donné dans une catégorie supérieure, ce qui, d’un point de vue statistique, sera également enregistré comme une augmentation des volumes.
Hippolyte d’Albis, Pierre-Yves Cusset, « Déterminants démographiques de l’évolution des dépenses de santé en France », Revue française d’économie, 2018.
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Recherchez sur le site de l’INED la définition exacte du vieillissement démographique.
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Que cherchent à identifier les deux économistes dans le premier paragraphe de ce document ?
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Que découvrent-ils dans le deuxième paragraphe ?
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Le progrès technique est-il « bon pour la santé » ? Justifiez et citez des exemples concrets.