Document 2 – La vieillesse, une prise en charge en mutation
« Qu’est-ce qui caractérise la vieillesse en France ?
La vieillesse est une construction sociale généralement définie par le statut de retraité. C’est lui qui délimite cette période de la vie et lui donne des contours. Au sein même de la vieillesse, il existe une variété de profils qui tend à s’étirer au fur et à mesure que la vie s’allonge. La perte d’autonomie constitue donc un autre marqueur. En 2016, on comptait en France 12,5 millions de personnes âgées de 65 ans et plus et 6,2 millions de 75 ans et plus, soit respectivement 18,8% et 9,4 % de la population française. (…)
En quoi consiste le système de prise en charge français ?
En France, l’accompagnement – terme que je préfère à « prise en charge » - est avant tout médical. Il repose sur les services hospitaliers et les soins de ville (généralistes, masseurs-kinésithérapeutes, pharmaciens), qui représentent une masse énorme d’activités. Les plus de 75 ans vivant à domicile, soit 9 personnes sur 10, comptent sur les services de soins infirmiers et d’aide à domicile, ainsi que sur l’aide informelle, souvent assurée par les conjoints ou les enfants. Certains, préférant vivre groupés, choisissent d’intégrer une « résidence autonomie » ou une « résidence services ». Pour les personnes les moins autonomes, l’établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) constitue une autre forme de prise en charge. (…)
De quel pays la France pourrait-elle s’inspirer pour améliorer notre système d’accompagnement de la vieillesse ?
Le Canada est-un exemple particulièrement intéressant pour la France. Son système, moins médicocentré, repose sur une notion de reconnaissance juridique et sociale autant qu’affective. Plus vous médicalisez une personne âgée, plus vous la catégorisez et plus vite celle-ci va décliner. Paradoxalement, les personnes très intégrées au système de soins vieillissent prématurément et meurent plus rapidement. D’autres pays comme la Suisse et l’Allemagne l’ont déjà compris, et la France commence à proposer des outils intéressants. La loi de janvier 2002 sur les droits des personnes dans les systèmes de soins par exemple, donne la possibilité à toute personne âgée entrant en maison de retraite ou étant prise en charge à domicile de rédiger un « projet personnalisé ». C’est un bon moyen de s’approprier le soin, de s’extraire d’une position de passivité infantilisante, mais les personnes âgées s’en emparent encore trop peu souvent.
Manon Paulic, « En France, l’accompagnement est avant tout médical », Entretien avec Mickaël Blanchet, docteur en géographie sociale, Le 1, 3 juillet 2019.
- Que signifie le passage en gras ?
- En quoi la vieillesse constitue-t-elle un risque social préoccupant ?
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- Que signifie le passage en gras ?
Les notions catégorisantes associées à un âge ou une période de vie comme la jeunesse ou la vieillesse nécessitent généralement de préciser leurs contours car n’obéissent pas à une définition strictement établie. Ici, il apparaît que la vieillesse qui désignait auparavant l’ensemble des individus retraités tend à évoluer vers une plus grande variété de groupes sociaux, en raison de l’allongement de la vie qui génère des situations de dépendance, éloignées du retraité actif souvent désigné « senior ».
- En quoi la vieillesse constitue-t-elle un risque social préoccupant ?
La part croissante des plus de 60 ans dans la population soulève plusieurs interrogations quant à leur accompagnement financier, médical et social : se pose la question de l’accompagnement des plus modestes d’entre eux d’une part, notamment dans les situations où la médicalisation en Ehpad est nécessaire. Vient ensuite l’incontournable réflexion sur le rôle de l’individu dans son propre parcours de soins et le rôle des aidants familiaux. Le maintien à domicile assisté peut permettre d’éviter, jusqu’à un certain stade, le glissement infantilisant évoqué par Mickaël Blanchet.