Document 3. « Remettre le PIB à sa place »
Beaucoup d’économistes, c’est vrai, sont aujourd’hui prêts à admettre que l’importance du PIB doit être relativisée. Mais je ne pense pas que la majorité d’entre eux se soient détournés de cet indicateur-phare de la seconde moitié du XXe siècle. Bien au contraire, la plupart d’entre eux continuent à s’en servir de boussole quasi unique !
Si l’économie du futur est largement démarchandisée, si les biens communs y prennent la place que beaucoup voudraient leur donner, si le travail est plus qu’aujourd’hui délié de l’activité capitaliste, si la croissance matérielle n’est plus un objectif sociétal pertinent, alors le PIB tombera mécaniquement en désuétude. Mais, d’ici là, (…) il faut donc remettre le PIB à sa place, et pousser parallèlement pour que les indicateurs alternatifs soient pris au sérieux et considérés comme d’égale dignité.
Source : Géraldine Thiry, « Il faut remettre le PIB à sa place », Le Monde Idées, 28.09.2017
Document 4.
Le PIB mesure la richesse créée par les activités de production à l’intérieur d’un pays au cours d’une période déterminée (…). Cet indicateur de flux (et non de stock) prend seulement et essentiellement en compte la valeur des échanges marchands. Le bénévolat ou les activités domestiques, qui font lien social, en sont exclus. Avec cette définition, on comprend donc qu’un conjoint resté à la maison pour élever ses enfants ne contribue pas à
l’enrichissement de la France. De même, si une femme épouse son jardinier, qu’elle rémunérait auparavant, le PIB diminue.
Ces « omissions » ont été identifiées depuis longtemps. Mais il existe d’autres failles. Sur le plan social, le PIB ne renseigne pas sur la répartition des richesses produites. Les biens d’un pays – ou d’une assemblée – peuvent augmenter sans que tout le monde en profite (…) : si Bill Gates entre dans un bar, le revenu moyen de tous les consommateurs présents sera automatiquement multiplié par 1 000. Sans effet sur l’épaisseur des portefeuilles… Ainsi, aux Etats-Unis, selon les travaux de l’économiste français Emmanuel Saez, chercheur à l’université de Berkeley, depuis la reprise économique de 2010, 90 % des gains de revenu ont été captés par les 1 % les plus riches.
L’agrégat présente un biais supplémentaire loin d’être négligeable. (…) Jean-Marc Jancovici résume le problème en une phrase : « Le PIB représente ce que vous avez en plus sans compter ce que vous avez en moins… ». Un embouteillage sur le périphérique va augmenter la consommation d’essence, donc l’activité de la branche pétrolière, donc le PIB. Mais le temps perdu et l’air pollué respiré passent à la trappe. En cas de catastrophe naturelle, l’indice progresse grâce aux dépenses de reconstruction engagées tout en ignorant le coût des dégâts provoqués. (…) « L’économie ne s’intéresse pas aux stocks dans lesquels elle puise. Or faut-il le rappeler encore et encore : nous n’avons qu’une seule planète. »
Source : Marie-Béatrice Baudet, Mieux évaluer la croissance, pour repenser le « logiciel du monde politique », Le Monde, 08.10.2015
Questions sur les documents 3 et 4 :
1) Quels sont les objectifs à l’origine de la création du PIB ?
2) Quels sont les reproches qui lui sont faits le plus souvent ?
3) A quelles conclusions ces critiques mènent-elles ?
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Corrigé :
1) Quels sont les objectifs à l’origine de la création du PIB ?
Le PIB a été créé pour évaluer la valeur monétaire des biens et services produits dans l’économie nationale sur une année.
C’est donc un indicateur de flux et non de stock : il mesure la valeur des échanges marchands réalisés chaque année. Il ne comptabilise pas un patrimoine économique.
2) Quels sont les reproches qui lui sont faits le plus souvent ?
Il lui est souvent reproché de mal rendre compte du bien-être et de son évolution et de reposer sur des oublis importants. Ainsi, de nombreuses activités économiques utiles ne sont pas comptabilisées comme production de richesse ; c’est le cas des services produits dans le cadre de l’activité domestique ou du bénévolat.
Le PIB traduit mal la réalité sociale notamment au niveau de la répartition des richesses. Enfin, il n’intègre pas les destructions de patrimoine environnemental et les dégâts liés à l’activité économique.
3) A quelles conclusions ces critiques mènent-elles ?
L’auteure du document 3 rappelle qu’il faut redonner au PIB sa juste place et ne pas en faire un usage excessif comme c’est le cas depuis de nombreuses années. Il faut donc considérer le PIB comme un indicateur parmi d’autres qui ne doit pas être le seul et unique repère mobilisé pour rendre compte de l’évolution de la sphère économique. Par ailleurs les économistes incitent à mobiliser des indicateurs alternatifs prenant notamment eiux la mesure des enjeux environnementaux.