Étant donné le fractionnement des chaînes de valeur mondiales, les produits franchissent plusieurs fois les frontières avant d'atteindre le consommateur final. Les liens ainsi créés devraient a priori réduire les incitations des pays à se protéger. Néanmoins, les récentes mesures protectionnistes prises par les États-Unis, dans le but de rapatrier une partie de la chaîne de valeur sur leur sol, vont à l’encontre de cette tendance.
Pour la plupart, ces mesures augmentent les barrières commerciales sur les biens intermédiaires, alors qu’historiquement les biens finals étaient les plus protégés. Les États-Unis peuvent-ils protéger leur valeur ajoutée avec une telle politique commerciale ?
Cela portera préjudice non seulement aux pays ciblés, mais aussi à la valeur ajoutée américaine. Deux mécanismes sont à l’œuvre, au-delà de l'impact direct des représailles principalement de la Chine et de l'Union européenne (UE).
Premièrement, les importations américaines soumises à des droits de douane plus élevés contiennent inévitablement de la valeur ajoutée américaine (par exemple, des composants américains assemblés à l'étranger), nonobstant l'ajustement des listes de produits ciblés. (…)
Deuxièmement, les exportations américaines subiront également une perte de compétitivité, car le coût de production augmente dans les industries qui utilisent comme intrants des biens importés taxés.
Source : Cecilia Bellora et Lionel Fontagné (2019), L’arroseur arrosé : guerre commerciale et chaînes de valeur mondiales, La Lettre du Cepii, n° 398, avril 2019
Questions
1) Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur mondiale ?
2) Donnez deux exemples de mesures protectionnistes
3) Quels sont les trois effets d’une politique commerciale protectionniste pointée dans ce texte ?
4) Expliquez le titre du document
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1) Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur mondiale ?
Selon l’OMC, une chaîne de valeur mondiale est une succession des activités exécutées par les entreprises pour créer de la valeur lors des diverses étapes de la production (chaîne d’approvisionnement), mais aussi avec toutes les activités faisant partie de la chaîne de la demande (commercialisation, vente, service à la clientèle).
Une chaîne de valeur mondiale (CVM) est donc une série d'étapes dans la production d'un produit ou d'un service destiné à la vente aux consommateurs. Chaque étape ajoute de la valeur et au moins deux étapes se déroulent dans des pays différents.
2) Donnez deux exemples de mesures protectionnistes
Le protectionnisme est une politique commerciale qui vise à instaurer ou augmenter :
- les barrières tarifaires (droits de douane, taxes, etc.)
- et les barrières non tarifaires (quotas, contingentements, contraintes administratives, le respect de normes techniques et sanitaires ou des restrictions à l’accès au marché intérieur, etc.) afin de limiter les importations.
3) Quels sont les trois effets d’une politique commerciale protectionniste pointée dans ce texte ?
Tout d’abord, les mesures entraînent des représailles des partenaires commerciaux.
Ensuite, les droits de douane augmentent le coût des importations intégrant des intrants américains.
Enfin, les droits de douanes réduisent la compétitivité-prix des exportations qui utilisent comme intrants des biens importés taxés.
4) Expliquez le titre du document
L'arroseur arrosé est une expression popularisée lors des débuts du cinéma : en 1896, les frères Louis et Augustes Lumière mettent en scène un jardinier qui voit son tuyau d’arrosage retourné contre lui. L’expression est alors utilisée pour désigner des décisions ou actes qui se retournent contre ceux qui les prennent.
Ici, la hausse des droits de douane visant à pénaliser sur son partenaire commercial a des effets indirects qui pèsent aussi sur le pays qui se protège.
Pour les auteurs, au-delà de l'effet habituel des représailles directes, les guerres commerciales ont des effets particuliers dans le cadre d’économie imbriquées au sein de chaînes de valeur :
- les hausses de prix des consommations intermédiaires réduisent la compétitivité-prix des industries en aval ;
- les hausses de prix des biens finals nuit aux industries nationales en amont qui fournissent les pièces, composants, services nécessaires à l’assemblage de ces biens à l'étranger.