Exercice 1 : Croissance et technologies

Modéré

En 1987, Robert Solow écrit : « Nous voyons les ordinateurs partout, sauf dans les statistiques ». Lorsqu’est énoncé ce que l’on appelle encore aujourd’hui le paradoxe de Solow, le microprocesseur a été inventé 18 ans plus tôt, et pourtant la croissance de la productivité américaine demeure atone. De fait, la vague de croissance associée aux technologies de l’information et de la communication (TIC) s’amorcera quelques années plus tard, au milieu des années 1990 et se prolongera jusqu’au milieu des années 2000 aux Etats-Unis.

Pour comprendre ce retard dans la diffusion des TIC, il est utile d’examiner plus en détail ce qui caractérise une révolution technologique. Pour commencer, l’origine d’une révolution technologique se situe dans l’innovation fondamentale qui produit la « technologie générique », celle qui va tout changer dans l’économie (Bresnahan et Trajtenberg, 1995 ; Helpman, 1998). Trois propriétés fondamentales caractérisent les technologies génériques. Premièrement, leur fécondité : ces technologies génériques donnent lieu à une succession de vagues d’innovations secondaires, chaque innovation secondaire correspondant à l’adaptation de la technologie générique à un secteur particulier de l’économie. Deuxièmement, leur perfectibilité : ces technologies s’améliorent au cours du temps, permettant une baisse progressive de leur coût par les utilisateurs. Troisièmement, leur omniprésence : ces technologies se diffusent à l’ensemble des secteurs de l’économie (Jovanovic et Rousseau, 2005) …….

Une technologie générique n’est pas du « prêt-à-porter ». Sa mise en œuvre dans les différents secteurs de l’économie requiert des innovations secondaires « de procédé ». Chaque innovation secondaire adapte la technologie générique aux besoins d’un secteur particulier. Par exemple, la chaîne de montage est une innovation secondaire induite par la révolution de l’électricité dans le secteur automobile. La vente sur internet est une innovation dérivée des TIC et appliquée au secteur des services commerciaux. Ces innovations secondaires permettent d’améliorer le processus de production des entreprises, et ainsi d’augmenter leur productivité. D’où leur potentiel de croissance à long terme.

Cependant, la découverte de ces innovations secondaires demande du temps, ce qui est un premier élément permettant d’expliquer la réponse retardée de la croissance. A cela s’ajoute le fait que pour générer ces innovations secondaires il faut sacrifier des ressources qui auraient pu être utilisées dans la production. Tout cela contribue à ralentir la croissance à court terme (Helpman et Trajtenberg, 1998) ou tout au moins retarde le rebond de croissance que la nouvelle révolution technologique est censée générer…. La nécessité d’une innovation secondaire est différente pour chaque secteur, et sa découverte ne prend pas le même temps d’un secteur à l’autre : tout cela explique pourquoi, si l’on considère l’économie dans son ensemble, le remplacement de l’ancienne technologie par la nouvelle ne se fait que progressivement.

Le Pouvoir de la destruction créatrice,
de Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel
© Odile Jacob, 2020
Extrait reproduit avec l’aimable autorisation des Editions Odile Jacob ;

Questions :

1- Pourquoi l’affirmation de Robert Solow en 1987 est-elle qualifiée de paradoxale ?

2- Qu’est-ce qu’une innovation fondamentale ? Donnez un exemple historique.

3- Quelles sont les trois propriétés qui caractérisent les technologies génériques ?

4- Qu’est-ce qu’une innovation secondaire ? Citez des innovations secondaires rattachées à l’exemple d’innovation fondamentale que vous avez retenu.

5- Quels sont les différents éléments permettant d’expliquer le « retard » de la croissance économique ?

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