On a longtemps cru que les médias étaient tout-puissants dans les campagnes électorales. Cela venait de croyances relatives à la propagande du début et de la moitié du XXème siècle. Quand les premières études « scientifiques » ont commencé à se développer sous l’impulsion de Paul Lazarsfeld et son équipe (1944), on s’est rendu compte que les médias n’avaient que des effets limités en termes d’influence directe sur le comportement électoral.
Paradoxalement, c’est au moment où la propagande nazie donnait à plein qu’on s’est rendu compte que les effets des médias n’étaient que limités dans les démocraties représentatives comme les États-Unis. Il est apparu que l’électeur était politiquement avant tout comme il était socialement.
Mais, à partir des années 1970, on a déplacé la question en s’intéressant plus particulièrement aux effets indirects des médias et, plus précisément, à leurs effets cognitifs, c’est-à-dire sur les connaissances et les représentations des électeurs. Ainsi a-t-on pu mettre en évidence des effets dits d’agenda par lesquels les médias désignent au public les problèmes qu’il doit considérer comme prioritaires.
D’autre part, des effets de cadrage ont été repérés par lesquels les médias construisent les objets politiques (les hommes, les programmes, les partis, etc…) et donc formatent les perceptions publiques. On a même décelé des effets d’amorçage par lesquels l’information des médias dictent les critères à utiliser pour évaluer les candidats ou les situations politiques […].
Source : Jacques Gerstlé, « Les médias font-ils l’élection ? », slate.fr, 17 mars 2017. [consulté le 5 avril 2019]
Questions :
1. Expliquez la phrase en caractère gras.
2. Quels effets peuvent avoir les médias sur les élections ?
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1. Expliquez la phrase en caractère gras ?
La phrase soulignée signifie que Paul Lazarsfeld et son équipe ont montré que le vote était plus influencé par les caractéristiques sociales de l’individu (âge, sexe, profession, religion, etc.) que par les médias.
2. Quels effets peuvent avoir les médias sur les élections ?
Les médias ont plutôt des effets indirects sur les élections. En premier lieu, ils peuvent avoir un effet de mise sur agenda : ils tendent à sélectionner les thématiques sur lesquelles ils font porter leur attention, réalisant ainsi un « filtrage » des enjeux politiques du moment. Par exemple, on peut penser que le traitement médiatique régulier des questions climatiques peut avoir particulièrement sensibilisé la population à ces enjeux, et, pourquoi pas, en avoir fait un enjeu saillant lors d’élections (on peut penser notamment à la forte poussée des partis écologistes aux élections européennes de 2019).
En second lieu, les médias peuvent avoir un effet de cadrage. Leur manière de traiter un sujet semble avoir une influence sur la façon dont le public le perçoit. Ainsi, la pauvreté peut être traitée soit comme le résultat de défaillances individuelles, soit comme un problème social structurel demandant la mise en place de politiques actives.
Enfin, les médias génèrent parfois un effet d’amorçage. Ils peuvent influencer les critères de jugement du public. Ainsi, un des enjeux de la campagne présidentielle de 2017 en France a été de faire du premier tour la sélection du candidat le plus susceptible de battre Marine Le Pen, dont la présence au second tour ne faisait aucun doute. Les autres candidats ont donc eu tendance à être évalués à l’aune de cette dimension, ce qui a favorisé le « vote utile » au premier tour.