La filière textile‑habillement illustre bien la manière dont se combinent les approches par les produits et par les tâches pour influencer le potentiel de délocalisation.
Du point de vue des caractéristiques des produits de la branche, les vêtements sont particulièrement légers et peu volumineux ; les coûts de transport pour acheminer les biens intermédiaires ou les biens finis assemblés à l’étranger sont très faibles. En même temps, les barrières à l’entrée dans ce type de secteurs sont faibles (peu de dépenses en recherche et développement ou R&D et de brevets…). Les logiques de compétitivité prix ou coûts dominent, même si la différenciation des produits par l’image de marque peut être un facteur non négligeable de compétitivité.
Du point de vue des caractéristiques des tâches, l’activité de couture consistant à manipuler des matières souples est encore peu robotisable, et recourt beaucoup au travail peu qualifié : le coût de main d’œuvre représente plus des deux tiers du coût de production. Si les phases de tissage et de filature (amont de la filière) et de découpe (au laser) sont largement automatisées, ce n’est pas le cas de l’activité d’assemblage (couture). Il existe bien des prototypes de robots essayant de robotiser l’activité de couture mais ces innovations en restent au stade du prototype dans quelques grandes entreprises. En outre, ces robots sont encore utilisés de manière semi‑automatique nécessitant l’intervention manuelle. La part dans les effectifs employés des fonctions associées aux tâches routinières peu qualifiées, facilement délocalisables y est élevée. Les taux d’exportation y sont relativement faibles et les délocalisations verticales défensives motivées par des différences de coûts salariaux dominent.
Hugues Jennequin, Luis Egidio Miotti et El Mouhoub Mouhoud (2017), Mesurer et anticiper la vulnérabilité des territoires face aux risques de délocalisation : une analyse sur données sectorielles en France, Économie et Statistique n° 497‑498, 2017
Questions
1) Qu’est-ce qu’une délocalisation ?
2) Quels sont les facteurs qui expliquent les délocalisations dans la filière du textile et de l’habillement ?
3) Toutes les activités sont-elles délocalisables facilement ?
Voir la correction
1) Qu’est-ce qu’une délocalisation ?
Une délocalisation est la décision d’une entreprise de sous-traiter la fourniture de certains biens et services à des fournisseurs étrangers, qui peuvent être des entreprises indépendantes ou des filiales.
L’entreprise ferme une unité productive dans un pays pour la transférer dans un autre afin d'en tirer un avantage compétitif, comme des coûts de production plus bas (cf. coûts salariaux, environnement réglementaire, fiscalité, etc.).
2) Quels sont les facteurs qui expliquent les délocalisations dans la filière du textile et de l’habillement ?
La délocalisation d’une activité peut s’expliquer :
- par les caractéristiques des emplois et des tâches ;
- par la nature et les caractéristiques des produits.
Dans la filière du textile et de l’habillement ont peu facilement réduire les coûts salariaux unitaires en délocalisant car de nombreuses tâches, comme la couture, mobilisent du travail peu qualifié. De plus, il n’est pas facile d’automatiser certaines tâches. Dans la filière du textile et de l’habillement les caractéristiques des produits (légers, peu volumineux, fabrication facilement fragmentable) facilitent aussi les délocalisations.
3) Toutes les activités sont-elles délocalisables facilement ?
Si la délocalisation d’une activité s’explique par les caractéristiques des emplois et des tâches et la nature et les caractéristiques des produits, on ne peut pas délocaliser toutes les activités productives.
Lorsque les activités productives nécessitent des tâches interactives et manuelles non routinières, elles sont difficilement délocalisables et lorsque les produits sont pondéreux et volumineux ou qu’ils doivent être consommés rapidement ou qu’ils sont différenciés par des labels territoriaux alors la délocalisation est difficile voire impossible.