Lorsqu’il y a brusquement, pour une génération donnée, une croissance de la proportion des cadres (changement structurel), une proportion croissante d’enfants des professions intermédiaires, voire de ceux d’employés et d’ouvriers, vont bénéficier de cette aspiration vers le haut ; mais au même moment, les enfants de cadres, qui ont plus de places disponibles de cadres, auront moins de risques de déclassement. Les chances de devenir cadre s’accroissent alors pour tous : pour les enfants de cadres, le destin de cadre peut devenir alors une quasi-certitude et pour ceux d’ouvriers il est moins improbable. La fluidité est la partie de la mobilité qui est indépendante de ces changements structurels. Elle permet alors de mesurer l’intensité du brassage social, autrement dit du degré auquel les enfants de cadres et les enfants d’ouvriers, par exemple, ont ou n’ont pas d’avantages et de handicaps relatifs à la naissance pour parvenir en position de cadre. [...] Une société très fluide produit alors beaucoup de promotions et, en même temps, beaucoup de déclassements sociaux. Ce n’est donc pas forcément, pour tous, une société idyllique, surtout pas pour les enfants de cadres, qui perdent alors les avantages d’être « bien nés ». La différence est essentiellement que, dans une société plus fluide, les chances à la naissance des enfants de cadres et d’ouvriers sont plus égales et les cloisonnements relatifs de classes, qui se lisent aux handicaps et avantages relatifs à la naissance, sont moindres.
Source : Louis Chauvel, Le destin des générations, Presses Universitaires de France, 2010
Questions :
1/ Pourquoi une augmentation du nombre de postes de cadres d’une génération à une autre ne signifie-t-il pas forcément une plus grande égalité des chances ?
2/ Pourquoi une société fluide risque-t-elle de connaître beaucoup de déclassements ?
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1/ Comme l’explique Louis Chauvel dans ce texte, s’il y a plus de postes de cadres, ces derniers sont ouverts à la fois aux enfants d’ouvriers, d’employés, de professions intermédiaires… et aux enfants de cadres. Rien n’indique, donc, que les chances d’accès à ces postes deviennent plus ouvertes : la probabilité d’être cadre augmente pour les enfants d’ouvriers par exemple, mais aussi pour les enfants de cadres.
2/ Une société parfaitement fluide signifie que les individus ont accès à toutes les positions sociales avec la même probabilité quelle que soit leur position d’origine. Cela signifie donc que les chances d’ascension sociale augmentent (il devient plus probable de devenir cadre si on est enfant d’ouvrier), mais les chances de déclassement également (il devient plus probable de devenir ouvrier si on est enfant de cadre). C’est d’autant plus vrai si les structures de la société ne changent pas entre deux générations.