Un collégien dont l’un des deux parents au moins est diplômé de l’enseignement supérieur a presque trois fois plus de risques d’appartenir à la catégorie des élèves en difficultés lorsque ses parents sont séparés (ils sont 28 % d’élèves en difficultés dans ce cas) que lorsque ses parents vivent ensemble (9,5 % d’élèves en difficultés dans ce cas). Lorsque l’on regarde dans le détail, on s’aperçoit que c’est surtout le diplôme paternel dont les effets semblent amoindris par la séparation : 12,6 % des collégiens issus d’un père détenant au moins le baccalauréat appartiennent à la catégorie des élèves en difficultés lorsque les parents vivent ensemble contre 34,8 % des collégiens de même origine lorsqu’ils sont séparés. Cet affaiblissement très net de l’effet du diplôme du père en cas de séparation tient pour une large part au véritable éloignement du capital paternel qui peut s’opérer dans ce cas. En effet la très grande majorité des enfants de parents séparés vivent avec leur mère (seul 10 collégiens sont déclarés comme vivant chez leur père contre 118 chez leur mère, sur les 128 couples désunis de notre enquête). […]
La solitude éducative, l’absence de relève ou de soutien régulier dans ce domaine des mères de Jérémie Garon, de Fabien Bayard et de Thibault Roland, en particulier, rendent raison du fait qu’elles « relâchent » par moments leurs efforts de régulation des activités enfantines dans des domaines différents (usage de la télévision le soir, horaires de sorties, manières de s’exprimer). Souvent rapportées à un épuisement dans la gestion des différentes tâches qui leur incombent (« Mme Bayard : c’est vrai que quand on rentre du travail, on est un peu fatigué, et des fois on cède (bas). »), ces moments de « faiblesse » peuvent aussi être directement reliés à l’absence de l’autre parent (« Mme Delorme [la mère de Jérémie] : C’est toujours pareil, on n’est pas deux, quoi, à le faire. Je suis la seule, si y’a un problème, c’est moi. [..] Quand on est deux à les élever, on peut faire attention beaucoup plus que… »). Ainsi l’affaiblissement du signal peut-il aussi tenir à certaines formes d’épuisement de ceux qui l’émettent.
Source : Gaële Henri-Panabière, « Élèves en difficultés de parents fortement diplômés. Une mise à l'épreuve empirique de la notion de transmission culturelle », Sociologie, 2010
Questions :
1/ Pourquoi les difficultés scolaires d’un collégien dont les parents sont diplômés du supérieur peuvent-elles être considérées comme paradoxales ?
2/ Quel événement peut expliquer ces difficultés selon l’auteure de ce texte ?
3/ Comment cet événement peut-il conduire à un déclassement ?