Document 6. Protectionnisme et libre-échange

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l'une des personnalités les plus marquantes aujourd'hui dans le domaine de la théorie du commerce international; il a étendu la théorie de la concurrence imparfaite à la théorie du commerce et a commencé à affirmer que “le libre-échange était passé de mode après tout”. Cette déclaration eut l'effet d'un choc électrique sur les médias, surtout parce que l'essor du Japon et les allégations selon lesquelles le Japon était un pays protectionniste alors que les États-Unis pratiquaient le libre-échange, avaient déchaîné un tel délire médiatique qu'il fallait trouver un économiste célèbre pour en faire la figure emblématique du protectionnisme.

(…) En plus de Krugman, Laura Tyson (une autre de mes élèves les plus remarquables au MIT) préconisait “l'utilisation des politiques commerciales pour promouvoir et protéger les industries et les technologies que nous jugeons importantes pour notre bien-être”.

Tyson prétendait que les industries ayant des externalités devaient être protégées. Mais le problème est qu'il est très difficile pour les décideurs, et très facile pour les lobbyistes, de décider dans quelles industries il y a des externalités. (…)

Toutefois, le modèle théorique de la concurrence imparfaite entre entreprises produisant des produits différenciés (élaboré par Paul Krugman) et le modèle des industries oligopolistiques (élaboré par Gene Grossman), ont bel et bien causé des difficultés au libre-échange à un niveau plus profond. Pour le comprendre, il faut savoir que tout au long des deux siècles qui ont suivi les écrits d'Adam Smith sur les vertus du libre-échange, des économistes de premier plan, comme Keynes à l'époque de la Grande dépression, se sont élevés encore et encore contre le libre-échange. (…)

Mais, j'ai avancé en faveur du libre-échange une idée simple qui s'est avérée révolutionnaire. J'ai fait valoir que si un dysfonctionnement spécifique du marché était éliminé par une politique appropriée, les arguments à l'appui du libre-échange retrouveraient leur validité.

Jagdish Bhagwati, conférence à l'OMC, octobre 2007. 

Questions

1) Qu’est-ce qu’une externalité ?

2) Cherchez : Qui est Jagdish Bhagwati ?

3) Cherchez : Qu’est-ce qu’une « politique commerciale stratégique » ?

4) Quelle critique l’auteur adresse aux politiques commerciales stratégiques ?

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1) Qu’est-ce qu’une externalité ?

Une externalité (ou effet externe) est la retombée de l’action d’un agent économique sur un autre sans compensation monétaire.

L'activité de production ou de consommation d'un agent affecte le bien-être des autres sans qu'aucune des partis ne paie ou ne reçoivent de contrepartie/dédommagement.

Une externalité peut être positive ou négative selon qu’elle agisse favorablement ou défavorablement sur le bien-être.

2) Cherchez : Qui est Jagdish Bhagwati ?

Jagdish Natwarlal Bhagwati (1934-) est économiste indo-américain. S’il défend que la croissance économique est la condition nécessaire pour réduire la pauvreté, sa théorie de la «croissance appauvrissante» (1958) souligne que la croissance peut détériorer les termes de l’échange d’un pays au point que son niveau de vie diminue (diminution du pouvoir d'achat du pays qui devra exporter plus pour pouvoir importer une même quantité).

Défenseur du libre-échange, il souligne que celui-ci n’est pas optimal quand il existe des distorsions (cf. externalités de production) dans l’économie. Toutefois, on peut corriger ces distorsions par des mesures appropriées (cf. subventions). Pour Jagdish Bhagwati, les déficiences du marché ne justifient donc pas le protectionnisme qui « comme le personnage de Requin dans les films de James Bond, resurgit sans cesse, sous de nouvelles formes».

D’ailleurs, dans les années 90, il dénonce la politique commerciale des États-Unis, caractérisée par un «unilatéralisme agressif»… face au Japon. L’accusation de «commerce déloyal» est pour lui le «syndrome du géant diminué».

Soulignant les coûts des politiques autarciques et protectionnistes, il défend le système commercial multilatéral. La libéralisation des échanges doit être non discriminatoire. Il critique donc les accords commerciaux préférentiels qui réduisent leurs barrières douanières en faveur de certains pays partenaires mais pas de tous.

Pour lui, être favorable au libre-échange des productions n’implique pas de soutenir celle des facteurs de production (capital, travail). Dans « Le mythe du capital », il prend position contre la libéralisation des flux de capitaux transfrontaliers déstabilisateurs et coûteux. Il n’y a donc pas de parallèle entre libre échange et liberté des mouvements de capitaux.

Jagdish Bhagwati a enseigné en Inde et aux États-Unis et fut conseiller à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et aux Nations unies.

3) Cherchez : Qu’est-ce qu’une « politique commerciale stratégique » ?

La politique commerciale stratégique (PCS) veut démontrer que, dans une situation de concurrence imparfaite où existent des relations stratégiques entre firmes (Le revenu d’une firme dépend des choix stratégiques des autres firmes), les interventions de l’État peuvent être bénéfiques.

Ainsi, les pays pouvaient faire appel au protectionnisme comme instrument de politique industrielle, pour s’approprier les rentes sur les marchés oligopolistiques, aux dépens de ses partenaires commerciaux.

Il s'agit donc d'une politique commerciale protectionniste visant à conquérir les marchés (voire obtenir un monopole) en cherchant un avantage comparatif grâce aux subventions, aux barrières douanières ou la baisse de taxes dans des secteurs stratégiques.

4) Quelle critique l’auteur adresse aux politiques commerciales stratégiques ?

Pour Jagdish Bhagwati, les pouvoirs publics ne sont pas forcément les décideurs les plus pertinents pour déterminer quels secteurs privilégier car ils sont soumis à des groupes de pression (secteurs particuliers) qui imposent leur demande de protection alors que leur soutient n’est pas forcément le plus pertinent d’un point de vue économique.

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