Au-delà ce ces points communs, il existe de profondes divergences entre les classiques. D’une certaine façon, chacun est profondément différent de l’autre par les thèmes qu’il a choisi d’approfondir, les options qu’il a prises face à un problème donné. Même ceux qui se réclament de tel économiste s’en écartent sur de nombreux développements. Ainsi, J.B Say, D. Ricardo, R. Malthus s’opposent sur de nombreuses questions à A. Smith. Mais si l’on fait abstractions de ces particularismes, il est possible de définir les principaux clivages dominant la pensée économique de la période classique. On peut distinguer les économistes libéraux orthodoxes, les économistes libéraux réformistes et les économistes socialistes. Les premiers font à des degrés divers l’apologie de la propriété privée et de la liberté économique tant sur le plan interne qu’en ce qui concerne les échanges extérieurs. Les seconds mettent en évidence le effets pervers d ce libéralisme et préconisent une intervention compensatrice de l’Etat en matière économique et/ou sociale. Enfin, le courant socialiste prévoit des changements radicaux tendant à induire une transformation complète des structure économiques.
Mise à part ce dernier courant qui rejoindra plus tard le marxisme comme critique de l’économie politique vue comme le discours de la bourgeoisie dominante, le qualificatif d’école classique regroupe un certain nombre d’économistes dont les propositions apparaissent globalement favorables au libéralisme économique. Cette caractéristique est particulièrement marquée si l’on examine l’influence de leurs travaux au moment historique où ils écrivent. A Smith s’oppose radicalement aux idées mercantilistes favorables à l’intervention économique de l’Etat. Ses analyses justifient la division naturelle du travail qui se met en place ; le jeu du marché apparaît comme globalement conforme aux intérêts de la société dans son ensemble. J.B Say sera encore plus optimiste car pour lui, les crises économiques que l’on voit apparaître ne peuvent être générales et durables, ce sont de simples phases d’ajustement entre l’offre et la demande. Quant à D. Ricardo, s’il est plus pessimiste sur l’évolution à long terme qui lui paraît devoir être marquée par l’état stationnaire, son argumentation sur le libre-échange reste le fondement actuel des analyses en faveur de la suppression des barrières douanières.
Les économistes classiques Brémond. J Hatier 1989 p 41
Question 6 : quels sont les exemples de divergences entre les auteurs classiques (pour répondre à cette question, essayez de relier Smith, Ricardo et Malhus à des courants ou auteurs du XXe siècle?
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Question 6 : Si le caractère globalement favorable au libéralisme de ces auteurs est indiscutable, le lecteur contemporain ne peut qu’être frappé par la perception des ambiguïtés et des effets pervers du libéralisme chez ces auteurs. A Smith défend le protectionnisme dans nombre de situations, même s’il défend le libre-échange et la spécialisation sur la base des coûts absolus. Il décrit aussi les antagonismes d’intérêt entre les classes sociales dans les termes que ne renierait pas un marxiste, même s’il fait l’apologie de la division sociale du travail. La pensée de Ricardo a donné naissance à un courant de pensée que l’on qualifie de socialisme ricardien et l’analyse de la valeur de Marx est le prolongement de celle de Ricardo, sauf bien évidemment que pour ce dernier le salaire est le prix du travail et non de la force de travail. Au XXe siècle, P. Sraffa trouvera dans Ricardo les prémisses d’une analyse qui conteste les fondements de l’analyse néoclassique actuelle. Malthus a, à la fois, des mots atroces pour décrire le monde ouvrier responsable de sa misère, des propositions ultra libérales en matière de politique sociale et, en même temps, il perçoit avant Keynes comment la déficience de la demande peut être à l’origine de crises économiques qu’il qualifie de sous-consommation.