Samira, la sœur aînée, a effectué un parcours scolaire particulièrement remarquable. Elle est d’abord scolarisée en Algérie, où elle effectue une très bonne année de cours préparatoire. Mais elle subit à 7 ans le choc de l’émigration, du déracinement, en venant habiter en France (« dans mon souvenir, tout était gris en arrivant ici »), où elle doit reprendre l’école à zéro (elle ne parle pas un mot de français). Elle surmonte vite cette épreuve, apprend rapidement la langue française, devient une très bonne élève dès le CP. Elle garde aujourd’hui encore un souvenir ébloui de l’école d’alors, une image enchantée de ses maîtresses et de certains de ses enseignants de collège, qu’elle s’efforce de revoir de temps en temps aujourd’hui. Première de cordée dans la fratrie, jugée par sa sœur cadette Leïla comme « sérieuse », « studieuse », c’est elle qui va tracer la voie d’ascension scolaire dans la famille. Elle va non seulement donner l’exemple (par ses bulletins impeccables et son sens du devoir scolaire) à ses frères et sœurs, mais elle suivra aussi – de très près – leur scolarité en surveillant leur travail (leurs copies, leurs bulletins…), en allant voir les enseignants dès que nécessaire, en intervenant personnellement au moment des orientations décisives (fin de 3e), notamment pour éviter à tout prix le passage en lycée professionnel : ce destin-là constitue, pour elle, l’antichambre du chômage et des « problèmes ».
[...]. Dans sa famille, elle va jouer continûment un rôle de soutien scolaire puis de passeur culturel, entraînant dans son sillage scolaire à la fois sa sœur la plus proche (Leïla) et ses sœurs cadettes qui, malgré quelques embûches, accéderont toutes au bac général ou technologique.
Source : Stéphane Beaud, « Les trois sœurs et le sociologue. Notes ethnographiques sur la mobilité sociale dans une fratrie d'enfants d'immigrés algériens », Idées économiques et sociales, 2014
Questions :
1/ Comment expliquer l’ascension sociale de Samira ?
2/ Quel rôle a-t-elle pu jouer auprès de ses sœurs ?
3/ Pourquoi peut-on expliquer leur réussite scolaire de « réussite paradoxale » ?
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Réponses :
1/ Samira connaît une ascension sociale grâce à son parcours scolaire. Elle a été une très bonne élève et a beaucoup investi sa scolarité.
2/ Elle a guidé ses sœurs vers la même réussite scolaire, à la fois en donnant un exemple de réussite possible et en encadrant le travail scolaire de ses frères et sœurs.
3/ On peut parler d’une réussite « paradoxale » au sens où compte-tenu de son milieu social d’origine, la probabilité qu’elle poursuive des études supérieures était, statistiquement assez faible.