Document 6 : La méthode de Gosta Esping-Andersen

Facile

Durant des décennies, la majorité des chercheurs occidentaux ont tendu à présenter la mutation de l’État-providence au Welfare State comme un processus inéluctable et positif de passage du paternalisme aux droits sociaux et de l’individualisme à la solidarité collective. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. La référence aux droits sociaux ne nous permet pas de penser de manière sérieuse et pertinente les formes variées d’État social, leur genèse et leurs évolutions récentes. Les États-providence diffèrent par leur histoire, leur mode de prise en charge des risques sociaux, le type et la quantité d’institutions et de services qu’ils mettent à la disposition des populations. Ces différences sont le fruit d’une culture et d’une histoire singulière qui reflètent l’empreinte des origines. (...)

Dans un ouvrage devenu un classique, Les trois mondes de l’État-providence. Essai sur le capitalisme moderne, Gøsta Esping-Andersen cherche à dépasser les modèles de classification en fonction du montant des dépenses sociales ( « combien » ), pour s’intéresser à la manière dont les pays dépensent ( « comment » ). Il met en évidence le fait qu’au sein des différences il est possible de procéder à des regroupements chargés de sens. La notion de régime rend compte d’arrangements institutionnels relativement stables entre la sphère privée, le marché et l’État. Le niveau de démarchandisation, la structure de classe découlant des politiques sociales et enfin le ratio public-privé dans la fourniture des biens sociaux constituent les trois indicateurs qui fondent les différents régimes d’État-providence.

Le capitalisme a pour effet de transformer l’homme en marchandise. Pour satisfaire ses besoins, l’homme est obligé de vendre sa force de travail. À la suite de Karl Polanyi, Gøsta Esping-Andersen soutient que la fonction principale des États-providence est de permettre aux individus, dans des conditions légalement construites, de s’extraire plus ou moins fortement du marché tout en bénéficiant de prestations de remplacement. Le degré de démarchandisation rendu possible par les différentes sociétés permet d’établir une classification hiérarchique des États-providence en trois catégories : forte, moyenne et faible. L’indice de démarchandisation est d’autant plus fort que l’éligibilité est aisément accessible, que les droits sont soumis à peu de conditions restrictives pour une longue durée et que les revenus de remplacement sont proches des revenus d’activité.

Source : Merrien, François-Xavier. « L'État-providence dans une perspective historique et conceptuelle », François-Xavier Merrien éd., L’État-providence. Presses Universitaires de France, 2007, pp. 11-29.

Questions : 

1) Quel préjugé a longtemps dominé quant à la formation des Etats-Providences ?

2) Sur quel auteur s’appuie Gosta Esping-Anderson pour construire son indice de démarchandisation ? Quel était la théorie de ce dernier ?

3) Comment l’indice de démarchandisation est-il calculé ?

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1) Quel préjugé a longtemps dominé quant à la formation des Etats-Providences ?

Leur apparition et extension a longtemps été pensée comme un processus inéluctable, qui marquerait toutes les sociétés de façon homogène à partir du moment où elles connaitraient un certain niveau de développement. C’est un préjugé car nous avons vu se développer des modèles institutionnels variés et que l’Etat-Providence peut s’étendre ou reculer à différentes période de l’histoire.

2) Sur quel auteur s’appuie Gosta Esping-Anderson pour construire son indice de démarchandisation ? Quel était la théorie de ce dernier ?

Pour construire sa typologie, il s’appuie les travaux de Karl Polanyi. Dans La grande transformation (1944), ce dernier avance l’idée que le travail, la terre et la monnaie sont des « marchandises fictives ». Cela signifie qu’ils n’ont pas été produits pour être vendus, même si cette fiction a été mise en œuvre dans la réalité sous l’influence de « l’utopie libérale ». En particulier, le capitalisme a eu pour effet de transformer l’homme en marchandise puisqu’il est obligé de vendre sa force de travail pour satisfaire ses besoins. Polanyi considère donc que la fonction principale des Etats-providence est de permettre aux individus de s’extraire plus ou moins fortement du marché, ou, autrement dit, de pallier aux dérives du capitalisme. En effet, en certaines circonstances, le travail de l’individu ne lui permet pas d’assurer des conditions de vie décentes ou il ne peut tout simplement pas travailler (maladie, vieillesse …).

3) Comment l’indice de démarchandisation est-il calculé ?

L’indicateur de « démarchandisation » vise à mesurer jusqu’à quel point les différents modèles sociaux permettent aux individus de s’extraire du marché. Il est constitué par la prise en compte de diverses variables, notamment les règles d’éligibilité ainsi que le niveau et la durée des droits obtenus.

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