Document 6. Des transformations du marché du travail qui fragilisent l’intégration

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Produit de la conjonction structurelle de facteurs multiples (épuisement des gains de productivité, saturation de la norme de consommation, mutations sectorielles, pression internationale, etc.), la crise qui clôt la période des Trente Glorieuses consacre le déclin du régime de croissance fordiste d’après-guerre. Bien qu’elle ne soit pas cumulative comme en 1929, la dépression a des effets directs durables sur le marché du travail. Le chômage entame une course à la hausse à partir de la seconde moitié des années 1970. […] Inégale selon les périodes, la création d’emplois n’a pas été suffisante pour empêcher le chômage de s’installer durablement dans le paysage français. Les études ne manquent pas pour signaler les inégalités selon l’âge, le sexe, l’origine ethnique, le diplôme, la catégorie socioprofessionnelle, la région, etc., face à la privation involontaire d’emploi. Cette dernière a accru par ailleurs les différences de statut et de protection sociale.

Le constat d’ensemble est similaire lorsqu’on observe l’évolution et la morphologie des «formes particulières d’emploi». […] On considère désormais comme typique un emploi à durée indéterminée et occupé à plein temps auprès d’un employeur unique qui est lui-même l’utilisateur direct des compétences du salarié. Les formes particulières d’emploi, l’intérim au premier chef, font leur apparition sur le marché du travail avant, il est vrai, que les symptômes de la grande crise des années 1970 ne s’imposent à toutes et à tous avec la force de l’évidence. Mais, les difficultés économiques persistant, la précarisation de l’emploi gagne du terrain au fil des années et des décennies qui suivent. La part de l’intérim, des contrats à durée déterminée, des stages et contrats aidés par les pouvoirs publics et de l’apprentissage dans l’emploi salarié double ainsi entre 1982 et 2002. Elle atteint son acmé en 2000 avec un taux de 12 % (contre 6 % en 1982). Dix-sept ans plus tard, nous en sommes à plus de 15 %. […] Depuis la fin des années 1970, les formes particulières d’emploi qui ont le plus vivement progressé dans le secteur privé sont l’intérim et les contrats à durée déterminée bien plus encore. En 2017, à elle seule la part des contrats à durée déterminée dans l’emploi salarié atteint 12 %, ceux de moins de trois mois représentant même 5 % du total.

[…] Le travail à temps partiel, qui concerne un peu moins de 19 % de la population active occupée en 2016 (contre 9 % en 1982), a également contribué au mouvement d’érosion de la norme d’emploi fordiste. Aujourd’hui, cette forme d’emploi alimente une partie de la pauvreté laborieuse, situation propre aux personnes en incapacité de tirer du produit de leur travail un revenu suffisant pour subsister.

[…] Que ce soit par le biais du chômage ou de la précarité, le refoulement des personnes aux marges du marché du travail a toujours des effets sur leur mode d’intégration sociale, […] la privation d’emploi se traduit par une déconnexion des intéressés des rythmes dominants de la vie sociale, une privation des points de repères spatiaux de l’existence et une sape de l’identité personnelle. Serge Paugam procède à des constats similaires à l’occasion de son étude sur les salariés de la précarité. Elle dilue non seulement les attaches avec le monde du travail mais elle gâte également les relations conjugales et familiales, elle dégrade les revenus et les conditions de vie, elle incite au repli sur soi et ses proches plutôt qu’à l’engagement associatif ou politique, etc.

Michel Lallement, « Quarante ans d’institution de l’emploi », Travail et Emploi, Dares, 2019.

 

Questions :

1. Distinguez formes d’emplois typique et atypique.

2. A quelles transformations le marché du travail français fait-il face dès le milieu des années 1970 ?

3. Qu’est-ce que la « pauvreté laborieuse » ?

4. Quelles sont les conséquences de ces transformations du marché du travail ?

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Réponses :

1. Distinguez formes d’emplois typique et atypique.

La notion d’emploi typique désigne le modèle de référence de l’emploi salarié à temps plein, en contrat à durée indéterminée (CDI), offrant des garanties et des perspectives de carrière. A l’inverse, les emplois atypiques regroupent les contrats à durée déterminée (CDD), intérims, apprentissage et contrats aidés. Ces formes particulières d’emploi sont précaires et offrent souvent des rémunérations plus faibles et des garanties sociales moindres. 

2. A quelles transformations le marché du travail français fait-il face dès le milieu des années 1970 ?

Le choc pétrolier de 1973 marque la fin des Trente Glorieuses et le début du ralentissement de la croissance économique, qui s’accompagne dès les années 1980 d’une augmentation d’un chômage de masse et de longue durée. En 1993, la barre symbolique des 3 millions de chômeurs est ainsi franchie en France. Par ailleurs, cette même période est marquée par le phénomène de précarisation de l’emploi. La part d’emploi précaire a presque triplé depuis le milieu des années 1980.

3. Qu’est-ce que la « pauvreté laborieuse » ?

La pauvreté laborieuse désigne les travailleurs pauvres, c’est-à-dire les personnes qui tout en ayant travaillé une partie de l’année vivent dans un ménage dont les revenus ne suffisent pas à offrir à ses membres un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté monétaire, généralement fixé à 60% du revenu médian.

4. Quelles sont les conséquences de ces transformations du marché du travail ?

Le développement du chômage de masse persistant et de la précarité remet en question le rôle intégrateur du travail. Non seulement les individus sont davantage exposés au risque de perte de revenus mais ils subissent également une fragilisation du statut social conféré par le travail.

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