Sous sa version la plus simple, la règle d’Hartwick stipule que la consommation peut être constante le long d’une trajectoire d’équilibre de l’économie si et seulement si la valeur de l’investissement total (évaluée aux prix d’équilibre) est nulle à chaque instant. Pour illustrer ce résultat simplement, supposons que l’économie ne possède que deux types de capitaux : un capital physique et un stock de ressource épuisable. Comme le stock de ressource ne peut que diminuer si on l’utilise, on est devant un investissement négatif, la valeur du stock diminuant de la valeur du montant prélevé, qui est la rente hotellinienne. Pour que la consommation reste constante, il faut, selon la règle d’Hartwick, que le stock de capital physique s’accroisse d’une valeur égale à cette rente. D’où la formulation normative de la règle d’Hartwick : investir à chaque instant la rente tirée de l’exploitation des ressources naturelles dans le capital physique.
Il est clair que cette règle n’est applicable que s’il y a une substituabilité parfaite entre les différents types de capitaux. Il faut en outre supposer que les comportements d’offre et de demande permettront la substitution. En effet, à proximité de l’épuisement, la rente de rareté associée à la ressource sera très élevée et, inversement, le prix du capital physique sera faible puisque la presque totalité de la ressource aura été « transformée » dans ce type de capital. Il n’est donc pas certain que ces prix permettent d’appliquer la règle, le montant nécessaire d’investissement en capital physique pouvant être trop élevé. Enfin, il faut noter que l’application de la règle suppose que l’on connaisse la valeur de l’investissement à chaque instant, une condition bien difficile à vérifier pratiquement et qui fait retomber dans les apories de la prévision.
Source : Gilles Rotillon, Économie des ressources naturelles. Paris, La Découverte, « Repères », 2019
Questions :
12) Outre le capital physique et le capital naturel, quelles autres formes de capitaux peuvent être identifiées dans les modèles de soutenabilité ?
13) Pourquoi l’hypothèse de substituabilité parfaite entre les formes de capitaux est-elle indispensable dans le modèle de soutenabilité faible ?
14) Quel problème est pointé par l’auteur lorsque le capital naturel est proche de l’épuisement ?
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12) Outre le capital physique et le capital naturel, quelles autres formes de capitaux peuvent être identifiées dans les modèles de soutenabilité ?
Dans les modèles qui cherchent à étudier la soutenabilité à partir de stocks de capitaux, on ajoute souvent au capital naturel et au capital physique, le capital humain et le capital social.
13) Pourquoi l’hypothèse de substituabilité parfaite entre les formes de capitaux est-elle indispensable dans le modèle de soutenabilité faible ?
Dans le modèle de soutenabilité faible, l’idée est qu’il faut maintenir constant le stock global de capital. Pour que ce soit possible, il faut que les capitaux soient parfaitement substituables entre eux. Pour reprendre l’exemple développé dans le texte, il faut pouvoir remplacer le stock utilisé de capital naturel par du capital physique.
14) Quel problème est pointé par l’auteur lorsque le capital naturel est proche de l’épuisement ?
Quand le capital physique est proche de l’épuisement, c’est qu’il devient très rare. La perte de nouvelles unités de ce capital devient très coûteuse, et donc difficile à remplacer par du capital physique. C’est d’autant plus vrai que ce capital physique, lui, est devenu abondant, il en faut une très grande quantité pour remplacer le capital naturel perdu. Autrement, dit, le coût du remplacement du capital naturel par du capital physique devient très important, ce qui rend l’hypothèse de ce remplacement moins probable et nuit donc à la possibilité d’une croissance soutenable.