Document 5. Le travail est source d’intégration sociale

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Parce qu'il offre un statut social et un revenu, l'emploi n'a jamais été autant valorisé. […] Le revenu tiré de l’emploi permet à la fois de se libérer de l’emprise de la pauvreté et de choisir librement son destin. Ainsi, les familles monoparentales sont aujourd’hui bien davantage frappées par la pauvreté monétaire que le reste de la population […] En outre, dans un contexte de pouvoir d’achat quasi stagnant depuis une bonne dizaine d’années, être deux à travailler dans un couple permet d’augmenter le pouvoir d’achat du ménage en moyenne bien davantage que le supplément de gain que peut espérer obtenir un seul travailleur. Du coup, cela a accentué la pauvreté relative de ceux qui n’étaient pas dans cette situation : ménages composés d’une seule personne adulte, couples où les deux conjoints sont inactifs ou au chômage, couples " traditionnels " composés d’un seul actif. Dans une société où la norme est que chacun des adultes du couple exerce un emploi, ne pas être en couple ou vivre dans un couple où ce n’est pas le cas devient un handicap.

L’aspect revenu n’est pas le seul facteur, même s’il joue un rôle important, trop souvent minoré. Car l’emploi permet aussi à ceux qui y ont accès de " faire leur vie ", d’avoir une place reconnue dans la société et d’y tenir un rôle qui ne se réduit pas à des tâches domestiques. Quand il s’agit de se présenter dans un groupe, les gens disent rarement, voire jamais, " j’aime la danse " ou " je suis une passionnée de cinéma ". En revanche, ils nomment presque toujours leur profession. Non qu’ils en soient forcément fiers, mais elle indique qu’ils tiennent une place sociale reconnue, même si elle est modeste. A l’inverse, les chômeurs se présentent rarement comme tels, sauf sont le goût de la provocation : ils indiquent leur métier, ajoutant parfois " en recherche d’emploi ". Et plutôt que d’avouer qu’elles sont " sans profession ", ce qui serait un aveu d’inutilité sociale, les femmes préfèrent se dire " mères de famille " ou à la rigueur " femmes au foyer ", transformant leur non-emploi en rôle positif, de crainte d’être taxées d’inutilité sociale.

Ce rôle socialement valorisant de l’emploi est nouveau. Longtemps, le travail (au sens économique du terme, c’est-à-dire rémunéré) a été déconsidéré, voire méprisé, surtout s’il était manuel, qu’il impliquait de se salir les mains et d’effectuer des efforts physiques. Dominique Méda a montré que le retournement s’est fait essentiellement au XIXe siècle, donc de façon très récente. Encore au début du XXe siècle, Thorstein Veblen, un socio-économiste américain d’origine suédoise, expliquait que, pour les classes dominantes, le fin du fin consistait à afficher que l’on n’avait pas besoin de travailler pour vivre, que l’on pouvait dépenser son temps à aller au théâtre, à offrir des réceptions ou à courir les salons. Bref qu’il fallait surtout consommer le temps de façon improductive et le montrer, y compris en cantonnant l’épouse au foyer, contrairement aux classes laborieuses, où le travail féminin était indispensable à la survie familiale. Aujourd’hui, travailler moins est mal vu et les cadres se sont fait un devoir de prolonger leurs journées de travail à l’infini ou d’emporter de quoi s’occuper à la maison durant les fins de semaines. Une condition pour être bien vu par leur employeur et accéder à davantage de responsabilité.

Denis Clerc, « De l’emploi au statut social », Alternatives économiques, Hors-série n°69, 04/2006.

Questions :

1. Rappelez ce qu’est l’intégration sociale.

2. Présentez les deux arguments mis en avant par l’auteur qui montrent que le travail est source d’intégration sociale.

3. Quels autres arguments peut-on également mettre en avant ?

4.Comment le rôle intégrateur du travail a-t-il évolué ?

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Réponses :

1. Rappelez ce qu’est l’intégration sociale.

L’intégration sociale désigne le processus par lequel les individus établissent des liens sociaux et adoptent les valeurs d’un groupe social plus large, généralement la société.

2. Présentez les deux arguments mis en avant par l’auteur qui montrent que le travail est source d’intégration sociale.

L’auteur met en avant deux raisons pour lesquelles le travail est source d’intégration sociale. En premier lieu, l’emploi donne accès à un revenu qui permet de participer à la vie sociale en accédant à la consommation, au logement et aux loisirs. Ensuite, l’emploi permet d’accéder à un statut social reconnu par tous et donne ainsi un rôle social à l’individu.

3. Quels autres arguments peut-on également mettre en avant ?

L’accès au revenu et au statut social ne sont pas les seuls aspects intégrateurs du travail. Le lieu de travail constitue généralement un espace de sociabilité au sein duquel l’individu interagit avec ses collègues. En outre, le travail donne accès à un ensemble de droits sociaux, notamment en termes de protection sociale, qui protègent les individus des risques sociaux et de l’exclusion sociale.

4.Comment le rôle intégrateur du travail a-t-il évolué ?

Occuper un emploi n’a pas toujours été valorisant au sein de la société française. Jusqu’au 20e siècle, l’oisiveté constituait un moyen de se distinguer et d’afficher un statut social supérieur. De nos jours, c’est au contraire l’inactivité qui est stigmatisante pour l’individu.

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