Document 5 : L’époque des politiques de spécialisation bancaires

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Le système bancaire en France a été marqué par des phases de spécialisation et de déspécialisation depuis le XIXe siècle.  En 1882, la bourse s’effondre, le plus gros krach que la France ait connu, provoqué par la faillite de la banque Union générale. C’est à partir de cela que H. Germain élabora une doctrine bancaire qui a fortement contribué à inspirer le mouvement de spécialisation du secteur bancaire intervenu entre les années 1880 et 1914, donc avant les lois imposant cette spécialisation adoptée en 1945. Cette doctrine édicte les règles de gestions adaptées aux banques de dépôt (commercial bank).  Elle préconise de distinguer les banques de dépôts (habilitées à recevoir des dépôts à vue) des banques d’affaires ou d’investissement (merchant bank) dont l’activité principale est la prise de participations dans les entreprises. La doctrine met en cause le projet de banques universelles (global bank) offrant à ses clients tous les services bancaires (crédits, prises de participations de titres dans les sociétés, souscription des emprunts des sociétés, rôle de conseil, etc.). La confusion des rôles peut créer les conditions pour l’établissement d’un risque majeur de liquidité résultant d’un écart trop grand entre l’échéance courte de leur financement et l’échéance longue de leurs engagements. De la sorte, une banque peut être confrontée à une crise de liquidité qui débouche sur une perte de crédibilité dont elle ne pourrait s’extraire que par de nouveaux concours extérieurs ou par le soutien public. Notons que les Etats-Unis adoptèrent le Glass Steagall Act en1933, obligeant à une stricte séparation entre banques commerciales et banques d’affaires.

La banque et les banquiers en France H. Bonin (Larousse)

Questions :

9) quelles sont les causes des politiques de spécialisation du système bancaire ?

10) pourquoi les politiques de déspécialisation et pourquoi un retour à la spécialisation ?

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9) d'après l'historien Jean Bouvier, c'est ce que fut le krach boursier de 1882, qui manqua d'emporter le Crédit lyonnais, pour Henri Germain, fondateur de la banque.  H. Germain tira de cet événement la leçon suivante : la durée des engagements d'une banque doit correspondre à celle de ses ressources. Autrement dit, une banque qui collecte des dépôts à vue, susceptibles d'être restitués à n'importe quel moment à ses clients, doit se cantonner à des engagements de court terme, inférieurs à un an. Or, jusqu'à présent, les grandes banques françaises, comme le Lyonnais, la Société générale ou le Crédit mobilier des frères Pereire, collectaient l'épargne publique à court terme et, parallèlement, finançaient sur le moyen (2 à 5 ans) et le long terme (plus de 5 ans) des activités industrielles comme les chemins de fer et les charbonnages, activités par nature risquées et à la rentabilité incertaine. Henri Germain préconisa donc de séparer les activités de collecte et de gestion des dépôts des particuliers de celles de financement de l'industrie.  Les premières étant du ressort des banques de dépôt, et les secondes, de celui des banques d'affaires, telles que la Banque de Paris et des Pays-Bas, la Banque de l'Indochine ou la banque de l'Union parisienne, qui, elles, se finançaient à long terme en émettant des obligations, par exemple. Ce principe de séparation des activités de banque de détail de celles de financement et d'investissement, baptisé "doctrine Germain", sera progressivement appliqué par l'ensemble des banques françaises, et ira jusqu'à inspirer aux Etats-Unis le fameux Glass-Steagall Act de 1933.

10) Cet enterrement de la doctrine Germain consacre la naissance de la banque universelle à la française, sur le modèle allemand, à savoir une banque tournée aussi bien vers les petits déposants que vers les entreprises et les marchés financiers. Ou, plus exactement, sa renaissance car le concept de banque mixte ou de banque « à tout faire » était celui qui prévalait en France avant... le krach de l'Union générale en 1882, qui avait inspiré à Henri Germain sa doctrine sur la séparation des activités bancaires.  En tout état de cause, à partir de 1984, voilà donc les banques de dépôt françaises autorisées à faire de la banque de financement et d'investissement ou banque d'affaires et réciproquement.  En 2013, la loi de séparation des activités bancaires était promulguée en France, avec pour objectif d’isoler les activités les plus spéculatives des banques. Une leçon tirée de la crise financière de 2008, mais, en réalité, toute l’histoire des banques françaises depuis le 19ème siècle s’est construite autour de ce dilemme de la spécialisation, ou non, des activités bancaires. Un débat au centre duquel se trouve le financement de l’économie.

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