Votre ouvrage établit que la forte croissance de l’économie américaine entre 1870 et 1970 était une parenthèse exceptionnelle. Pourquoi ?
Avant 1870, la croissance mondiale était faible. Entre 1870 et 1970, la seconde révolution industrielle aux Etats-Unis a bouleversé tous les champs de l’économie et les modes de vie. En quelques décennies, les grandes inventions se sont combinées pour offrir aux Américains l’accès à l’eau courante, à l’électricité, au téléphone. La voiture a révolutionné les transports. Les progrès fulgurants de la médecine ont allongé l’espérance de vie. Ces changements se sont accompagnés d’une forte hausse de la productivité par tête et de la croissance.
Or, qu’observe-t-on depuis les années 1970 ? Il y a toujours des innovations. Mais la productivité globale des facteurs, qui mesure la part de la croissance liée au progrès technique, s’affaiblit. L’âge d’or de la croissance est derrière nous.
Internet, l’informatisation, les robots n’apportent-ils pas des changements majeurs ?
Si. Mais cette troisième révolution industrielle concerne une sphère étroite – principalement le secteur du divertissement et de l’information-communication –, qui ne pèse que 7 % du produit intérieur brut (PIB) américain. Elle ne bouleverse pas le quotidien des individus dans les mêmes proportions que les innovations passées.
Au bureau, le bond de la révolution digitale s’est produit à la fin des années 1990, avec la combinaison des ordinateurs et d’Internet. Depuis, les conditions de travail n’ont pas tant changé : un PC, un téléphone, une connexion. Les grandes ruptures ont déjà eu lieu. C’est pourquoi la productivité globale des facteurs progresse moins vite. […]
Vous êtes l’un des théoriciens de la stagnation séculaire. Quels sont ses ressorts ?
Elle correspond à l’affaiblissement de la croissance dans les pays développés. Outre le ralentissement de la productivité, elle est nourrie par le vieillissement de la population. Aux Etats-Unis, le départ à la retraite des baby-boomers engendre une baisse du nombre d’heures travaillées par personne, qui devrait se poursuivre pendant au moins deux décennies encore.
Source : Robert J. Gordon : « L’âge d’or de la croissance est derrière nous », Le Monde Economie, 20.02.2016
Questions :
1) En quoi consiste la théorie de la « stagnation séculaire » ?
2) Comment R. Gordon analyse-t-il l’impact des nouvelles technologies sur la croissance ?
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Corrigé :
1) En quoi consiste la théorie de la « stagnation séculaire » ?
Cette analyse de R. Gordon considère que la croissance depuis la révolution industrielle du XIXème siècle, et plus particulièrement des 30 glorieuses, est une parenthèse historique. Les tendances de fond que sont le vieillissement de la population et le ralentissement des gains de productivité conduisent à une perspective de croissance faible selon R. Gordon.
2) Comment R. Gordon analyse-t-il l’impact des nouvelles technologies sur la croissance ?
R. Gordon estime que ces NTIC sont peu porteuses de gains de productivité et donc de croissance.