La démission de Nicolas Hulot du ministère de la transition écologique et solidaire, mardi 28 août, vient rappeler la difficulté à imposer l’écologie dans l’agenda politique.
Pourquoi est-ce si difficile de porter l’écologie au sein d’un gouvernement ?
Il y a plusieurs facteurs. D’abord, un écologiste au sein d’un gouvernement n’a pas d’allié. Il défend cette cause tout seul, alors que le problème est planétaire et que la défense de l’environnement devrait insuffler l’ensemble de l’action gouvernementale. Pour les autres ministres, c’est un problème comme un autre, qui suscite l’indifférence voire l’adversité — on l’a vu avec le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert.
Le poids des lobbys compte également : la plupart d’entre eux — agriculture, industrie chimique, chasseurs, etc. — sont contre le ministre de l’environnement. D’autres problèmes, comme la croissance et le chômage, sont considérés comme incompatibles avec la mise en œuvre d’une politique environnementale. Les écologistes assurent que les deux peuvent aller de pair, mais ils n’ont pas encore réussi à convaincre les politiques que c’était le cas.
L’aspect court-termiste des politiques publiques, qui s’inscrivent dans une perspective électorale, entre aussi en compte. Le gouvernement a cinq ans pour agir. Or une action publique contre le réchauffement climatique montrera ses effets dans cinquante ans. Les électeurs pourront louer une telle action, mais préféreront les effets à court terme. C’est un combat extrêmement compliqué.
Les partis politiques ont-ils intégré les problématiques écologiques, au fil du temps ?
Ils parlent vaguement d’écologie depuis trente ans, mais jusqu’à présent aucun parti politique, ni de droite ni de gauche, n’a intégré le problème du réchauffement climatique. [...]
Quant à l’écologie politique, c’est-à-dire les Verts, ils sont aujourd’hui dans une position très réduite. Ils ont un handicap majeur : ils peuvent s’exprimer dans une élection quand le mode de scrutin les favorise — comme aux européennes, où le mode de scrutin est proportionnel, ce qui les dispense de chercher un allié —, mais pour émerger au niveau national, que ce soit à l’élection présidentielle ou aux législatives, ils ne peuvent avoir un score important qu’en nouant un accord avec le PS. […] On revient toujours au problème initial : comment l’écologie peut-elle passer en politique, avoir des résultats et infléchir les politiques publiques ?
Source : Interview de Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Cevipof et spécialiste de l’écologie politique, propos recueillis par Faustine Vincent, www.lemonde.fr, août 2018
Questions :
1. A quelles difficultés l'écologie doit-elle faire face pour s'imposer dans l'agenda politique ?
2. Les partis écologistes jouent-ils un rôle ?
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Réponses :
D'abord, l'écologie défend des intérêts qu'elle supporte souvent seule, contrairement à d'autres questions économiques ou sociales qui concernent différents acteurs et ministères (la lutte contre le chômage par exemple, ou les inégalités). Ces intérêts ensuite, entrent souvent en contradiction avec ceux défendus par certains lobbys ou avec des objectifs de politiques menées par les pouvoirs publics. Le temps politique enfin, soumis aux échéances électorales, qui contraint les politiques publiques, est difficilement compatible avec le temps long nécessaire pour voir les résultats des politiques en faveur de l'environnement.
Les partis écologistes ont un poids politique « en dents de scie », en fonction du mode de scrutin qui les favorise ou non. Leur poids est plus important aux élections européennes par exemple.