Document 4 : 20 ans après, quel bilan de l’euro ?

Facile

Vingt ans après sa création, l’euro continue d’être plébiscité par les Européens. Selon l’enquête de novembre 2018 de l’Euro- baromètre consacrée à la zone euro, 74 % des Européens interrogés estiment que l’euro a bénéficié à l’Union européenne (UE), et 64 % pensent que l’euro a bénéficié à leur pays, soit la plus forte proportion depuis la première enquête en 2002. Ce résultat ne doit pas masquer les divergences entre les pays : les pourcentages d’opinions favorables vont de 42 % en Lituanie à 85 % en Irlande ; 11 points d’opinions favorables séparent l’Allemagne (70 %) de la France (59 %) ; les opinions favorables ont baissé en France (– 5 points) et sensiblement augmenté en Autriche et en Italie (+ 12 points) depuis 2017. Cette enquête et la divergence d’opinions favorables à l’égard de l’euro reflètent en partie les différences de performances économiques depuis 1999. La zone euro reste une union monétaire atypique caractérisée par une politique monétaire commune sans union budgétaire ni union politique.


En moyenne, l’euro, malgré sa jeunesse, est une monnaie stable. De ce point de vue, la Banque centrale européenne (BCE) semble avoir globalement satisfait son principal objectif, assigné par le traité de Maastricht, à savoir la stabilité des prix. Dans une période de forte incertitude, comme celle qui a suivi le déclenchement de la crise financière de 2007-2008, la BCE a fait preuve de pragmatisme et d’innovation. Elle est allée à la frontière ou au-delà de ce que semblait lui imposer son mandat.

Ce constat ne doit pas masquer les difficultés rencontrées dans la zone euro et, parmi celles-ci, une croissance fragile et des divergences nominales persistantes entre ses Etats membres. Celles-ci ont conduit à des divergences réelles : déséquilibres courants, hétérogénéité des coûts de financement et des tendances de productivité. L’euro a donc encore besoin de réformes.

Les performances de la BCE en termes de stabilité des prix ont été relativement bonnes : le taux d’inflation moyen entre 1999 et 2018 est égal à 1,7% soit « en dessous, mais proche » de la cible d’inflation à 2%, donc conforme à la définition de la stabilité des prix adoptée par la BCE en 2003.

[…] Dans une union monétaire, les écarts d’inflation entre les Etats membres peuvent être déstabilisants. Or, depuis 1999, la dispersion des taux d’inflation annuels entre les pays de la zone euro est restée stable. Cela produit des taux d’intérêt réels divergents et une procyclicité pouvant entraîner des risques d’instabilité économique et financière : avec un taux d’intérêt nominal unique – celui fixé par la BCE – les pays dont l’inflation est supérieure (resp. inférieure) à la moyenne auront des taux d’intérêt réels inférieurs (resp. supérieurs) à la moyenne. Si l’inflation supérieure à la moyenne signale une croissance plus forte de l’économie nationale par rapport à celle de la zone euro, le taux d’intérêt réel inférieur à la moyenne européenne renforcera cette croissance au lieu de la stabiliser. Sans aucun autre mécanisme correcteur, les divergences auront tendance à s’accentuer. […] Les divergences économiques entre les Etats de la zone euro ont été importantes en termes de taux de chômage, de PIB par habitant, de dettes publiques ou de comptes courants. Toutes ces dynamiques ne peuvent être attribuées à l’euro seul. D’autres facteurs, tels que le commerce international et la dynamique technologique ont joué. Néanmoins, l’euro, par définition, a empêché l’utilisation d’instruments macroéconomiques classiques pour traiter les déséquilibres, tels que les taux d’intérêts et les taux de change. Malgré ce constat, durant de nombreuses années les divergences n’ont pas fait l’objet d’un suivi attentif, probablement en raison de l’hypothèse implicite – et fausse – selon laquelle une concurrence accrue sur le marché des biens et l’intégration financière suffiraient à assurer la convergence.

[…] Vingt ans après la création de l’euro, la zone euro est minée par des performances économiques décevantes qui masquent de profondes divergences économiques. […] Aujourd’hui, la politique monétaire reste le principal outil de régulation économique supranational, mais pour autant elle n’a pas vocation à réduire l’hétérogénéité. […] La zone euro a donc besoin d’outils opérationnels pour limiter les déséquilibres, telle une fonction de stabilisation au niveau de la zone euro. […] L’adoption d’un triple mandat, intégrant stabilité des prix, de la production et stabilité financière accompagnerait utilement la montée en puissance de l’Union bancaire.

Blot, Christophe, Jérôme Creel, et Xavier Ragot. « III / Les vingt ans de l’euro : bilan et enjeux futurs », OFCE éd., L'économie européenne 2019. La Découverte.

Questions :

9) Quel principal objectif l’union monétaire a-t-elle atteint avec l’instauration de l’euro ?

10) D’après les auteurs, à quelle difficulté majeure la zone euro fait-elle face ?

11)Peut-on alors dire que la zone euro est une zone monétaire optimale (ZMO) ?

12) Expliquez la phrase soulignée.

13) De quels instruments l’union monétaire devrait-elle se doter pour pallier aux difficultés rencontrées ?

Voir la correction

9) Quel principal objectif l’union monétaire a-t-elle atteint avec l’instauration de l’euro ?

La banque centrale européenne s’est vue assigner pour principale mission le contrôle de l’inflation. Plus de vingt ans après l’adoption de l’euro, cet objectif est un succès : depuis sa création, l’inflation dans la zone euro n’a pas dépassé le seuil fixé des 2% en rythme annuel. L’objectif de stabilité des prix est donc atteint.

10) D’après les auteurs, à quelle difficulté majeure la zone euro fait-elle face ?

La zone euro doit faire face à l’hétérogénéité économique des pays qui la composent. L’entrée de certains PECO dans la zone euro lors des élargissements de 2004 marque d’autant plus les divergences en termes de niveau d’inflation, d’endettement, de taux de chômage ou encore de régimes fiscaux et sociaux.

11)Peut-on alors dire que la zone euro est une zone monétaire optimale (ZMO) ?

Rappelons que les théories des ZMO énoncent les conditions sous lesquelles les pays peuvent réaliser une zone monétaire et abandonner leur monnaie nationale pour une monnaie commune. Si les critères de ZMO varient selon les développements théoriques, il est globalement possible d’affirmer qu’une zone monétaire est optimale lorsqu’elle possède des mécanismes de rééquilibrage automatique qui ne rendent plus utiles une modification des taux de change pour corriger les déséquilibres. Aujourd’hui, la zone euro est marquée par l’existence d’économies hétérogènes pour lesquelles il n’existe pas de stabilisateurs automatiques tels que la mobilité parfaite des travailleurs ou l’existence d’un fédéralisme budgétaire et fiscal. L’hétérogénéité de la zone euro semble confirmer la théorie de Paul Krugman pour qui l’intégration monétaire renforce la dynamique de spécialisation et le risque de chocs asymétriques. L’optimalité de la zone monétaire ne semble donc pas ici se construire ex post contrairement à ce qu’affirment Frankel et Rose (1998) pour lesquels la ZMO a un caractère endogène.

12) Expliquez la phrase soulignée.

Avec l’adoption d’une monnaie unique, les pays membres de la zone euro ont renoncé à leur souveraineté monétaire, confiée à la BCE. Ils ne peuvent donc utiliser l’instrument de change pour corriger les déséquilibres rencontrés.

13) De quels instruments l’union monétaire devrait-elle se doter pour pallier aux difficultés rencontrées ?

Les auteurs appellent à une réforme des mandats de la BCE. La stabilité des prix ne doit pas constituer le seul objectif de la BCE. L’UEM doit avoir la possibilité de mener des politiques économiques conjoncturelles et de corriger les déséquilibres macroéconomiques.

Newsletter

Suivre toute l'actualité de Melchior et être invité aux événements