1- Les règles de protection de l’emploi, un facteur de chômage structurel ?
Les mouvements d’emplois et de main-d’œuvre transforment de nombreux travailleurs en chômeurs devant rechercher un nouvel emploi. Cette activité de recherche est essentielle au bon fonctionnement de l’économie, car elle permet aux emplois détruits de donner naissance à des emplois nouveaux, plus productifs. Le chômage [qui résulte de la flexibilité du travail] est donc un rouage indispensable du processus de destruction créatrice1 et de la croissance. (…) Tous les ans, environs 15% des emplois sont créés et 15% d’emplois sont détruits. (…)
[Or, les règles de protection de l’emploi servent] à protéger les salariés contre les ruptures du contrat de travail ne respectant pas les droits fondamentaux de la personne. En France, le préambule de la constitution de 1946 dispose que « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ». Le code du travail s’inspire de ce préambule et stimule que tout licenciement doit être motivé par « une cause réelle et sérieuse ». En particulier, il ne doit faire aucune référence à l’origine, au sexe, aux mœurs, à la situation de famille, à la nationalité, à l’ethnie, à la race, à la religion, à l’état de santé, à un handicap (sauf exception dûment complété par le médecin du travail) etc. Un licenciement ne respectant pas ces dispositions est considéré comme abusif. Il donne lieu à des sanctions pénales et à des dommages et intérêts. […En outre,] très souvent, les mesures de protection de l’emploi vont bien au-delà et régissent [aussi] les procédures d’embauche et de séparation d’un travailleur. Elles contrôlent si les licenciements se justifient sur le plan « économique », elles définissent les indemnités de licenciement, et les délais de préavis, elles décrivent dans le détail les procédures de négociations préalables avec les représentants des personnels et les modalités de recours en cas de litige, elles définissent les règles d’utilisation des contrats de travail à durée limitée.[…]
Une législation rendant plus difficiles les licenciements a un effet ambigu sur le volume de l’emploi. Elle réduit certes les destructions d’emplois, mais elle diminue aussi les créations, car les entreprises craignent de ne pouvoir, à l’avenir, détruire des emplois non rentables protégés par cette législation.
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Note 1 : J.A. Schumpeter (1883 – 1950) considère que l’innovation est le moteur de la croissance des économies capitalistes mais est aussi à l’origine d’une « destruction créatrice ». Ce phénomène se caractérise par un processus de déstructuration et de restructuration des activités. Des entreprises qui ont innové avec succès connaissent l’expansion, tandis que celles qui n’ont pas innové disparaissent, d’où les destructions-créations d’emplois qui accompagnent ce processus.
Source : Pierre Cahuc et André Zylberberg, Les ennemis de l’emploi, Le chômage, fatalité ou nécessité ? Coll. Champs actuel, Ed. 2015
2- Vers une procédure de licenciement facilitée ?
Déclencher un plan de licenciement économique, fermer des usines, des mesures désormais plus faciles pour les entreprises. Le gouvernement vient d'assouplir la législation. Visionner la vidéo au lien suivant :
https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/droit-du-travail/reforme-du-code-du-travail-le-licenciement-facilite-pour-les-grandes-entreprises_2351113.html
Source : France 2, France télévision « Réforme du Code du travail : le licenciement facilité pour les grandes entreprises ? », Mis à jour le 31/08/2017 | 21:50, publié le 31/08/2017 | 21:50
3. La flexibilisation du marché du travail
En France, la flexibilité du marché du travail s’est […] accrue […], notamment depuis 2008. Outre certaines modifications des règles concernant les CDI (contrats à durée indéterminée), avec la création de la rupture conventionnelle1 en 2008, deux phénomènes sont venus accroître la flexibilité des autres types de relations de travail. En premier lieu, les CDD (contrats à durée déterminée) de courte durée se sont fortement développés à partir de 2004, et la tendance s’est poursuivie pendant la crise. Cette évolution qui s’est faite sans changement de la réglementation applicable aux CDD, a fait suite à une inflexion de la Cour de cassation sur les CDD d’usage2. (…). En second lieu, depuis 2009, le statut d’auto-entrepreneur3 a favorisé la croissance des emplois indépendants, dont une bonne part ne procure que de faibles niveaux de chiffre d’affaires. On comptait, à la fin de 2015, 1 000 000 autoentrepreneurs (…), dont 619 000 avaient déclaraient un chiffre d’affaires positif au 4ème trimestre 2015.
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Note 1 : la rupture conventionnelle : La rupture conventionnelle permet à l'employeur et au salarié en contrat à durée indéterminée (CDI) de convenir d'un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle individuelle ou collective est possible sous conditions et indemnisation. Une procédure légale fixe les démarches à respecter (rédaction d'une convention de rupture et validation par la Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi)
Note 2 : Le contrat d'usage est un CDD particulier qui permet à un employeur d'embaucher un salarié pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire (quelques heures à plusieurs journées). Ce contrat ne peut être utilisé que pour répondre à des besoins ponctuels et immédiats pour un poste spécifique. Ce type de contrat ne peut être conclu que dans des secteurs d'activité strictement définis.
Note : L’auto-entrepreneur est un statut que les entrepreneurs individuels peuvent choisir afin de bénéficier d’un régime fiscal, comptable et social simplifié. Le régime auto-entrepreneur a été créé en 2008 (loi de modernisation de l’économie) pour des personnes exerçant leur activité sous la forme d’une entreprise individuelle, pour offrir une grande souplesse et une simplicité nouvelles aux entrepreneurs.
Source : Philippe Askenazy et Christine Erhel, Qualité de l’emploi et productivité, CEPREMAP, Ed. Rue d’ULM
Questions :
1. Pourquoi selon Pierre Cahuc et André Zylberberg, les règles de protection de l’emploi ont-elles un effet ambigu sur le chômage ?
2. Comment la flexibilité du travail permettrait-elle de créer des emplois ?
3. (document 2) Quel objectif poursuit la réforme de la procédure du plan de licenciement économique mise en place par le gouvernement français ? Quels sont les effets attendus de cette mesure sur le chômage ?
4. En vous appuyant sur l’encadré « Qu’est-ce que la flexibilité ? », identifiez à quelles formes de flexibilité du marché correspondent les exemples vus dans les documents 2 et 3 :
- - le plan de licenciement économique simplifié
- - la création de la rupture conventionnelle
- - le recours aux CDD de courte durée
- - le développement du statut d’auto-entrepreneur
Voir la correction
Questions :
1. Pourquoi selon Pierre Cahuc et André Zylberberg, les règles de protection de l’emploi ont-elles un effet ambigu sur le chômage ?
Réponse : D’un côté, les règles de protection de l’emploi comme celles de la procédure de licenciement encadrée par la loi et le versement d’indemnité par l’employeur sont censées limiter les destructions d’emplois. Mais d’un autre côté, elles limitent les embauches en désincitant l’employeur à embaucher quand l’activité repart, de peur de ne pas pouvoir se séparer des emplois excédentaires quand l’activité baisse à nouveau. En outre, le processus de destruction créatrice inhérent aux économies capitalistes est freiné. Des destructions d’emplois peu productifs ainsi que les créations d’emplois plus productifs sont freinées. Pour ces économistes, le chômage qui résulte de la flexibilité du marché du travail est nécessaire au processus d’adaptation des entreprises à l’évolution de la demande et de leur environnement.
2. Comment la flexibilité du travail permettrait-elle de créer des emplois ?
Réponse : La flexibilité du travail correspond à la capacité d’une entreprise d’adapter son niveau de production et d’emploi à l’évolution de sa demande et de son environnement. En permettant aux entreprises, de détruire des emplois peu productifs, la flexibilité du travail permet à l’entreprise de créer des emplois dans les secteurs les plus performants.
3. (document 2) Quel objectif poursuit la réforme de la procédure du plan de licenciement économique mise en place par le gouvernement français ? Quels sont les effets attendus de cette mesure sur le chômage ?
Réponse : Le plan de licenciement économique des multinationales est facilité par la réforme du code du travail, car auparavant l’entreprise ne pouvait pas licencier si le groupe était rentable (bénéfices positifs) à l’échelle globale. Désormais, l’assouplissement de la législation facilite le licenciement économique en ne tenant compte que de la situation économique de la filiale localisée en France. Ainsi, si un groupe multinational réalise des bénéfices à l’échelle globale, il peut néanmoins fermer le site français si celui-ci n’est pas rentable. Cette mesure devrait créer des emplois. En effet, en rendant les entreprises françaises plus compétitives (les sites les moins rentables peuvent être fermés), cette mesure attire la localisation d’unités de production en France. Elle assure au groupe plus de flexibilité dans la gestion de sa main-d’œuvre à l’échelle internationale pour pouvoir répondre à l’évolution de sa demande et de son environnement. Ce qui devrait créer des emplois.
4. En vous appuyant sur l’encadré « Qu’est-ce que la flexibilité ? », identifiez à quelles formes de flexibilité du marché correspondent les exemples vus dans les documents 2 et 3 :
- le plan de licenciement économique simplifié
- la création de la rupture conventionnelle
- le recours aux CDD de courte durée
- le développement du statut d’auto-entrepreneur
Réponse :
Le licenciement économique simplifié correspond à de la flexibilité quantitative externe.
La création de la rupture conventionnelle correspond à de la flexibilité quantitative externe.
Le recours aux CDD de courte durée correspond à de la flexibilité quantitative externe.
Le développement du statut d’auto-entrepreneur correspond à de l’externalisation.