Lorsqu'un inconnu se présente à nous, ses premières apparitions ont toute chance de nous mettre en mesure de prévoir la catégorie à laquelle il appartient (…). Nous appuyant alors sur ces anticipations, nous les transformons en attentes (…), en exigences présentées à bon droit (…). Mais tout le temps que l'inconnu est en notre présence, des signes peuvent se manifester montrant qu'il possède un attribut qui le rend différent de la catégorie de personnes qui lui est ouverte (…). Ainsi diminué à nos yeux, il cesse d'être pour nous une personne accomplie et ordinaire, et tombe au rang d'individu vicié, amputé. Un tel attribue constitue un stigmate. On serait tenté de croire que les anomalies rares et spectaculaires sont celles qui conviennent le mieux à notre propos.(…). C'est à une autre position que nous entendons nous rallier. Même le plus fortuné des normaux risque fort d'avoir son défaut à demi caché et, aussi petit soit-il, il vient toujours un moment où il ressort, provoquant un écart honteux entre les identités sociales réelle et virtuelle. Par suite, que leur situation dans la vie soit toujours ou occasionnellement précaire, les individus forment un continuum unique et ressortent tous au même schéma d'analyse.
Erving Goffman, Stigmate, la gestion sociale des handicaps, 1963, in Hatier 1997.
Questions à partir du document 21 :
35) Que faut-il entendre par « identité sociale réelle » ?
36) Et par « identité sociale virtuelle » ?
37) Quelles sont les stratégies possibles pour un individu stigmatisé chez Goffman ?
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35) Que faut-il entendre par « identité sociale réelle » et identité sociale virtuelle » ?
L’identité sociale réelle est l’identité telle qu’elle est perçue en raison des attributs de la personne. L’identité sociale virtuelle est l’identité attendue d’une personne en fonction des caractères qu’on lui prête.
36) Expliquez la stigmatisation grâce à la question précédente ?
Le stigmate est le décalage entre l’identité virtuelle et l’identité réelle qui, dans un environnement social donné, discrédite la personne qui en est porteuse. Erwing Goffman distingue trois formes de stigmates : les anomalies corporelles ( jugées comme telles par rapport à la norme) , anomalies comportementales ou morales, les caractéristiques tribales dont on hérite en fonction de ses origines (religion, origine ethnique) .
37) Quelles sont les stratégies possibles pour un individu stigmatisé chez Goffman ?
La stigmatisation impose une négociation permanente entre autrui et l’individu stigmatisé. Celui- ci doit mettre en place des stratégies qui peuvent être : la dissimulation, la coopération, le refus ou l’inversion. La stratégie est une réponse à la question : comment se comporter avec un stigmate ? Soit le cacher aux autres si c’est possible, soit en user pour obtenir un traitement particulier, soit le combattre en cherchant à vivre « normalement ».