1- Le coût salarial unitaire est-il trop élevé en France ?
Coût salarial unitaire nominal, base 100 = 2000
2-[…] En 2012, Louis Gallois, président du conseil de surveillance de PSA Peugeot-Citroën, [a remis] un rapport intitulé « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française », connu sous le nom de « rapport Gallois ». La proposition la plus importante voulait créer un « choc de compétitivité » en diminuant d'environ 30 milliards d'euros les cotisations sociales pesant sur les salaires inférieurs à trois fois et demie le Smic.
(…)À la suite du rapport Gallois, Jean-Marc Ayrault a mis en place le CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) qui, via un mécanisme effroyablement complexe de crédit d'impôt, vise à abaisser les charges des entreprises uniquement sur les salaires inférieurs à deux fois et demie le Smic, et non sur les salaires inférieurs à trois fois et demie le Smic comme le préconisait le rapport Gallois. Mais 2,5 au lieu de 3,5 change passablement la donne pour le secteur industriel, dont beaucoup de salariés sont payés entre deux fois et demie et trois fois et demie le Smic. […] Hélas pour Louis Gallois, le consensus de la recherche économique est sans ambiguïté : afin d'obtenir un maximum de créations d'emplois, les abaissements de charge doivent être concentrés au voisinage du salaire minimum, c'est-à-dire sur les travailleurs peu qualifiés dont le taux de chômage est élevé. Et certainement pas sur les salaires sensiblement éloignés du Smic qui sont les plus fréquents dans le secteur industriel. Baisser les charges sur les hauts salaires des employés qualifiés, dont les taux de chômage sont faibles, se traduit essentiellement par un accroissement de leurs salaires.
Source : D’après Pierre Cahuc et André Zylberberg, 2017, Le négationnisme économique. Et comment s'en débarrasser , Flammarion.
Questions :
1. (document 1) : Faites une phrase avec la donnée pour la France en 2013. Comparer cette donnée à celle de l’Allemagne.
2. (Document 1) : Peut-on dire que le coût salarial est trop élevé en France ?
3. (document 2) : Peut-on réduire le coût du travail en France sans baisser les salaires ?
4. (document 3) : Par quels mécanismes les politiques d’allègement du coût du travail peuvent-elles réduire le chômage ?
5. Pourquoi est-il pertinent de ne pas avoir retenu les préconisations du rapport Gallois dans la mise en œuvre de ce type de politique en France ?
6. Quelles sont les limites de l’allègement de charges sociales ?
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Questions :
1. (document 1) : Faites une phrase avec la donnée pour la France en 2013. Comparer cette donnée à celle de l’Allemagne.
Réponse : En 2013, le coût salarial unitaire français est de 30% supérieur à son niveau en 2000, alors qu’en Allemagne, il n’est que de 12% plus élevé qu’en 2000. En l’espace de 13 ans, le coût salarial unitaire de la France augmente plus fortement que celui de l’Allemagne.
2. (Document 1) : Peut-on dire que le coût salarial est trop élevé en France ?
Réponse : Le graphique ne nous permet pas de répondre à cette question car les indices sont calculés par rapport à une année de base (indice d’évolution dans le temps) et non par rapport à un pays (indice de comparaison dans l’espace). On peut simplement dire que de 2000 à 2013, le coût salarial unitaire français a plus fortement augmenté qu’en Allemagne, qu’en Espagne, ainsi que par rapport à la zone euro prise dans son ensemble, mais moins augmenté qu’en Italie, au Royaume Uni.
3. (document 2) : Peut-on réduire le coût du travail en France sans baisser les salaires ?
Réponse : Le coût du travail comprend le salaire net auquel s’ajoutent les cotisations sociales salariales et patronales. Il est donc possible de réduire le coût du travail sans baisser le salaire net direct en réduisant les cotisations sociales. Toutefois, les cotisations sociales servent à financer la protection sociale et donc le versement de revenu de transfert, que l’on peut considérer comme du salaire indirect. La baisse des cotisations sociales pourrait compromettre le versement de revenus de transfert si les pouvoirs publics décidaient de réduire le volet dépenses des administrations publiques de sécurité sociale en lien avec la baisse des recettes issues des cotisations sociales.
4. (document 3) : Par quels mécanismes les politiques d’allègement du coût du travail peuvent-elles réduire le chômage ?
Réponse : La politique d’allègement du travail permet de diminuer le coût du travail supporté par l’employeur et de l’inciter à embaucher, le coût du travail se réduisant relativement à la productivité du travailleur. Dans le cadre d’un raisonnement néoclassique, la réduction du coût des travailleurs peu qualifiés dont la productivité est insuffisante relativement au smic peut favoriser leur embauche. On sait que le taux de chômage des travailleurs les moins qualifiés est supérieur à la moyenne.
En outre, la baisse du coût du travail améliore la compétitivité des entreprises et peut attirer les IDE (investissements directs à l’étranger), ce qui favorise la création d’unités de production sur le territoire et donc d’emplois.
5. Pourquoi est-il pertinent de ne pas avoir retenu les préconisations du rapport Gallois dans la mise en œuvre de ce type de politique en France ?
Réponse : Réduire les charges sociales des entreprises sur les salaires inférieurs à trois fois et demie le Smic est une mesure coûteuse sans être la plus pertinente pour réduire le chômage classique. En effet, cela génère une perte de recettes pour le financement de la protection sociale tout en ciblant des salariés dont le risque de chômage est plus faible que celui des moins qualifiés. En mettant en place le CICE depuis 2012, la baisse de charges sociales concerne les salaires inférieurs à deux fois et demie le SMIC, soit les travailleurs les moins qualifiés dont le risque de chômage est plus élevé que la moyenne, tout en limitant les pertes de recettes pour le financement de la protection sociale.
En outre, les auteurs signalent que la baisse des charges sociales sur les salariés plus qualifiés dont les salaires avoisinent 3,5 fois le SMIC n’aurait pas forcément baissé le coût du travail, car les employeurs auraient probablement utilisé les gains issus de cette baisse de charges pour augmenter les salaires nets versés de ces salariés. Ainsi, la mesure n’aurait pas créé d’emplois qualifiés tout en diminuant les recettes des caisses de sécurité sociale.
6. Quelles sont les limites de l’allègement de charges sociales ?
Réponse : La baisse des cotisations sociales sur les bas salaires peut générer des effets pervers sans forcément réduire efficacement le chômage structurel comme:
la création d’une trappe à bas salaire lié à un effet de seuil. L’employeur n’est pas incité à augmenter le salaire au-delà de 2 fois et demie le SMIC car il perd le bénéfice des allégements de charges sociales.
Un effet d’aubaine : Effet survenant lorsque des individus non ciblés par la mesure se trouvent néanmoins être les destinataires des bénéfices. En effet, il est difficile de mesurer l’effet sur l’emploi d’une telle mesure, car on ne peut pas savoir si l’emploi qui bénéficie de l’allégement est un emploi créé grâce à cette mesure ou qui aurait été créé sans cette mesure.