L’enjeu de la compréhension des conséquences de ce passage de la théorie à la pratique est d’autant plus fort que les acteurs en matière de lutte contre la pauvreté, aussi bien les organisations non gouvernementales (ONG) et les gouvernements des pays pauvres que les bailleurs de fonds et autres agences occidentales, à commencer par la Banque mondiale, se sont largement emparés de cette méthode ces dernières années. Pour mener à bien cet examen des effets de l’essai aléatoire sur le développement, le coeur de la démarche consiste à questionner l’idéal de neutralité politique et scientifique sur lequel E. Duflo et les économistes de son laboratoire fondent la nouveauté et l’avantage supposés de leur méthode. Ceux qu’Angus Deaton nomme randomistas, en référence à la ferveur de leur engagement méthodologique, rejettent explicitement le caractère idéologique des politiques de développement prônées jusqu’alors et souhaitent les remplacer par des mesures publiques aussi neutres qu’objectives, puisqu’elles sont testées « scientifiquement », à un niveau plus « micro », donc plus concret.
Source : Arthur Jatteau, « Expérimenter le développement ? Des économistes et leurs terrains », Genèses, 2013
Questions :
28) Quels sont les avantages attendus de l’approche expérimentale pour les politiques de développement ?
29) Que signifie le fait que cette approche permet des mesures « aussi neutres qu’objectives » ?
30) Quelles peuvent être les limites de telles approches ?
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28) Quels sont les avantages attendus de l’approche expérimentale pour les politiques de développement ?
Le principal avantage est de chercher à tester sur le terrain des mesures concrètes censées favoriser le développement, de manière à trouver des solutions précises à des problèmes particuliers, spécifiques.
29) Que signifie le fait que cette approche permet des mesures « aussi neutres qu’objectives » ?
Les mesures proposées sont vues comme des solutions « techniques » ne se basant ni sur de grandes théories, ni sur des modèles idéologiques. En ce sens, elles seraient neutres. De plus, la confrontation au terrain par l’expérimentation aléatoire (comparaison entre une population bénéficiant de la mesure et une autre étant la population « test ») doit permettre une certaine objectivité.
30) Quelles peuvent être les limites de telles approches ?
On peut voir deux limites importantes. La première est la difficulté de généralisation. Une mesure qui fonctionne dans un cadre national ou régional précis peut ne pas être efficace ailleurs. L’autre se trouve dans l’idéal de neutralité. Dans le choix des mesures testées, il peut y avoir un biais idéologique.