« Il existe une corrélation forte entre la place occupée dans la division du travail et la participation aux réseaux de sociabilité et aux systèmes de protection qui couvrent un individu face aux aléas de l’existence. D’où la possibilité de construire ce que j’appellerais métaphoriquement les « zones » de cohésion sociale. Ainsi, l’association travail stable- insertion relationnelle solide. À l’inverse, l’absence de participation à toute activité productive et l’isolement relationnel conjuguent leurs effets négatifs pour produire l’exclusion, ou plutôt la désaffiliation (…). Il s’agit moins de placer des individus dans ces zones que d’éclairer les processus qui les font transiter de l’une à l’autre, par exemple passer de l’intégration à la vulnérabilité, ou basculer de la vulnérabilité vers l’inexistence sociale.
(...) La rupture des liens sociaux est un processus qui peut s’analyser à travers deux axes. D’abord, une distance plus ou moins grande par rapport au réseau de la production de richesses, c’est-à-dire l’emploi où la forme serait un emploi stable à temps plein. Ensuite, une distance plus ou moins grande avec un réseau relationnel composé de la famille, des amis etc. »
Source : Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, 1995.
Questions :
1) Pourquoi Robert Castel préfère-t-il parler d’un processus de désaffiliation dans les sociétés post-industrielles depuis les « trente piteuses » plutôt que d’exclusion sociale ?
2) Quel lien peut-on établir entre ce document et le précédent portant sur la précarisation de l’emploi ?
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1) Pourquoi Robert Castel préfère-t-il parler d’un processus de désaffiliation dans les sociétés post-industrielles depuis les « trente piteuses » plutôt que d’exclusion sociale ?
Pour le sociologue, l’exclusion n’est pas un état, mais le terme d’un processus qui plonge dans les conditions de segmentation du marché du travail depuis les « trente piteuses ». La vulnérabilité opère comme un cercle vicieux, un processus par étapes que Robert Castel nomme « désaffiliation ».
2) Quel lien peut-on établir entre ce document et le précédent portant sur la précarisation de l’emploi ?
L’accès à l’emploi stable favorise l’intégration par le revenu qu’il procure, mais permet aussi d’avoir des relations professionnelles et sociales, de tisser des liens et d’avoir une place reconnue dans des sociétés modernes fondées sur la solidarité organique. La précarité et la perte d’emplois peuvent conduire à la désaffiliation des individus même si elles ne l’expliquent pas à elles seules. Il faut qu’il y ait corrélativement un affaiblissement des autres liens sociaux (de participation élective et de filiation notamment).