Document 13. La dimension sociale et politique de la monnaie

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En tant que bien public et institution sociale, la monnaie renvoie à l’organisation politique de la société. L’histoire montre, en effet, que la monnaie entretient des relations étroites avec les formes successives prises par le pouvoir politique. Le pouvoir de « battre monnaie »1 est ainsi passé successivement des mains de l’aristocratie féodale à celles des monarques avant d’être exercé par la bourgeoisie et l’État républicain. Pendant longtemps, la frappe des monnaies a procuré des ressources aux souverains. Et, ce qui est plus important, la monnaie a été utilisée par le pouvoir politique comme un instrument d’intégration. L’histoire de France montre que notre pays a été politiquement unifié et s’est constitué en un véritable espace économique au moment où ont existé une monnaie et un système de paiement uniques sur l’ensemble du territoire. Car la monnaie renforce le développement pacifique des échanges marchands et elle constitue un élément de référence commun pour la communauté qui l’utilise.

L’euro apporte une illustration de ce que la monnaie est une institution politique et sociale. La monnaie européenne a été présentée par ses défenseurs comme une pièce maîtresse de la construction européenne. Selon le rapport de la Commission européenne au titre évocateur, Marché unique, monnaie unique (1990), la monnaie unique est nécessaire au fonctionnement du grand marché intérieur européen, institué par l’Acte unique (1987). On retrouve l’idée selon laquelle la monnaie donne sa cohérence au marché en homogénéisant l’espace des produits par un système de prix unifié. L’euro apparaît également comme un vecteur d’intégration sociale en Europe. Son utilisation par l’ensemble des citoyens européens à partir de 2002 donne à ceux-ci un sentiment d’appartenance à une même société, avec ses règles et son langage communs. L’euro contribue à la création d’une identité européenne, permettant aux Européens de se différencier des sujets appartenant à d’autres communautés de paiement. L’expérience de l’euro illustre pleinement que la monnaie est un fait social et politique. Ces dimensions sociologiques et identitaires de l’euro ont été largement sous-estimées par les fondateurs de l’Union monétaire européenne, faisant de celle-ci uniquement un instrument économique et financier. Ainsi s’explique pourquoi la construction européenne, découlant du traité de Maastricht, apparaît inachevée sur le plan politique : les pays de

Document 12 : violence, politique et monnaiel’Union monétaire européenne ont institué un pouvoir monétaire unifié, concentré entre les mains de banquiers centraux indépendants, sans se doter d’un pouvoir politique de même échelle territoriale. Ce déséquilibre institutionnel est intenable à terme, car l’Union n’est pas véritablement dotée des attributs démocratiques nécessaires pour qu’on la reconnaisse souveraine, ne serait-ce que dans le domaine monétaire.

D. Plihon, La monnaie et ses mécanismes, Repères, La Découverte, 2017

(1) fabriquer, émettre de la monnaie.

Questions :

1) Quels sont les atouts économiques, politiques et sociaux de l’euro ?

2) Pourquoi la construction européenne apparaît-elle inachevée sur le plan politique ?

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1) Quels sont les atouts économiques, politiques et sociaux de l’euro ?

- donne sa cohérence au marché en homogénéisant l’espace des produits par un système de prix unifié

- donne un sentiment d’appartenance à une même société

- contribue à la création d’une identité européenne

2) Pourquoi la construction européenne apparaît-elle inachevée sur le plan politique ?

La monnaie unique est constitutive d’un fédéralisme monétaire mais l’absence de fédéralisme politique est problématique.

 

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