Partant de l’idée que tous les êtres humains sont égaux en dignité et en valeur, en vertu de leur capacité fondamentale à faire des choix moraux et à raisonner, Martha Nussbaum attire notre attention sur le problème des inégalités politiques, économiques et sociales qui empêchent des millions de femmes (et d’hommes) d’exercer leurs capabilités humaines fondamentales. Celles-ci, nous dit-elle, « ont un droit moral d’être développées. Les êtres humains sont des créatures telles que s’ils bénéficient de l’éducation et des conditions matérielles adéquates, ils deviennent pleinement capables des fonctions humaines majeures » (Sex and Social Justice , p. 43). La justice exige que tous les êtres humains, quels que soient leur sexe ou leur sexualité, leur race, leur classe ou leur religion, puissent développer ces capabilités essentielles de fonctionnement, s’ils en font le choix. Les capabilités sont conçues alors comme droits humains, droits qui constituent la fondation morale d’une élaboration de principes politiques qui peuvent être traduits par la suite en garanties constitutionnelles.
La liste des capabilités, qui comprend la vie, la santé et l’intégrité physiques, les émotions et le contrôle sur son environnement (politique et matériel), se présente sous forme de droits humains, droits qui constituent la fondation morale de l’élaboration des principes politiques qui peuvent être traduits (par la suite) en garanties constitutionnelles. Cette liste de capabilités est de toute évidence traversée par la question de l’inégalité de genre. Car les très grandes inégalités socio-économiques qui placent les femmes en situation d’inégalité et de dépendance vis-à-vis des hommes presque partout dans le monde actuel, loin de seulement masquer leurs potentialités (comme l’a signalé John Stuart Mill), déforment et diminuent les aspirations et les désirs qu’elles nourrissent pour elles-mêmes. Habituées tout au long de leur vie à un statut inférieur, marqué de surcroît au coin d’un destin hérité, les femmes « adaptent » leurs préférences et leurs désirs pour qu’ils concordent avec le peu qu’elles peuvent espérer posséder ou réaliser. Et c’est évidemment une base très insuffisante pour exercer librement sa raison pratique dans la définition de sa propre vie !
Source : « Martha Nussbaum. Justice et développement humain », Travail, genre et sociétés, 2007/ présentation des travaux de Martha Nussbaum par Laura Lee Downs
Questions :
22) Comment l’approche par les capabilités permet-elle de saisir les inégalités de développement ?
23) Pourquoi les capabilités des femmes risquent-elles souvent d’être plus limitées que celles des hommes ?
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22) Comment l’approche par les capabilités permet-elle de saisir les inégalités de développement ?
L’approche par les capabilités permet d’étudier le développement en allant au-delà de la seule dimension économique. En prenant en compte les difficultés voire impossibilités que rencontrent les individus à s’épanouir et à prendre des choix, cette approche permet de comprendre que le développement passe par des amélioration qualitatives dans le domaine de la santé, de l’éducation, politique… Le « sous-développement » est alors la situation d’un pays dans lequel la plupart des individus sont obligés de réduire leurs préférences ou leurs désirs pour les « ajuster » à leur situation (voir fin du texte).
23) Pourquoi les capabilités des femmes risquent-elles souvent d’être plus limitées que celles des hommes ?
Dans de très nombreux pays, les femmes ont moins accès que les hommes aux ressources, institutions, organisations qui permettent de s’accomplir en tant qu’individu. Elles subissent des inégalités en termes de revenu, d’éducation et de santé.