Robert Zoellick [...] soutient lui aussi la thèse de « la fin du Tiers Monde » : « Si 1989 a représenté, avec la chute du communisme, la fin du “Deuxième Monde”, alors 2009 marque la fin de ce qu’on appelait le “Tiers Monde” : nous vivons désormais dans une économie mondiale nouvelle, multipolaire et en évolution rapide, où certains pays en développement sont en train de se faire une place de grande puissance économique ; où d’autres ne tarderont pas à devenir des pôles de croissance secondaires ; où d’autres encore luttent pour réaliser leur potentiel au sein du nouveau système. Un système où Nord et Sud, Est et Ouest ont cessé de désigner des destins économiques pour redevenir des points sur la boussole ». Si le Tiers Monde était défini par la pauvreté, la faiblesse et la marginalisation politique, en effet quelque chose a changé. « Le trait marquant du Tiers Monde était le manque de poids économique et de poids politique. Il est en train d’acquérir l’un et l’autre » C’est sur cet argument que se fondent les appels adressés aux grands pays émergents pour qu’ils renoncent à revendiquer un traitement privilégié : en matière commerciale, ils doivent « passer de classe », autrement dit sortir de la catégorie des pays en développement ; sur le changement climatique, ils ne doivent plus s’abriter derrière le principe de « responsabilité commune mais différenciée » énoncé au protocole de Kyoto ; sur les droits de l’homme, ils doivent cesser de justifier leur immobilisme par une conception tiers-mondiste complètement dépassée de la souveraineté. En somme, ils ne doivent plus se servir du sous-développement, de la pauvreté, du passé colonial ou de la marginalité historique comme « excuses » pour échapper à leurs « responsabilités » de puissances émergentes majeures
Source : Andrew Hurell, « Récits d'émergence : la fin du Tiers Monde ? », Critique internationale, 2012
Questions :
1) Qu’appelle-t-on le « Tiers Monde » ?
2) Quelle différence peut-on faire entre le « Tiers Monde » et les « pays émergents » ?
3) Comment Robert Zoellick justifie-t-il la thèse d’une « disparition » du Tiers-Monde ?
4) Quelles en seraient les conséquences ?
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1) Qu’appelle-t-on le « Tiers Monde » ?
L’appellation « Tiers Monde » a été forgée dans les années 1950 par Alfred Sauvy, pour désigner les pays n’appartenant ni au « bloc » occidental, ni au « bloc » soviétique et qui étaient comme laissés pour compte dans le processus de développement économique de l’après seconde guerre mondiale. Cette appellation, à visée politique, renvoyait aussi à la revendication d’un modèle spécifique de développement.
2) Quelle différence peut-on faire entre le « Tiers Monde » et les « pays émergents » ?
Les « pays émergents » sont des pays de grande taille qui connaissent une forte croissance économique et tendent à occuper une place importante dans le commerce internationale. On regroupe sous cette appellation les pays que l’on qualifie parfois de BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud.
3) Comment Robert Zoellick justifie-t-il la thèse d’une « disparition » du Tiers-Monde ?
La disparition du « Tiers Monde » démarre avec la chute du bloc soviétique : il n’est plus tellement question de parler d’une troisième voie de développement. De plus, avec la crise de 2008, le rattrapage par les pays émergents des pays les plus riches s’est accéléré. Certains de ces pays tendent à occuper une place centrale dans l’économie mondiale (en particulier la Chine).
4) Quelles en seraient les conséquences ?
La première conséquence serait l’avènement d’un monde « multipolaire ». Par ailleurs, les pays émergents ne pourraient plus être considérés comme des « pays en développement », avec toutes les spécificités accordées à ces pays. Par exemple, ils ne pourraient plus revendiquer des avantages spécifiques en termes de commerce international ou par rapport aux droits humains.