Document 1 : Pourquoi l'euro fort est un problème pour la France

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Et on reparle de l'euro fort ! Après s'être stabilisé autour de 1,35 dollar entre septembre 2013 et janvier 2014, la monnaie européenne tutoie de nouveaux sommets, flirtant avec les 1,40 dollar. Un niveau insoutenable pour le gouvernement qui dénonce un « frein à la croissance » que François Hollande espère pour tenter de réduire le chômage et son déficit. De son côté, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a déclaré qu'il envisager d'agir si l'euro grimpait trop haut.

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Tous s'accordent à dire que le niveau de l'euro est trop élevé et qu'il pénalise les exportations européennes. « L'euro rogne les efforts que tentent de réaliser les pays européens pour devenir plus compétitifs », explique Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management.

[…] Pour certains experts, la zone euro est « victime » du redressement économique de ses pays à risque, à savoir la Grèce, l'Irlande, l'Espagne, le Portugal ou encore l'Italie. La devise européenne profite également de la crise qui frappe actuellement les pays émergents. Conséquence: les investisseurs ont rapatrié massivement leurs avoirs mis à l'abri en dollars dans la monnaie unique. « Les investisseurs ont plus confiance dans l'euro », explique Philippe Waechter. Le retour réussi de la Grèce sur les marchés financiers, la semaine dernière, en est l'illustration parfaite. « Il faudrait que la crise dans les pays émergents s'arrête pour que l'euro baisse », déclare Jean-Louis Mourier. Pour d'autres, l'explication est à chercher du côté de la Banque centrale européenne. « Le statut de dernier rempart joué par la BCE rassure les marchés financiers », affirme Christopher Dembik, analyste Financier chez Saxo Banque.

[…] Comme l'explique le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer dans une interview au Figaro, l'euro est très recherché parce que la zone euro dégage un excédent courant important. Autrement dit, elle exporte plus de capitaux qu'elle n'en importe. Or, en raison de sa politique moins accommodante que celle de son homologue américaine, la BCE « produit » moins d'euros que la Fed, de dollars. En résumé, la demande d'euro est forte, l'offre, faible. Il est donc logique que le niveau de la monnaie européenne soit fort.

A en croire les experts, le niveau de l'euro à partir duquel l'économie française est pénalisée - ou « seuil de douleur » comme l'appellent les économistes - a été fixée à 1,24 euro par les experts. Un niveau que la devise n'a plus atteint depuis août 2012 et qui, surtout, équivaut quasiment à celui d'un pays comme l'Italie (1,20). A titre de comparaison, l'Allemagne souffrira quand l'euro atteindra 1,60 dollar (selon Saxo Bank) ou 1,79 (selon Deutsche Bank) et la zone euro, 1,40 dollar. La valeur de l'euro a un impact plus important sur la France ou l'Espagne qui fabrique des produits de moyenne gamme, plus sensibles à la variation des prix, et non pas haut de gamme comme l'Allemagne.

Pour Christopher Dembik, tant que l'euro n'aura pas dépassé les 1,40 dollar, la BCE ne prendra aucune mesure pour faire baisser la monnaie européenne, sauf si le niveau de l'inflation s'en ressent. Car franchir cette barre symbolique est souvent synonyme d'envolée de l'euro. Depuis la crise européenne, la monnaie a franchi six fois les 1,40 dollar. Et à trois reprises, la devise a grimpé au-delà des 1,50 dollar. Notamment, en juillet 2008, où la deuxième monnaie mondiale avait tutoyé les 1,60 dollar. «La déflation et la situation de l'Allemagne préoccupent plus la BCE que celle de la France ou de l'Espagne», conclut-il. «Ce qui amène les pays européens à se faire concurrence entre eux au lieu de concurrencer les États-Unis ou la Chine», regrette Philippe Waechter.

Guillaume Errard, « Pourquoi l’euro fort est un problème pour la France », Lefigaro.fr, publié le 14/04/2014 à 17:44.

Questions :

1) En quoi l’appréciation de l’euro constitue-t-elle une difficulté pour les pays membres de la zone euro ?

2) Que désigne-t-on par le « seuil de douleur » de l’euro ?

3) Pourquoi le seuil de douleur de l’Allemagne est-il plus élevé que celui de la France ?

 

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1) En quoi l’appréciation de l’euro constitue-t-elle une difficulté pour les pays membres de la zone euro ?

Lorsque l’euro s’apprécie cela monte mécaniquement le prix des exportations européennes, libellées en euros. En effet, il faudra alors utiliser davantage de monnaie étrangère pour s’acquitter du paiement en euros. Ainsi, une appréciation de l’euro dégrade la compétitivité prix de la zone euro, c'est-à-dire la capacité à offrir un bien ou service à un prix inférieur à celui des concurrents.

2) Que désigne-t-on par le « seuil de douleur » de l’euro ?

Le « seuil de douleur » de l’euro, également appelé « seuil de souffrance », désigne la valeur de l’euro à partir de laquelle la compétitivité prix des exportations de la zone euro se dégrade.

3) Pourquoi le seuil de douleur de l’Allemagne est-il plus élevé que celui de la France ?

En France, le seuil de douleur de l’euro est situé autour de 1,30 dollar, c'est-à-dire que l’euro pénalise l’économie française lorsqu’il vaut 1,30 dollar. En Allemagne, ce seuil est plus élevé et se situe entre 1,60 et 1,80 dollar. Cela s’explique par les différentiels de compétitivité. Pour les pays qui bénéficient d’une compétitivité prix, une appréciation de l’euro dégrade leur capacité à faire face à la concurrence étrangère, notamment dans le cas d’une spécialisation autour de produits bas de gamme. L’Allemagne jouit, elle, d’une compétitivité structurelle – ou hors prix – qui lui permet d’être moins impactée par les variations de change. Cette compétitivité structurelle repose sur la capacité à offrir des produits différenciés de ceux des concurrents, notamment en termes de qualité. L’Allemagne est spécialisée dans la production de biens manufacturés haut de gamme, elle est par conséquent moins touchée par l’appréciation de l’euro.

 

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