« Le rôle de l’entrepreneur consiste à faire une réussite d’une saucisse ou d’une brosse à dents », affirme Schumpeter.
Contrairement à « l’homme aux écus », le bourgeois motivé par le profit de Karl Marx, ou au manager rationnel et mesuré de Keynes, l’entrepreneur de Schumpeter est un « révolutionnaire », un marginal animé par ses intuitions, un instinctif qui va « contre le courant ».
Pour Schumpeter, imprégné par la sociologie et le rôle des ingénieurs dans le capitalisme rhénan, l’entrepreneur bouleverse « la routine de production ». C’est un chef de bande, un meneur entraînant des fidèles dans une aventure. Il n’invente pas nécessairement mais il innove. En exploitant de nouvelles sources de matières premières. En testant de nouveaux produits – comme Gottlieb Daimler, qui crée le premier moteur à explosion grâce aux principes de la thermodynamique de Carnot. Ou enfin en élaborant une nouvelle organisation de la production – comme Ford, qui associe dans ses usines les idées de Taylor et la chaîne des abattoirs de Chicago pour produire sa Ford T. Le profit n’est pas le moteur, mais la récompense de « l’innovateur dynamique ».
De plus, affirme Schumpeter, les innovations ont un effet d’entraînement. En témoignent les applications civiles de l’informatique militaire, dans les entreprises, mais aussi dans les foyers, qui ont, à leur tour, chamboulé nos organisations du travail et nos modes de consommation. Pour Schumpeter, c’est « par grappes » que les innovations apparaissent. Or, devant la nouveauté, les anciennes méthodes et les anciens produits sont rapidement dépassés et disparaissent. Ce sont alors des branches entières qui subissent des reconversions, et parfois brutales. Pour ne pas avoir compris que le numérique allait révolutionner la photographie, la société centenaire Kodak, naguère fleuron de l’argentique, a dû demander la protection de la loi sur les faillites… C’est la fameuse « destruction créatrice » de Schumpeter, qu’il considère être à la base de la dynamique du capitalisme. Ce processus, dit-il, est, par nature, discontinu. Dans une première phase, l’accès au crédit est facile, les investissements augmentent et les profits aussi. L’innovation est donc facteur de croissance et d’emplois. Mais l’entrepreneur est très vite copié par de nouveaux concurrents, qui, de fait, mettent fin à son monopole. On entre alors dans une seconde phase, dans laquelle l’accès au crédit se réduit et les profits diminuent. Surviennent les premières fermetures d’usines, le chômage…
Source : capital.fr, Joseph Schumpeter (1883-1950) : il a vu dans l’innovation le moteur du business, 12/07/2012
Questions :
1) En quoi l’innovateur est-il un « révolutionnaire » selon J. Schumpeter ?
2) Relever les différents types d’innovation citées par le texte.
3) Que désigne l’expression « destruction créatrice » propre à Schumpeter ?