L’objectif des banques centrales devient donc un objectif de soutien à l’économie, de retour au plein emploi complet : la politique monétaire soutient donc aujourd’hui la demande alors même que l’économie a redémarré. La Réserve fédérale aux États-Unis mentionne explicitement que le retour à un taux de chômage très faible est devenu son objectif, puisque c’est la condition pour réduire les inégalités. On peut donc effectivement considérer que les banques centrales sont passées d’un objectif de stabilisation des prix, dans les années 1980, 1990 et au début des années 2000, à un objectif de complet plein-emploi depuis le milieu des années 2000, et cela est certainement le cas aujourd’hui après la crise de la COVID. Pour mettre en place ce changement d’objectif, de la stabilité des prix au plein emploi, les Banques centrales ont dû modifier leurs pratiques, leurs stratégies.
Patrick Artus, Les nouvelles politiques monétaires, Ellipses, 2022.
Questions :
Question 1. Rappeler les théories macroéconomiques qui justifient l’indépendance des banques centrales et les arguments économiques qui légitiment la recherche de la stabilité des prix
Question 2. Chercher quels sont les objectifs de la Réserve Fédérale des États-Unis
Question 3. Rappeler quels sont les instruments de politique monétaire à la discrétion des grandes banques centrales
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Question 1. Rappeler les théories macroéconomiques qui justifient l’indépendance des banques centrales et les arguments économiques qui légitiment la recherche de la stabilité des prix
- L’indépendance statutaire des banques centrale est largement inspirée des enseignements de l’école monétariste et de la nouvelle école classique (NEC). Selon Milton Friedman, chef de file des monétaristes, la politique de relance monétaire est inefficace car, même si elle peut permettre une diminution du chômage à court terme, elle n’entraîne qu’une accélération de l’inflation à long terme, tandis que le chômage revient systématiquement à son niveau naturel (déterminé par les variables réelles de l’économie, comme les institutions du marché du travail ou la productivité).
Robert Lucas et la Nouvelle école classique (NEC) estiment que la relance monétaire est inefficace même à très court terme, car toute modification prévisible de la masse monétaire en circulation dans l’économie est rationnellement anticipée et la monnaie est parfaitement neutre.
- En 1985, l’économiste Kenneth Rogoff a proposé une solution institutionnelle qui consiste à assigner à la banque centrale un objectif unique de lutte contre l’inflation. De plus, il faut selon lui garantir à celle-ci un degré élevé d’indépendance afin de mettre la politique monétaire à l’abri de la tentation des pouvoirs publics de pratiquer une relance monétaire à court terme.
- De nombreux travaux empiriques ont montré qu’un degré élevé d’indépendance des banques centrales s’accompagnait d’une inflation plus faible, sans pour autant s’accompagner d’un taux de chômage plus élevé, ou d’un taux de croissance du PIB plus faible (notamment ceux d’A. Alesina et L. Summers en 1993).
- Les pays où l’indépendance de la banque centrale est forte sont aussi les pays où l’inflation est la plus stable (moindre volatilité des prix). Ces travaux montrent aussi qu’il faut nommer un banquier central conservateur (c’est-à-dire averse à l’inflation).
Les banques centrales escomptent tirer un certain nombre de bénéfices de son objectif unique de stabilité des prix en zone euro :
- La stabilité des prix facilite la transparence des prix relatifs : dans un environnement où la volatilité des prix est faible, il est plus aisé de comparer le prix des différents biens.
- La stabilité des prix réduit les primes de risques incorporées dans les taux d’intérêt de long terme et favorise l’investissement productif par une baisse des coûts de l’endettement.
- La stabilité des prix réduit les coûts nécessaires pour se protéger contre l’inflation : elle limite les risques de fuite devant la monnaie et l’achat d’instruments de couverture par les entreprises, indispensables lorsque l’inflation est forte.
- La stabilité des prix limite les distorsions fiscales : ainsi la hausse de prix peut gonfler les revenus des agents et les faire passer dans une tranche d’impôts supérieure et désinciter au travail et à la production et à l’épargne.
- La stabilité des prix favorise la cohésion sociale et politique : de nombreux épisodes de troubles politiques dans l’histoire des nations européennes ont été favorisés par des périodes d’hyperinflation (comme en Allemagne en 1923).
La stabilité des prix est enfin un moyen de préserver le pouvoir d’achat des ménages et de maintenir la compétitivité-prix des produits européens sur les marchés internationaux.
Question 2. Chercher quels sont les objectifs de la Réserve Fédérale des États-Unis
Si la Réserve fédérale détermine librement sa politique de taux d’intérêt et dispose d’une indépendance par rapport au pouvoir politique (aucun membre du gouvernement ne siège au Conseil des gouverneurs), ses statuts lui donnent pour mission non seulement de maintenir l’inflation à un niveau faible, mais aussi de stabiliser l’activité économique.
Question 3. Rappeler quels sont les instruments de politique monétaire à la discrétion des grandes banques centrales
- Les Banques centrales peuvent en premier lieu mobiliser les instruments conventionnels. Il y a tout d’abord l’action par la liquidité bancaire : les banques de second rang ont besoin de détenir une certaine quantité de monnaie banque centrale en fonction de leur activité sur le marché du crédit. En rendant la monnaie banque centrale plus abondante, on incite les banques (toutes choses égales par ailleurs) à octroyer plus de crédits et à créer plus de monnaie. Réciproquement, en rendant les banques moins « liquides » (c’est-à-dire en rendant la monnaie centrale moins abondante) on les incite à octroyer moins de crédits.
- En second lieu, les Banques centrales peuvent agir par les taux d’intérêt. Lorsque les banques de second rang empruntent des liquidités pour se refinancer, elles doivent s’acquitter d’un taux d’intérêt (le taux du marché interbancaire le plus souvent). Lorsque le coût du refinancement augmente, les banques répercutent cette hausse sur leurs clients qui sont incités (toutes choses égales par ailleurs) à réduire leur recours à un crédit devenu plus coûteux. Les autorités monétaires, en agissant sur les taux d’intérêt, peuvent donc encourager ou freiner le crédit et la création monétaire. Pour agir sur les taux d’intérêt du marché, les banques centrales utilisent des taux directeurs.
- En troisième lieu, à l’occasion de la crise des subprimes et de ses conséquences financières et réelles, les banques centrales (notamment la BCE et la Réserve fédérale des États-Unis) ont mis en œuvre des politiques monétaires non conventionnelles. En effet, lorsque le taux d’intérêt directeur des banques centrales est égal à zéro (ou très proche), la banque centrale ne dispose plus de son outil conventionnel de relance, la baisse des taux d’intérêt. On appelle alors politique monétaire non conventionnelle les mesures qui visent à agir sur l’économie par d’autres moyens que les instruments habituels du taux directeur et des interventions sur le marché monétaire.
Elle peut prendre les formes suivantes :
- Achats de titres sur les marchés financiers, des titres privés, émis par les entreprises mais également des obligations d’État.
- Garanties accordées par la banque centrale sur des titres émis par le secteur privé (ce qui a pour effet de faciliter l’émission de ces titres).