Réindustrialisation en France et en Europe : comment relancer le secteur ?

Replay de la conférence

Relancer l'industrie française et européenne nécessite une approche multidimensionnelle qui combine innovation, transition énergétique, soutien gouvernemental et formation professionnelle. Quel rôle le soutien gouvernemental, notamment à travers des investissements, peut-il jouer pour améliorer la compétitivité industrielle ? Et comment des politiques favorisant la revalorisation salariale peuvent-elles attirer et retenir une main-d'œuvre qualifiée ? 

Intervenants :

  • Pierre-André DE CHALENDAR, , PDG du groupe Saint Gobain, Président de l’institut de l’entreprise
  • Patrick ARTUS , Economisteet Président du Comité stratégique de Melchior
  • M.C. COISNE-ROQUETTE, présidente de Sonepar
  • Alexandre SAUBOT, président de France Industrie

Conférence animée par Jean-Marc VITTORI (Les Echos) 

5 points à retenir

  • La croissance d’un pays et son dynamisme reposent en grande partie sur la vitalité de son tissu industriel.
  • Le développement du secteur industriel permet d’assurer l’indépendance d’un pays. 
  • La France doit valoriser ses avantages comparatifs en matière de production industrielle. 
  • Il est nécessaire de restaurer l’image de l’industrie en France aussi bien par les pouvoirs publics que par les citoyens
  • La formation initiale et continue doivent être repensées pour attirer les actifs vers le secteur industriel. 

Compte-rendu

Réalisé par Christine Carluer-Chacon (Académie de Normandie), Anaïs Mouliac-Bertucchi (Académie de Paris) et Nathalie Ginies (Académie de Monpellier)

AXE 1 : Faut-il vraiment relancer l’industrie en France ?  

Cet axe questionne la nécessité pour un pays de préserver son capital industriel afin de poursuivre sa dynamique de croissance. A. Saubot précise qu’il s’agit d’une question de choix et de priorité. En effet, on ne voit pas comment la France pourrait poursuivre sa croissance sans produire ? Par exemple, l’entreprise Apple a su garder son propre système de performance tout en gardant le contrôle de sa production. 

De plus, l’industrie permet de faire fonctionner l’ascenseur social. 

P.A. de Chalendar confirme que tous les pays ont besoin d’industries pour être grands. L’industrie est un facteur essentiel d’emplois directs et indirects. Par exemple, les implantations d’usine de Saint-Gobain s’accompagnent, moins de 10 ans après, de création de zones commerciale et d’activité aux alentours. Le contre-exemple de Boeing peut être mobilisé comme une illustration d’une trop forte dépendance à ses sous-traitants qui réduit et détériore son activité. P. Artus confirme qu’un pays ne peut pas se passer d’une activité qui génère des emplois qualifiés et qui a un impact important sur l’équilibre extérieur. De plus, la désindustrialisation s’accompagne d’une dichotomie du marché du travail. M.C. Coisne-Roquette précise qu’il existe, de plus, une interdépendance entre la production et la distribution, La pandémie de Covid  a bien montré les failles d’une trop forte dépendance vis-à-vis de l’étranger qui a entraîné des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Un an et demi ont été nécessaires afin d’épurer les besoins des clients, la fiabilité de la chaine d’approvisionnement est essentielle. 

 

AXE 2 : Comment expliquer le déclin du poids de l’industrie en France et en Europe ? 

Un handicap de compétitivité

P. Artus considère que l’Allemagne et l’Italie ont su garder une industrie forte et compétitive mais la France a perdu ses avantages comparatifs en matière d’industrie, notamment en raison d’un coût du travail trop élevé. Par exemple le coût du travail (/H) s’élève à 47 dollars en France, 36 aux USA, 32 en Italie et 5 au Mexique. 

Deux autres raisons peuvent être évoquées: un handicap de régulation (trop de règles restrictives) et un handicap de disponibilité des compétences : 10% des français travaillent dans l’Industrie contre 25% en Allemagne par exemple. La France s’est donc naturellement désindustrialisée et il est nécessaire de restaurer ses avantages comparatifs. 

Malgré les efforts faits depuis 2015 avec la mise en place d’une politique de l’offre (qui a permis non pas de réindustrialiser mais seulement d’enrayer le déclin), P.A. Chalendar, mentionne un autre problème : le choc asymétrique de la guerre en Ukraine car la hausse du coût de l’énergie a plus impacté l’Europe que le reste du monde. L’énergie est structurellement plus chère en Europe par rapport aux autres pays, ce qui freine les efforts de ré industrialisation. M.C. Coisne-Roquette insiste sur le problème de la dette publique qui impacte négativement les efforts d’investissements. Mais au-delà des questions financières, il faut repenser la question de la confiance entre l’entreprise et les pouvoirs publics. Les entreprises subissent une défiance de la part des pouvoirs publics, une plus grande reconnaissance de la part de ces derniers est nécessaire. De plus, il est indispensable de retrouver la confiance des citoyens qui ont une image dégradée du monde des entreprises. La question financière est importante certes mais les entreprises ont besoin de respect et de confiance. L’esprit d’entreprise et l’audace sont à valoriser. P.A. de Chalendar précise que les métiers industriels sont très mal connus des jeunes, il faut restaurer l’image de l’industrie, une image qui est dépassée et négative. A. Saubot insiste également sur l’importance d’une bonne relation entre les industries et les pouvoirs publics. Le premier enjeu serait celui du recrutement. Pour ce faire, il faut chercher à favoriser les liens entre industrie et école : les métiers industriels ouvrent de belles carrières et les prévisions de recrutement d’ici 10 ans sont optimistes (au moins un million de salariés, voire deux pour les plus optimistes).

 

AXE 3 : Comment peut-on réindustrialiser la France ? 

P. Artus souligne qu’il faut déconstruire le mythe de la relocalisation subventionnée et impulsée par l’Etat. La solution réside dans le développement d’industries nouvelles pour lesquelles la France possède des avantages comparatifs (en s’appuyant sur des emplois qualifiés pour compenser le coût du travail). Pour A. Saubot, il s’agit d’une question de choix stratégiques. Par exemple, produire des panneaux solaires sur le sol français n’est pas judicieux au regard du faible ensoleillement relatif. Il est impératif de se poser les bonnes questions et faire des choix stratégiques en fonction des circonstances. La force de notre territoire doit être valorisée, comme par exemple le développement de PME dynamiques. Pour ce faire il faut rendre les PME plus efficaces et rentables….un investissement plus soutenu est nécessaire. Face à une méconnaissance des PME sur leurs possibilités de développement, des dispositifs sont mis en place pour les accompagner, dispositifs portés notamment par BPI France. Pour P.A. de Chalendar il est nécessaire d’apporter une réponse européenne aux besoins de ré industrialisation. Pour ce faire, l’Union Européenne doit chercher à simplifier ses normes dans un contexte où elle est la seule à respecter aussi scrupuleusement les règles de l’OMC dans le domaine de la concurrence. De même, des innovations financières peuvent permettre de rediriger l’excédent d’épargne en Europe vers des projets industriels. 

 

AXE 4 : Comment valoriser les compétences nécessaires au secteur industriel ? 

Pour M.C. Coisne-Roquette, l’avenir du monde industriel repose sur trois mots clefs : adaptabilité, flexibilité et confiance. Dans cette optique, les compétences à valoriser sont les capacités à s’exprimer, à développer des idées et à être force de proposition dans les entreprises. 

P. Artus souligne le problème de la formation des ingénieurs en France qui restent en nombre insuffisant notamment chez les femmes. Il souligne également que le logement bloque la mobilité géographique des travailleurs. Le goût pour la propriété est handicapante en France à la différence des USA et de l’Allemagne. A. Saubot insiste sur la nécessaire restauration de l’image de l’industrie en France notamment auprès des jeunes (et des jeunes femmes en particulier). Des emplois sont disponibles, sans distinction de genre, mais il faut améliorer l’information sur ces possibilités dans le monde de l’éducation. Il existe selon lui 3 « réserves » de compétences pour l’industrie : les futurs retraités doivent pouvoir transmettre leurs compétences, les allocataires du RSA sortis du système avec Pôle Emploi et qui sont identifiés depuis la création de France Travail et enfin les jeunes et les femmes.  Dans cette optique P.A. de Chalendar considère que la voie professionnelle en France doit être améliorée et considérée comme une vraie voie de réussite. La multiplication des initiatives de liens entre l’école et les entreprises doit permettre de mieux faire connaître les métiers accessibles (exemple de capsules vidéo afin de présenter la diversité des métiers et des formations). De même, la formation continue doit être repensée afin de cibler les connaissances et les motivations et orienter vers les métiers qui recrutent (création de parcours de vie professionnelle). 

Pistes d'exploitation pédagogiques

En classe de seconde :

Chapitre : Comment crée-t-on des richesses et comment les mesure-t-on ?

Les interventions permettent d’illustrer l’OA consacré à la diversité des producteurs : illustration des entreprises et de leur poids dans l’économie française et dans l’emploi

Chapitre : Quelles relations entre le diplôme, l’emploi et le salaire ?

OA : Comprendre que la poursuite d’études est un investissement en capital humain et que sa rentabilité peut s’apprécier en termes de salaire escompté, d’accès à l’emploi et de réalisation de ses capabilités.

 

En classe de Première :

Chapitre : Comment un marché concurrentiel fonctionne-t-il ?

OA : Savoir que le marché est une institution : rôle de l’Etat dans la promotion d’activités créatrice de richesse. 

 

 En classe de Terminale :

Chapitre : Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ?

OA :  Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance en affectant l’incitation à investir et innover ; savoir que l’innovation s’accompagne d'un processus de destruction créatrice.

Chapitre : Quels sont les fondements du commerce international et de l’internationalisation de la production ?

 

OA :

- Comprendre le rôle des dotations factorielles et technologiques (avantages comparatifs) dans les échanges commerciaux et la spécialisation internationale.

- Comprendre le commerce entre pays comparables (différenciation des produits, qualité des produits, et fragmentation de la chaîne de valeur).

-  Comprendre que la productivité des firmes sous-tend la compétitivité d’un pays, c’est-à-dire son aptitude à exporter.

 

Chapitre : Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

OA :

- Connaître les grandes caractéristiques de l’intégration européenne (marché unique et zone euro) ; comprendre les effets du marché unique sur la croissance.

- Comprendre les objectifs, les modalités et les limites de la politique européenne de la concurrence.

 

Pistes exploitation en économie-gestion 

En classe de 1ère, économie

  • Thème 1 Quelles sont les grandes questions économiques et leurs enjeux actuels ? 1.3. Les échanges économiques avec les notions de spécialisation des producteurs et des pays 
  • Thème 2 Comment la richesse se crée-t-elle et se répartit-elle ? 2.1 La combinaison des facteurs de production avec les notions du rôle de l’investissement dans l’accumulation des facteurs et la productivité globale des facteurs

En classe de terminale, économie

  • Thème 7 Quelle est l’influence de l’état sur l’évolution de l’emploi et du chômage ? 7.2. L’offre et la demande de travail
  • Thème 8 Comment organiser le CI dans un contexte d’ouverture des échanges ? 8.1. Les transformations du commerce mondial avec la notion de segmentation

En classe de BTS, CEJM

  • Thème 1 L’intégration de l’entreprise dans son environnement. « Comment s’établissent les relations entre l’entreprise et son environnement économique ? » avec les savoirs associés suivants : le rôle du marché et son fonctionnement, la concurrence. 
  • Thème 3 L’organisation de l’activité de l’entreprise « Comment les facteurs économiques déterminent-ils les choix de production ? » avec les savoirs associés suivants : facteurs de production, gains de productivité, coût de production, chaîne de valeur. 
  • Thème 5 Les mutations du travail. « Quelles sont les principales mutations du marché du travail ? » avec la compétence suivante « Caractériser l’action des pouvoirs publics pour accompagner les transformations du marché du travail »

Quelques ressources complémentaires

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