Géopolitique de la santé : quels enjeux ?

Replay de la conférence

Une caractéristique inattendue de la géopolitique de la santé est son invisibilité puisqu’elle apparaît seulement lors de grandes crises comme la pandémie de la Covid 19. Pourtant, ses enjeux sont fondamentaux puisque la santé n’est pas un bien comme les autres. La géopolitique de la santé renvoie aux interactions entre grands acteurs en termes de conflits, de rapports de force mais aussi de coopération et à leurs répercussions sur la santé des populations mondiales. Les inégalités face à la santé, la souveraineté de la production médicamenteuse, les relations de coopération ou de conflits entre les différents Etats, le financement de la recherche… sont autant de questionnements sur lesquels il est nécessaire de se pencher pour pouvoir améliorer la satisfaction d’un besoin devenu incontournable pour un nombre croissant d’individus.

Intervenants : 

  • Pascal Le Guyader, directeur général du Leem, Organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France

  • Anne Senequier, chercheuse à l’IRIS, spécialisée sur les questions de santé et d’environnement

  • Modérateur : Bertrand PajotIGESR, groupe STVSI 

Compte-rendu

Compte-rendu réalisé par Sébastien Kalifa, professeur de SES (académie de Montpellier) et Cécile Gauron, professeure de SES (académie de Nantes).

Il faut Penser la souveraineté sanitaire au niveau européen 

La Covid 19 avait fait apparaître des problèmes de pénurie de masques, de médicaments et avec eux la question de la souveraineté d’un secteur hautement stratégique. 

B.Pajot : La souveraineté de la production de médicaments ne peut s’opérer qu’au niveau européen pour au moins deux raisons : le nombre et la variété des médicaments à produire et le coût exorbitant de la recherche. 

La question centrale porte donc davantage sur le choix des productions à rapatrier sur le sol européen et sur la répartition de ces productions entre les différents pays sachant qu’un certain nombre de pays dispose de compétences établies et reconnues dans tel ou tel médicament et que la santé peut constituer un choix de spécialisation qui s’inscrit dans une politique volontariste mêlant sphère publique et sphère privée (l’exemple de l’Espagne est parlant de ce phénomène).

Quelles relations entre les pays ?

A.Senequier : L’action de l’OMS invite à penser la géopolitique de la santé sous l’angle de la coopération entre les pays et son intervention récente sur la question du MPOX en est la dernière illustration. Toutefois, la souveraineté sanitaire nationale doit primer pour adapter l’action sanitaire aux caractéristiques locales. 

B.Pajot : La concurrence reste, toutefois, partout présente du fait des caractéristiques même de ce vaste marché. En effet, la production médicamenteuse nécessite une réelle rentabilité économique, condition sine qua non des efforts de recherche dont le coût exorbitant et les perspectives de succès incertaines sont synonymes de pari sur l’avenir. Cette concurrence est d’autant plus exacerbée que les perspectives de profit sont réelles du fait d’un marché mondial en expansion sous l’effet de l’augmentation continue de la demande mondiale de soins, du vieillissement démographique, du développement de maladies chroniques comme l’obésité, le diabète …

Des inégalités multiformes

A.Senequier : La fracture Nord/Sud a été criante lors de la priorisation des distributions de vaccins durant la pandémie de Covid 19. Toutefois, si la qualité de la santé est étroitement corrélée au niveau de vie des populations, il existe également des inégalités entre les maladies elles-mêmes : certaines maladies ne sont pas traitées par les laboratoires par manque de perspectives de rentabilité; certains problèmes sanitaires ne sont toujours pas considérés comme tels : obésité, précocité de l’âge de certains cancers, hypertension…

Quelles solutions ?                          

A.Senequier et B.Pajot : La première des solutions reste la prévention car elle concentre tous les avantages : elle permet de réduire la présence médicale tout en générant des économies de coût. La question du financement est un autre domaine de réflexion : nécessité de penser les efforts financiers de recherche dans le temps long pour garantir une plus grande efficacité en améliorant la coopération secteur privé et secteur public. Le secteur public doit notamment intervenir sur les pathologies ou le secteur privé est absent par défaut de rentabilité. 

Enfin, il paraît légitime de faire contribuer les secteurs d’activité responsables de problèmes sanitaires : la taxation sur l’alcool ou tabac peut être généralisée à des activités sources de diabète, perturbateur endocrinien, maladies cardiovasculaires, pollution plastique…

Pistes d’exploitation pédagogique

  • Le débat sur la répartition des productions médicamenteuses entre les différents pays de l’UE renvoie à la notion d’avantages comparatifs de Ricardo du chapitre de Terminale « Quels sont les fondements du commerce international et de l’internalisation de la production ? ». Par ailleurs, l’exemple de l’Espagne montre que l’avantage comparatif peut se construire.

  • Le rôle fondamentale de la concurrence dans la production de médicaments au niveau européen et international peut être abordé en Terminale dans le chapitre « Quelles politiques dans le cadre européen ? »

  • En s’appuyant sur l’intervention d’A Senequier concernant l’invisibilité de la géopolitique de la santé, on peut introduire la notion d’agenda politique et poursuivre sur les relations de coopération et de conflit au sein du chapitre « Quelle action publique pour l’environnement ? »

  • La santé nécessite des investissements très importants pour développer la recherche et s’appuie notamment sur les brevets pour garantir leur rentabilisation : « Les sources de la croissance économique » en terminale.

  • En classe de première, le chapitre sur « Les défaillances du marché » peut mobiliser les problèmes sanitaires comme externalités négatives.

  • La coopération des secteurs publics et privés pour traiter des problèmes de santé peut être considérée comme une forme de gestion du risque que l’on retrouve dans le chapitre « Comment l’assurance et la protection sociale contribuent-elles à la gestion des risques dans les sociétés développées ? »

Quelques ressources complémentaires

  • Senequier A, Géopolitique de la santé, en collaboration avec Pelpel V, Editions Eyrolles/IRIS Paris, 2023
  • Senequier A, La géopolitique tout simplement, en collaboration avec Boniface P, Editions Eyrolles, 2023
  • Guimier L, Géopolitique de la santé, La santé publique à l’épreuve des idéologies, Editions Le Cavalier Bleu, 2022
  • Vidéo : J'ai lu... "Géopolitique de la santé", ouvrage de Anne Sénéquier : https://www.youtube.com/watch?v=0tDPPK0Hj5E
  • Vidéo : Quels enjeux géopolitiques pour la santé de demain ? IRIS
  • https://www.youtube.com/watch?v=wKQZbVNmHoo

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