Synthèse
Synthèse
L'accès au baccalauréat a progressé.
Le baccalauréat, créé en 1808 est longtemps resté un diplôme élitiste, réservé à une minorité. A partir des années 70, sous l’effet de plusieurs réformes du système éducatif, comme la création du baccalauréat technologique en 1968 et du baccalauréat professionnel en 1985, le pourcentage de bacheliers dans une génération a beaucoup augmenté. Aujourd’hui, presque 80% des personnes d’une même génération sont bachelières (Document 1).
Ce phénomène est un aspect du processus de massification scolaire, c’est-à-dire de l’allongement de la durée des études et de l’accès d’une large partie de la population à un niveau de qualification élevé.
Cependant, des inégalités d'accès au baccalauréat et aux études supérieures selon l'origine sociale persistent…
Cependant, cette massification, sous la forme de progression de l’accès au baccalauréat, cache des inégalités sociales. En effet, encore aujourd’hui, les enfants issus de milieu populaire ont moins de chances d’accéder au baccalauréat que les enfants issus de milieu supérieur (Document 2). Ces inégalités se retrouvent dans l’enseignement supérieur (document 3). On peut donc dire que l’accès au baccalauréat et aux études supérieures est influencé par l’origine sociale, c’est-à-dire par le milieu social de parents.
… ainsi que des inégalités de choix des filières.
Des inégalités s’observent dans l’accès au baccalauréat et aux études supérieures mais également dans le choix des filières d’enseignement. En effet, le choix du baccalauréat est influencé par l’origine sociale : par exemple, dans les baccalauréats généraux, les enfants de milieu très favorisé sont plus présents en filière scientifique, tandis que les enfants de milieu défavorisé sont plus présents en filière littéraire (Document 4). On constate aussi des inégalités dans le choix du type de baccalauréat : les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures et d’artisans, commerçants chefs d’entreprise sont surreprésentés dans les filières générales, tandis que les enfants d’ouvriers et, dans une moindre mesure d’employés, sont surreprésentés dans les filières professionnelles. Comme le baccalauréat général conduit davantage à des études longues et le baccalauréat professionnel à des études courtes, voire à une insertion immédiate sur le marché du travail, ces inégalités de choix de filières dans le secondaire ont des conséquences sur les études supérieures.
En effet, les enfants de milieu supérieur s’orientent davantage que les autres vers des études longues et sélectives. L’exemple le plus frappant est celui des classes préparatoires aux grandes écoles, qui recrutent les meilleurs élèves de filières le plus souvent générales. Ce sont des études généralistes qui préparent à des concours d’entrée dans les grandes écoles et donc à des études longues: écoles de commerce, écoles d’ingénieurs, IEP… Les étudiants qui sortent de ces formations postulent à des postes de cadres dirigeants. Inversement, les sections de techniciens supérieurs accueillent proportionnellement plus d’enfants d’ouvriers ou d’employés que d’enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures. Ces sections, préparant au diplôme du BTS, recrutent des élèves issus de bacs professionnels et technologiques en priorité. Ce sont des études de deux ans, professionnalisantes, qui s’accompagnent de stages et peuvent se faire en alternance. Elles débouchent en général sur des emplois de professions intermédiaires. (Document 5)
Ainsi, même si l’école s’est massifiée, en donnant accès aux études à une part de plus en plus large de la population, elle ne s’est pas complètement démocratisée : les enfants n’ont pas tous les mêmes chances d’accéder au baccalauréat ou à l’enseignement supérieur et lorsqu’ils y ont accès, leur choix de filière est conditionné par leur origine sociale.
De nombreux sociologues se sont penchés sur ces inégalités scolaires selon l’origine sociale pour les expliquer.
Ces inégalités scolaires peuvent s’expliquer par des inégalités de dotation en capital culturel…
Dans Les Héritiers (1964) et La reproduction (1970), Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron expliquent que les enfants de milieu supérieur sont fortement dotés en capital culturel, ce qui facilite leur compréhension des attentes de l’école et leurs apprentissages scolaires. Le capital culturel est l’ensemble des ressources culturelles (savoirs, savoir-faire ou compétences, maîtrise de la langue et des arts) détenus par un individu et qu’il peut mobiliser. Il est transmis par les parents à leurs enfants. Par exemple, les parents de milieu supérieur organisent des sorties culturelles (musée, théâtre) et utiliser un type de langage qui est valorisé par l’école. L’école, s’adresse à tous les enfants avec les codes culturels des milieux supérieurs (langage, référence à des œuvres d’art ou des œuvres littéraires…) et valorise ainsi les enfants issus de milieux favorisés (Document 6).
… et par des stratégies familiales différentes selon le milieu social.
Selon Raymond Boudon, les inégalités scolaires s’expliquent par des différences de stratégies scolaires des familles. Pour guider leurs enfants dans leurs choix d’orientation, les familles font des calculs coûts-avantages. Par exemple, pour décider de la poursuite d’études longues, les familles vont comparer les coûts liés aux frais d’inscription, au logement ou encore au retardement de l’entrée dans la vie active, aux avantages en termes de salaires et de facilités d’insertion sur le marché du travail. Or, l’estimation de ces coûts et de ces avantages dépend du propre vécu scolaire et professionnel des parents : les parents peu diplômés et peu qualifiés auront tendance à surestimer les coûts des études longues et à en sous-estimer les avantages. C’est le processus inverse pour les parents de milieu supérieur. De plus, chaque parent se réfère à sa propre position sociale pour envisager celle de son enfant. Devenir instituteur pour une enfant d’ouvrier est considéré par sa famille comme une réussite sociale alors que ce peut être considéré comme un échec dans les familles de milieu supérieur. Les familles de milieu modeste auront donc tendance à orienter leurs enfants vers des études plus courtes que les familles de milieu supérieur (Document 7).
Toutefois, des parcours scolaires improbables existent.
Depuis quelques décennies, de nombreuses études sociologiques se penchent sur des parcours scolaires qualifiés d’improbables ou d’atypiques, parce qu’ils ne correspondent pas aux tendances tirées des statistiques. Ces études s’intéressent ainsi aux parcours scolaires brillants d’enfants de milieu populaire, ou au contraire à l’échec scolaire des enfants de classe supérieure. Ils montrent le rôle déterminant joué par les conseils d’orientation des professeurs ou de l’entourage (Document 8) mais aussi par les croyances de l’élève dans ses capacités ou encore son engagement de réussite auprès de ses parents et ses enseignants.