Question 4. L’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale

Sommaire

1. les différents instruments des pouvoirs publics pour assurer la justice sociale

1.1. La mise en œuvre d’un système redistributif

Les pouvoirs publics sont chargés d’endiguer les inégalités économiques et sociales, tout d’abord en mettant en œuvre un système de redistribution. Ce système redistributif permet de réduire fortement les inégalités économiques (document 1). On distingue deux types de redistribution à l’œuvre dans le système redistributif français :

- La redistribution verticale répond à une logique d’assistance : l’objectif est de porter assistance aux personnes les moins bien dotées financièrement et les plus fragiles, en leur versant un revenu de transfert, sous forme d’allocations et indemnités, ou en nature (gratuité des transports pour les personnes en recherche d’emploi par exemple). Les pouvoirs publics peuvent alors utiliser le levier de la fiscalité, à savoir l’ensemble des règlementations fixées par les pouvoirs publics en matière d’imposition. (document 1).

- La redistribution horizontale répond, quant à elle, à une logique d’assurance : il s’agit de permettre aux personnes qui ont cotisé d’être couvertes en cas de risque social. Dans le système de protection sociale français, il existe six catégories de prestations, qui correspondent à six « risques sociaux » (document 2).

1.2. La prise en charge des services collectifs

Les services collectifs désignent l’ensemble des services non marchands, fournis à titre gratuit ou quasi-gratuit par les administrations publiques, et financés par les prélèvements obligatoires. Les individus, quelles que soient leurs ressources, ont ainsi accès à des services qu’ils ne pourraient pas prendre en charge à titre individuel. Par exemple, le financement du système éducatif par les pouvoirs publics (l’État, les collectivités territoriales et d’autres administrations publiques comme la CAF) permet de rendre l’école accessible à tous (document 3).

1.3. La lutte contre les discriminations

Une discrimination est une inégalité de traitement entraînant des préjudices subis par les individus en raison d’une caractéristique sociale, ethnique, sexuelle, religieuse, etc. Dans une logique d’égalité des chances, l’action des pouvoirs publics vise désormais de plus en plus à lutter contre les discriminations, afin d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances de réussite. Le Défenseur des droits est une institution chargée de lutter contre les discriminations en France (document 4).

2. les contraintes et limites de l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale

2.1. L’action des pouvoirs publics s’exerce sous contrainte de financement

L’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale est aujourd’hui remise en cause en raison de son coût de plus en plus important. Le système de protection sociale, mis en place après la seconde guerre mondiale dans un contexte de plein emploi, doit aujourd’hui faire face à des enjeux nouveaux : montée du chômage, vieillissement de la population et allongement de l’espérance de vie, précarisation croissante des emplois peu ou pas qualifiés, montée des familles monoparentales, particulièrement exposées à la pauvreté, augmentation des maladies chroniques dont la prise en charge peut être extrêmement coûteuse… (document 5).

2.2. L’efficacité de l’action des pouvoirs publics est parfois remise en cause

Certaines prestations sociales sont critiquées pour leur manque d’efficacité, en raison de leur caractère désincitatif. L’importance des indemnités versées aux personnes en recherche d’emploi en France est notamment accusée d’être à l’origine d’un phénomène de trappe à inactivité, les bénéficiaires de ces prestations n’étant pas incités à retrouver un emploi (document 6).

L’efficacité de l’action de l’État pour réduire les inégalités est également remise en cause, dans la mesure où le financement de services publics ne conduit pas toujours à une diminution des inégalités économiques et sociales. L’école publique est à ce titre critiquée pour ses difficultés à assurer l’égalité des chances, c’est-à-dire à permettre à chacun d’accéder aux études de son choix selon son mérite et ses efforts (document 8).

2.3. Les débats sur la légitimité de l’impôt

Si au moment de sa mise en place au début du XXème siècle, l’impôt progressif était largement accepté, le consentement à l’impôt est de plus en plus fragilisé. Le poids important des recettes fiscales, qui est une spécificité française, peut devenir « trop » important et être de moins en moins accepté, phénomène illustré par la courbe de Laffer selon laquelle « trop d’impôt tue l’impôt ». En 2018 en France, le poids des recettes fiscales s’élève ainsi à 46,1% du PIB, ce qui place la France au premier rang des pays de l’OCDE (document 7).

Document 1 : L’effet des mécanismes de redistribution sur les niveaux de vie mensuels pour les plus riches et les plus pauvres

Facile

Questions :

1. Relevez, dans ce document, les impôts, les cotisations sociales, les prestations sociales. En quoi consiste la redistribution ?

2. Calculez le rapport interdécile des niveaux de vie avant et après redistribution.

3. Que pouvez-vous en conclure concernant l’effet de la redistribution sur les inégalités ?

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1. Relevez, dans ce document, les impôts, les cotisations sociales, les prestations sociales. En quoi consiste la redistribution ?

 

La redistribution s’organise par le prélèvement d’impôts et de cotisations sociales sur les revenus primaires, pour ensuite verser des prestations sociales. Ceux qui possèdent le plus sont prélevés davantage (principe de l’impôt progressif) et les transferts monétaires sont réalisés en priorité à destination de ceux qui gagnent le moins.

2. Calculez le rapport interdécile des niveaux de vie avant et après redistribution.

Le rapport interdécile est le rapport entre le neuvième décile (niveau de vie moyen des 10% les plus riches) et le premier décile (niveau de vie moyen des 10% les plus pauvres).

Avant redistribution : 5 939 / 281 = 21,1. Avant redistribution, le revenu moyen des 10% les plus riches est 21 fois plus élevé que le revenu moyen des 10% les plus pauvres.

Après redistribution : 4 666 / 821 = 5,7. Après redistribution, le revenu moyen des 10% les plus riches est 6 fois plus élevé que le revenu moyen des 10% les plus pauvres.

3. Que pouvez-vous en conclure concernant l’effet de la redistribution sur les inégalités ?

La redistribution désigne l’ensemble des transferts monétaires ou en nature (services collectifs par exemple) effectués par l'État ou la Sécurité sociale vers certains ménages, et financés par des prélèvements sur les revenus de certains ménages (fiscalité et cotisations sociales). L'objectif de cette redistribution est d'atteindre davantage de justice sociale en réduisant les inégalités de revenus entre les ménages.

Document 2 : L’évolution des prestations de protection sociale en France

Facile

Questions :

1. Quelles sont les six catégories de prestations sociales présentées dans ce document ? Donnez, pour chaque catégorie, un exemple de prestation sociale.

2. Faites une phrase pour chacune des données entourées. Calculez ensuite l’évolution, en %, entre ces deux données.

3. Calculez la part, en %, des prestations de la catégorie « vieillesse-survie », et des prestations de la catégorie « pauvreté-exclusion sociale », sur l’ensemble des prestations versées en 2016 en France.

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1. Quelles sont les six catégories de prestations sociales présentées dans ce document ? Donnez, pour chaque catégorie, un exemple de prestation sociale.

Les prestations sociales désignent toutes les prestations en espèces (revenu de transfert) ou en nature (remboursement de médicaments, de soins…) que les institutions de protection sociale versent à leurs bénéficiaires. Il existe six catégories de prestations, qui correspondent à six « risques sociaux » :

  • La branche « santé » : remboursement des soins, de certains médicaments, indemnités journalières de la Sécurité sociale, etc. ;

  • La branche « vieillesse-survie » : pensions de retraite, allocation personnalisée d'autonomie, etc. ;

  • La branche « famille » : allocations familiales, indemnités journalières pour maternité, etc. ;

  • La branche « emploi » : indemnisation du chômage, aides à la réadaptation et la réinsertion professionnelle, préretraites, etc. ;

  • La branche « logement » : aide personnalisée au logement,

  • La branche « pauvreté - exclusion sociale » : revenu de solidarité active.

2. Faites une phrase pour chacune des données entourées. Calculez ensuite l’évolution, en %, entre ces deux données.

En 2012, le montant des prestations sociales de la branche « vieillesse-survie » s’élève à 299 milliards d’euros. Il s’élève à 325,3 milliards d’euros en 2016, soit une augmentation de 8,8% en quatre ans.

(Calcul : (325,3-299)/299*100)

3. Calculez la part, en %, des prestations de la catégorie « vieillesse-survie », et des prestations de la catégorie « pauvreté-exclusion sociale », sur l’ensemble des prestations versées en 2016 en France.

325,3/714,5*100=45,5%

Les prestations de la branche « vieillesse » représentent 45,5% du total des prestations sociales versées en 2016.

21,9/714,5*100=3,1%

Les prestations de la branche « exclusion » représentent 3,1% du total des prestations sociales versées en 2016.

Document 3 : Un exemple de service collectif : le financement de l’éducation

Facile

En 2018, la dépense intérieure d’éducation est estimée à 157,2 milliards d’euros, soit 6,7 % de la richesse nationale (PIB). […] L’État participe de manière prépondérante au financement de la dépense intérieure d’éducation, à hauteur de 57,4 % en 2018 […]. Il supporte l’essentiel des charges de personnel qui représentent les trois quarts des dépenses. Les collectivités territoriales financent 23,4 % de la dépense intérieure d’éducation, les entreprises 8,5 %, les ménages, quant à eux, participent à hauteur de 7,8 %. Enfin, les autres administrations publiques, notamment la CAF qui verse l’allocation de rentrée scolaire (ARS), financent les 2,9 % restants […]. La dépense moyenne est de 6 820 euros pour un élève du premier degré, 9 930 euros pour un élève du second degré et 11 470 euros pour un étudiant.

Source : L’état de l’école 2019, Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse

Questions :

1. Retrouvez, dans le document, les différentes institutions qui financent le système éducatif en France.

2. Expliquez en quoi le financement de ce service collectif participe à la réduction des inégalité

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1. Quelles sont les six catégories de prestations sociales présentées dans ce document ? Donnez, pour chaque catégorie, un exemple de prestation sociale.

Les prestations sociales désignent toutes les prestations en espèces (revenu de transfert) ou en nature (remboursement de médicaments, de soins…) que les institutions de protection sociale versent à leurs bénéficiaires. Il existe six catégories de prestations, qui correspondent à six « risques sociaux » :

  • La branche « santé » : remboursement des soins, de certains médicaments, indemnités journalières de la Sécurité sociale, etc. ;

  • La branche « vieillesse-survie » : pensions de retraite, allocation personnalisée d'autonomie, etc. ;

  • La branche « famille » : allocations familiales, indemnités journalières pour maternité, etc. ;

  • La branche « emploi » : indemnisation du chômage, aides à la réadaptation et la réinsertion professionnelle, préretraites, etc. ;

  • La branche « logement » : aide personnalisée au logement,

  • La branche « pauvreté - exclusion sociale » : revenu de solidarité active.

2. Faites une phrase pour chacune des données entourées. Calculez ensuite l’évolution, en %, entre ces deux données.

En 2012, le montant des prestations sociales de la branche « vieillesse-survie » s’élève à 299 milliards d’euros. Il s’élève à 325,3 milliards d’euros en 2016, soit une augmentation de 8,8% en quatre ans.

(Calcul : (325,3-299)/299*100)

3. Calculez la part, en %, des prestations de la catégorie « vieillesse-survie », et des prestations de la catégorie « pauvreté-exclusion sociale », sur l’ensemble des prestations versées en 2016 en France.

325,3/714,5*100=45,5%

Les prestations de la branche « vieillesse » représentent 45,5% du total des prestations sociales versées en 2016.

21,9/714,5*100=3,1%

Les prestations de la branche « exclusion » représentent 3,1% du total des prestations sociales versées en 2016.1. Retrouvez, dans le document, les différentes institutions qui financent le système éducatif en France.

Le système éducatif en France est en très grande majorité financé par les pouvoirs publics : l’État finance en majorité l’école ; les collectivités territoriales (mairies pour les écoles primaires, départements pour les collèges, régions pour les lycées) participent également à son financement ; d’autres administrations publiques comme la CAF y contribuent également. Les ménages et entreprises financent aussi en partie l’école.

2. Expliquez en quoi le financement de ce service collectif participe à la réduction des inégalités.

L’école peut permettre de réduire les inégalités économiques entre les familles, qui ne paient pas les frais de scolarité (9 930 euros par an pour un lycéen en 2018 !). Elle permet aussi de réduire les inégalités sociales, en permettant aux jeunes d’accéder à des diplômes : on parle d’égalité des chances.

Document 4 : La lutte contre les discriminations

Facile

La responsable du service de l’adoption de Seine-Maritime a été suspendue de ses fonctions à titre conservatoire, mercredi 20 juin, après ses propos concernant les couples homosexuels candidats à l’adoption.

Le parquet de Rouen a annoncé jeudi l’ouverture d’une enquête préliminaire pour discrimination « à la suite de la plainte déposée », mardi, par l’Association des familles homoparentales (ADFH), a précisé le procureur de la République de Rouen, Pascal Prache. Selon l’ADFH, la plainte vise la responsable.

Dans un entretien accordé à France Bleu Normandie, diffusé lundi, Pascale Lemare déclarait que ces couples « eux-mêmes (…) un peu atypiques par rapport à la norme sociale mais aussi la norme biologique » devaient accepter « des profils d’enfants atypiques », c’est-à-dire « ceux dont personne ne veut, parce qu’ils sont trop cassés, trop perturbés psychologiquement, trop grands, handicapés ».

Ces déclarations ont suscité un tollé. La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a [rappelé] que la loi sur le mariage entre couples de même sexe de mai 2013 garantit une égalité de traitement et que toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle était passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, s’est saisi d’office de l’affaire afin d’enquêter sur les pratiques de ce service.

« Homosexuels candidats à l’adoption : ouverture d’une enquête préliminaire pour discrimination », Le Monde, 21 juin 2018

Questions :

1. Qu’est-ce qu’une discrimination ? Quelle est la discrimination évoquée dans ce document ?

2. Repérez, dans le texte, les différentes procédures enclenchées pour lutter contre cette discrimination.

3. Quel est le rôle du Défenseur des droits ?

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1. Qu’est-ce qu’une discrimination ? Quelle est la discrimination évoquée dans ce document ?

Une discrimination est une inégalité de traitement entre individus, fondée sur un critère illégitime : la religion, l’apparence physique, un handicap, l’orientation sexuelle, le lieu d’habitation, le sexe, l’ethnie… Le manque d’accès aux droits par certains citoyens est une forme de discrimination. Ce document dénonce une discrimination de la part du service d’adoption de Seine Maritime à l’égard des couples homosexuels souhaitant adopter.

2. Repérez, dans le texte, les différentes procédures enclenchées pour lutter contre cette discrimination.

- L’association des familles homoparentales a porté plainte,

- La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a rappelé que la loi adoptée en 2013 garantissait une égalité de traitement entre couples mariés homosexuels et hétérosexuels ;

- Le défenseur des droits s’est saisi d’office.

3. Quel est le rôle du Défenseur des droits ?

Le Défenseur des droits est une institution indépendante de l'État, créée en 2011. Le Défenseur des droits doit défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et permettre l'égalité de tous et toutes dans l'accès aux droits. Cette mission passe par la lutte contre les discriminations. Dans cette mesure, le défenseur des droits peut être saisi par toute personne qui pense qu’elle est discriminée, ou se saisir d’office, comme c’est le cas dans la situation évoquée dans ce document.

Document 5. Les dépenses de la branche maladie de la Sécurité sociale sous contraintes

Facile

Questions :

1) Faites une phrase avec les données chiffrées pour l’année 2018.

2) De quoi sont composées les recettes de la branche maladie de la Sécurité sociale ?

3) De quoi sont composées les dépenses de la branche maladie de la Sécurité sociale ?

4) Pour quelles raisons ces dépenses se font-elles « sous contraintes » ?

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1. Faites une phrase avec les données chiffrées pour l’année 2018.

En 2018, les dépenses d’assurance maladie ont augmenté de 2,2%, et la branche maladie de la Sécurité sociale connaît un déficit de 0,7 milliards d’euros courants.

2. De quoi sont composées les recettes de la branche maladie de la Sécurité sociale ?

La branche santé de la Sécurité sociale est principalement financée par des cotisations sociales salariales et patronales.

3. De quoi sont composées les dépenses de la branche maladie de la Sécurité sociale ?

La branche santé de la Sécurité sociale prend en charge le remboursement des médicaments et des visites de santé, les frais de fonctionnement des établissements de santé, les transports sanitaires, les honoraires des professionnels de santé libéraux…

4. Pour quelles raisons ces dépenses se font-elles « sous contraintes » ?

Les dépenses de santé sont réalisées sous contraintes car si elles sont supérieures aux recettes collectées, cela entraîne un déficit : le solde de la branche maladie est alors négatif.

Document 6 : L’action des pouvoirs publics a-t-elle un effet désincitatif ?

Facile

Les politiques de restriction des indemnités chômage se fondent sur le cadre théorique néoclassique. Les modèles de recherche d’emploi prédisent que l’accroissement des indemnités chômage réduit le gain relatif apporté par la reprise d’emploi (elle augmente le salaire de réservation des chômeurs) et tend ainsi à augmenter la durée du chômage. […]

D’autres mécanismes économiques peuvent toutefois expliquer un moindre impact d’une meilleure indemnisation sur le niveau de chômage, voire un impact positif. Le système d’assurance chômage évite des pertes de revenus trop importantes lors des épisodes de chômage et peut constituer par là un outil keynésien de soutien de la demande intérieure en période de récession. C’est notamment ce qui a été fait aux États-Unis après la crise de 2008 via l’allongement temporaire de la durée maximale d’indemnisation. Dans une autre logique, on peut considérer que ces allocations sont la clé d’un appariement de qualité sur le marché du travail : elles laissent le temps au chômeur de trouver le « bon » emploi, ouvrant la voie à des relations d’emploi plus stables et à forte productivité. Elles favoriseraient alors le développement du segment primaire du marché du travail.

Source : Économie du travail et de l’emploi, Bernard Gazier et Héloïse Petit, 2019

1. Expliquez le principe des mesures dites « actives » et « passives » des politiques de l’emploi.

2. Pour quelle raison les indemnités chômage peuvent-elles avoir un effet désincitatif ?

3. Retrouvez, dans le texte, les arguments en faveur d’une meilleure indemnisation du chômage.

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1. Expliquez le principe des mesures dites « actives » et « passives » des politiques de l’emploi.

Les mesures « actives » concernent les politiques de retour vers l’emploi, qui consistent à proposer aux personnes en recherche d’emploi des formations, des stages, des offres d’emploi pour lesquelles postuler… Les mesures « passives », quant à elles, concernent le versement d’indemnités pour compenser la perte de salaire subie par les personnes en recherche d’emploi.

2. Pour quelle raison les indemnités chômage peuvent-elles avoir un effet désincitatif ?

Selon la théorie néoclassique, un individu en recherche d’emploi effectue un calcul rationnel entre la perte d’utilité que constitue le travail, et le gain d’utilité apporté par le salaire. Si les indemnités chômage perçues sont supérieures au gain potentiel de la reprise d’emploi, alors l’individu préfère rester en-dehors du marché du travail. Le chômage ne peut donc être que volontaire, et le versement d’indemnités crée un phénomène de «trappe à inactivité », à savoir un mécanisme par lequel l’individu n’est pas incité financièrement à entrer sur le marché du travail, l’écart entre le salaire potentiel et les indemnités perçues étant trop faible.

3. Retrouvez, dans le texte, les arguments en faveur d’une meilleure indemnisation du chômage.

Les indemnités versées peuvent soutenir la consommation en cas de récession économique, et limiter l’impact négatif de la hausse du chômage. Elles permettent aussi aux personnes en recherche d’emploi de prendre le temps de trouver l’emploi qui leur correspond au mieux, et donc d’améliorer la productivité des travailleurs.

Document 7 : Le poids des recettes fiscales en % du PIB en 2018

Facile

Questions :

1. Faites une phrase avec la donnée entourée.

2. Comparez les taux de pression fiscale pour la France et les États-Unis.

3. Quel est, selon vous, le taux de pression fiscale le plus juste entre ces deux pays ? Justifiez.

4. Selon vous, quelles peuvent être les limites d’une pression fiscale trop importante ?

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1. Faites une phrase avec la donnée entourée.

En 2018 en France, le poids des recettes fiscales dans le PIB s’élève à 46,1%.

2. Comparez les taux de pression fiscale pour la France et les États-Unis.

Le poids des recettes fiscales est de 24,3% du PIB aux États-Unis, contre 46,1% du PIB en France, soit une différence de 21,8 points. Le poids des recettes fiscales est presque deux fois plus important en France.

3. Quel est, selon vous, le taux de pression fiscale le plus juste entre ces deux pays ? Justifiez.

D’une part, le taux de pression fiscale des États-Unis peut sembler préférable, dans la mesure où l’État intervient relativement peu pour prélever des impôts et cotisations sociales sur les revenus des agents économiques. Ce modèle peut sembler juste car les individus voient leurs efforts et leur mérite récompensés (logique d’égalité des chances).

D’autre part, le taux de pression fiscale exercé en France permet à l’État d’utiliser ses recettes fiscales pour créer davantage de services publics, assurer une redistribution en versant des prestations sociales, renforcer le système protection sociale… Ce modèle peut être considéré comme plus juste car il permet de réduire les inégalités économiques et sociales entre les individus (logique d’égalité des situations).

4. Selon vous, quelles peuvent être les limites d’une pression fiscale trop importante ?

Une pression fiscale trop importante peut nuire à l’efficacité économique car les cotisations sociales augmentent le coût du travail, et les impôts sur la production peuvent se répercuter sur les prix et rendre les entreprises moins compétitives à l’international. Une trop forte pression fiscale peut également entraîner une hausse de l’exil fiscal, du travail non déclaré, ou encore de la fraude fiscale (« trop d’impôt tue l’impôt », selon la courbe de Laffer). Il est donc nécessaire de conserver un niveau d’imposition qui soit consenti et jugé légitime par les individus.

Document 8 : L’école Polytechnique épinglée par la Cour des comptes pour la faible diversité de son recrutement

Facile

L’École polytechnique a été créée en 1794, sous le nom d’École centrale des travaux publics, en vue de former les ingénieurs et cadres supérieurs dont la Nation avait alors un besoin urgent. L’École polytechnique est restée une école singulière, placée sous la tutelle du ministère des armées, dont les élèves ingénieurs français servent sous statut militaire et sont rémunérés à ce titre. Son excellence tient largement à la sélectivité du concours d’entrée et à la qualité de son corps professoral. [..]

Les statistiques font apparaître un recrutement très peu diversifié des élèves français du cycle ingénieur tant en termes de genre que d’origine sociale. La proportion de jeunes filles françaises entrantes stagne depuis dix ans (21,9 % en 2018, mais 17,9 % en 2019, soit quasiment au niveau constaté en 2009, de 17,3 %). Elle est comparable à celle constatée à Centrale Supelec (19 %) mais reste encore bien inférieure à la moyenne constatée dans les écoles d’ingénieurs (27,2 % en 2017-2018). Le recrutement est par ailleurs excessivement concentré parmi les enfants de familles de « cadres et professions intellectuelles supérieures » au sens de l’Insee (73 % des admis au concours 2019). La proportion de boursiers (11,4 % pour la promotion 2019) a baissé au cours des dernières années (16,8 % en 2011). Cette proportion est plus faible que celle observée en moyenne dans les écoles d’ingénieurs (26 %), ou dans les classes préparatoires aux grandes écoles (28,8 %). De surcroît, au sein de la voie d’accès des classes préparatoires, qui est majoritaire, une très forte concentration est constatée : 55 % des admis en 2019 viennent de cinq classes préparatoires de la région parisienne, dont deux sont privées et payantes.

Source : rapport annuel de la Cour des comptes 2020

1. Que reproche la Cour des comptes à l’école Polytechnique ?

2. Expliquez en quoi ce constat montre les limites de l’école publique pour réduire efficacement les inégalités.

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L’École polytechnique a été créée en 1794, sous le nom d’École centrale des travaux publics, en vue de former les ingénieurs et cadres supérieurs dont la Nation avait alors un besoin urgent. L’École polytechnique est restée une école singulière, placée sous la tutelle du ministère des armées, dont les élèves ingénieurs français servent sous statut militaire et sont rémunérés à ce titre. Son excellence tient largement à la sélectivité du concours d’entrée et à la qualité de son corps professoral. [..]

Les statistiques font apparaître un recrutement très peu diversifié des élèves français du cycle ingénieur tant en termes de genre que d’origine sociale. La proportion de jeunes filles françaises entrantes stagne depuis dix ans (21,9 % en 2018, mais 17,9 % en 2019, soit quasiment au niveau constaté en 2009, de 17,3 %). Elle est comparable à celle constatée à Centrale Supelec (19 %) mais reste encore bien inférieure à la moyenne constatée dans les écoles d’ingénieurs (27,2 % en 2017-2018). Le recrutement est par ailleurs excessivement concentré parmi les enfants de familles de « cadres et professions intellectuelles supérieures » au sens de l’Insee (73 % des admis au concours 2019). La proportion de boursiers (11,4 % pour la promotion 2019) a baissé au cours des dernières années (16,8 % en 2011). Cette proportion est plus faible que celle observée en moyenne dans les écoles d’ingénieurs (26 %), ou dans les classes préparatoires aux grandes écoles (28,8 %). De surcroît, au sein de la voie d’accès des classes préparatoires, qui est majoritaire, une très forte concentration est constatée : 55 % des admis en 2019 viennent de cinq classes préparatoires de la région parisienne, dont deux sont privées et payantes.

Source : rapport annuel de la Cour des comptes 2020

1. Que reproche la Cour des comptes à l’école Polytechnique ?

La Cour des comptes reproche à l’école Polytechnique un recrutement peu diversifié : les étudiants admis au concours d’entrée à Polytechnique ont, pour une large majorité d’entre eux, une origine sociale très favorisée ; ils sont majoritairement des garçons ; enfin les étudiants admis au concours viennent pour la plupart d’entre eux des mêmes lycées de région parisienne.

2. Expliquez en quoi ce constat montre les limites de l’école publique pour réduire efficacement les inégalités.

L’objectif de l’école est d’assurer l’égalité des chances, c’est-à-dire de permettre à chacun d’accéder aux études de son choix selon son mérite et ses efforts. Pourtant, les inégalités sociales sont renforcées à l’école, puisque les plus favorisés ont davantage accès aux filières les plus sélectives et prestigieuses.

Exercice 1 (*) : Les prestations sociales présentées ci-dessous relèvent-elles d’une logique d’assistance ou d’une logique d’assurance ?

Facile

 

- La prime d’activité : …………………………………………………………………… ;

- La pension de retraite : …………………………………………………………………… ;

- Les indemnités de maternité : …………………………………………………………………… ;

- L’allocation adulte handicapé : …………………………………………………………………… .

Voir la correction

- La prime d’activité : logique d’assistance ;

- La pension de retraite : logique d’assurance ;

- Les indemnités de maternité : logique d’assurance ;

- L’allocation adulte handicapé : logique d’assistance.

Exercice 2 (**) : Les affirmations suivantes sont-elles vraies ou fausses ? Justifiez votre réponse.

Facile

1 – Un niveau d’imposition trop élevé peut diminuer les recettes publiques.

Vrai : selon la courbe de Laffer selon laquelle « trop d’impôt tue l’impôt », un niveau d’imposition trop élevé peut conduire à une hausse de l’exil fiscal, de la fraude fiscale, et avoir un effet désincitatif sur l’emploi et la production, ce qui équivaut à une baisse des recettes fiscales pour les pouvoirs publics.

2 – Les politiques de discrimination positive sont mises en œuvre à travers un principe d’égalité de traitement entre les individus.

Faux : la lutte contre les discriminations vise à garantir davantage d’équité entre les individus. Le principe d’équité légitime un traitement inégalitaire des individus, dès lors que ce traitement corrige les inégalités de situation initialement constatées.

3 – La restauration scolaire et la restauration dans un fast-food dont des exemples de services collectifs.

Faux : les services collectifs désignent l’ensemble des services non marchands, fournis à titre gratuit ou quasi-gratuit par les administrations publiques, et financés par les prélèvements obligatoires. La restauration scolaire est donc bien un service collectif, mais pas la restauration dans un fast-food.

Voir la correction

1 – Un niveau d’imposition trop élevé peut diminuer les recettes publiques.

2 – Les politiques de discrimination positive sont mises en œuvre à travers un principe d’égalité de traitement entre les individus.

3 – La restauration scolaire et la restauration dans un fast-food dont des exemples de services collectifs.

Exercice 3 (***) : Élaborez trois arguments pour défendre, à l’oral, l’un des points de vue suivants face à votre adversaire :

Facile

- Point de vue n°1 : L’école permet de réduire les inégalités

  • Argument n°1 : …………………………………………………………………… 

  • Argument n°2 : …………………………………………………………………… 

  • Argument n°3 : …………………………………………………………………… 

- Point de vue n°2 : L’école échoue à réduire les inégalités.

  • Argument n°1 : …………………………………………………………………… 

  • Argument n°2 : …………………………………………………………………… 

  • Argument n°3 : …………………………………………………………………… 

Voir la correction

- Point de vue n°1 : L’école permet de réduire les inégalités

  • Argument n°1 : l’école permet d’assurer l’égalité des chances, car le diplôme permet de récompenser les individus méritants.

  • Argument n°2 : l’école permet de réduire les inégalités économiques, car l’enseignement est gratuit.

  • Argument n°3 : l’école permet de réduire les inégalités sociales, en permettant à tous les enfants un accès au savoir et à la culture.

- Point de vue n°2 : L’école échoue à réduire les inégalités.

  • Argument n°1 : l’école, sous couvert d’assurer l’égalité des chances, reproduit en réalité les inégalités de situation, car les élèves issus de milieux favorisés accèdent aux filières les plus sélectives.

  • Argument n°2 : l’école échoue à lutter contre les discriminations, car les établissements REP sont stigmatisés et les familles des classes moyennes les évitent, ce qui renforce les inégalités.

  • Argument n°3 : l’école ne permet qu’un accès limité à la culture, accès insuffisant pour pallier les inégalités sociales entre les enfants.

Entraînement au baccalauréat

Facile

Sujet : Quelles inégalités sont acceptées par les différentes conceptions de la justice sociale ?

 

DOCUMENT 1 :

Il existe un profond désaccord sur la manière de réaliser le mieux possible les valeurs de la liberté et de l’égalité dans la structure de base de la société. Pour simplifier, disons que ce conflit, intérieur à la tradition de la pensée démocratique elle-même, est celui qui existe entre la tradition de Locke qui donne plus d’importance à ce que Benjamin Constant appelle « la liberté des modernes », c’est-à-dire la liberté de pensée et de conscience, certains droits de base de la personne et de propriété, et celle de Rousseau qui met l’accent sur « les libertés des anciens », c’est-à-dire l’égalité des libertés politiques et les valeurs de la vie publique. Ce contraste est, bien entendu, grossier et historiquement inexact, mais il peut servir à fixer les idées.

 

La théorie de la justice comme équité essaie d’arbitrer entre ces traditions concurrentes, tout d’abord en proposant deux principes de justice pour servir de guides dans la réalisation par les institutions de base des valeurs de la liberté et de l’égalité, et ensuite en définissant un point de vue d’après lequel ces principes apparaissent plus appropriés que d’autres à la nature des citoyens d’une démocratie, si on les considère comme des personnes libres et égales. [...] Ces deux principes de justice s’énoncent donc de la façon suivante :

 

1. Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés et de droits de base égaux pour tous, compatible avec un même système pour tous.

 

2. Les inégalités sociales et économiques doivent remplir deux conditions : en premier lieu, elles doivent être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous dans des conditions de juste (fair) égalité des chances ; et, en second lieu, elles doivent être au plus grand avantage des membres les plus défavorisés de la société.

« La théorie de la justice comme équité : une théorie politique et non pas métaphysique », John Rawls, Individu et justice sociale (1988)

 

Document 2 :

Dans leur engagement au service de la liberté, les libertariens se veulent plus radicaux que les libéraux, même les plus cohérents. Et cela les amène à adopter des positions habituellement associées à des zones très différentes du spectre des attitudes politiques. D’une part, en effet, les libertariens sont farouchement opposés à toute immixtion1 de l’État dans le fonctionnement du marché, qui n’est à leurs yeux que l’interaction complexe de transactions volontaires entre individus libres. L’impôt, Pour eux, est du vol pur et simple, et le fait d’être perpétré par l’État, bien loin de le légitimer, en accroît encore le caractère criminel. D’autre part, cependant, les libertariens sont aussi parmi les plus véhéments défenseurs de la liberté de parole, de la liberté d’assemblée, de la liberté de presse. Ils s’opposent radicalement au service militaire (ou civil) obligatoire, dans lequel ils ne voient qu’esclavage institutionnalisé. Et ils étaient parmi les adversaires les plus inconditionnels de la guerre du Vietnam car il n’y a pas pour eux d’exercice plus vil de la violence étatique qu’une guerre impérialiste menant à l’extermination de milliers d’innocents. […]

 

La coordination économique d’une société complexe — qu’il s’agisse de l’ajustement du contenu de la production aux besoins de la population ou de l’ajustement des techniques de production à la rareté relative des divers facteurs — peut […] être assurée par le marché d’une manière qui n’est certes pas parfaite mais qui, tout en ne violant pas la liberté des individus, est au moins aussi efficace que la coordination étatique. Certes, la régulation par le marché conduit inévitablement à des disparités considérables de revenus. Mais les libertariens ne s’en émeuvent pas. Ce qui, pour eux, détermine la justice ou l’injustice d’une distribution particulière des revenus n’a rien à voir avec sa proximité par rapport à telle ou telle structure idéale préétablie — par exemple égalitaire. Ce qui compte, seul, c’est si la distribution observée est le produit de transactions volontaires, non contraintes, entre individus ayant chacun un droit égal de disposer librement de son propre corps et de sa propriété légitimement acquise.

Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste ? (1991)

 

Document 3 :

L’utilitarisme de Jeremy Bentham, inspiré de Hume, de Beccaria et d’Helvétius, est une philosophie du siècle des Lumières, le siècle de la réhabilitation du bonheur, et elle repose sur une idée simple : tout être sensible cherche à éviter le plus possible la douleur et à ressentir le plus possible de bien-être. En conséquence (croit Bentham, alors que cela ne va pas de soi), une société juste ou bonne sera une société qui maximise la quantité totale, la somme algébrique du bien-être (les plaisirs moins les peines), ou encore de « l’utilité » sociale. […]

Les problèmes auxquels la théorie utilitariste doit répondre sont cependant nombreux. […] Il autorise que la souffrance de l’un puisse être compensée par l’augmentation de satisfaction de tels ou tels autres […]. Autant il paraît individuellement rationnel de « sacrifier » un moment de son temps au motif d’un espoir de plus grande satisfaction (ou de moindre souffrance) dans l’avenir, autant il est moralement imprudent de généraliser ce principe au niveau collectif : il n’est guère intuitivement évident que l’on puisse « sacrifier » un individu, un groupe ou une génération pour le bénéfice d’autres individus, groupes ou générations. Chaque individu est une fin en soi, au sens kantien. Selon la formule de Rawls, « l’utilitarisme ne prend pas en compte la différence des personnes ». Il confond l’égalité et la substituabilité, et ne considère qu’un « gros individu » (la collectivité), formé par la fusion des désirs en un seul Sujet. […] Dès lors, il ne paraît pas impossible d’imaginer des situations où l’utilitariste conséquent puisse être amené à accepter le sacrifice de victimes innocentes au profit espéré de l’amélioration plus grande du sort de la collectivité, entendue comme somme des intérêts particuliers. La société utilitariste est capable de « passer par pertes et profits » le destin de tel ou tel de ses membres.

« Une théorie “ non utilitariste” de la justice sociale », Alain Boyer, Mouvements, 2003/3 (no27-28)

 

Document 4 :

Un régime de « zéro mérite » serait-il perçu comme plus juste, serait-il plus agréable à vivre qu’un régime de « tout mérite » ? La question a un sens, car il est possible d’imaginer, comme l’ont fait certains philosophes, des alternatives au règne du mérite. L’une d’elles est l’égalitarisme : on milite pour une égalisation des situations, ce qui est alloué à chacun relevant de sa « simple » humanité ou citoyenneté. L’égalitarisme a fait l’objet de bien des procès, pour son caractère uniformisateur, déresponsabilisant et liberticide notamment, que nous ne saurions reprendre ici. Pour notre propos, il suffit de souligner que défendre l’égalité des dotations (ou des résultats) n’exige pas de nier l’existence d’inégalités entre individus, mais seulement de refuser que ces inégalités se réfléchissent ou déteignent dans tous les domaines de la vie et puissent avoir des conséquences sur ce qui revient in fine aux individus, sur leurs droits donc, ne serait-ce que parce qu’ils doivent leurs talents aux hasards de la naissance. […]

Marie Duru-Bellat, Le mérite contre la justice (2019)

1 Synonyme : intervention

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Sujet : Quelles inégalités sont acceptées par les différentes conceptions de la justice sociale ?

 

Assurer l’égalité des droits entre citoyens et la solidarité collective à travers la mise en œuvre de principes de justice sociale est une prérogative centrale des États dans les sociétés démocratiques contemporaines. On peut définir la justice sociale comme une construction morale et politique fondée sur certains principes de justice acceptés par tous les individus d’une société, construction qui guide ensuite l’action politique. Parmi les principes de justice figure l’égalité sous ses différentes formes : égalité des droits, des situations, des chances. Les différentes conceptions de la justice sociale se distinguent notamment en fonction du degré d’inégalités qu’elles jugent acceptables. Ce sujet nous invite à nous demander quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale.

Certaines conceptions de la justice sociale considèrent que les inégalités de situations sont acceptables (I) ; d’autres conceptions de la justice sociale tentent de corriger, partiellement (II) ou totalement (III), ces inégalités.

 

I. L’utilitarisme et le libertarisme, deux conceptions de la justice sociale qui acceptent les inégalités de situations

L’utilitarisme est une conception de la justice sociale issue d’une doctrine philosophique, fondée par Jeremy Bentham (1748-1832) et qui s’est développée à la fin du XVIIIème siècle. Cette doctrine propose un modèle de justice sociale où le choix le plus juste est celui qui maximise la somme des bonheurs individuels de la société. Selon Alain Boyer, pour les utilitaristes, « une société juste ou bonne sera une société qui maximise la quantité totale, la somme algébrique du bien-être (les plaisirs moins les peines), ou encore de « l’utilité » sociale » (document 3). Or, pour un même niveau de bien-être, plusieurs distributions sont possibles : dans l’absolu, le bien-être collectif peut atteindre son niveau maximal, tout en ne procurant du bien-être qu’à un seul individu. De la même manière, une société peut accepter qu’une minorité soit dans une situation de très grande pauvreté, si la société dans son ensemble est globalement prospère : les utilitaristes sont ainsi prêts à « accepter le sacrifice de victimes innocentes au profit espéré de l’amélioration plus grande du sort de la collectivité, entendue comme somme des intérêts particuliers ». Les inégalités de situation, qui se définissent comme des inégalités de conditions économiques et sociales entre individus, sont donc acceptées par cette conception de la justice sociale.

 

Le libertarisme est une doctrine selon laquelle la justice sociale est fondée sur la liberté absolue de chaque individu de faire ce qu'il veut de sa personne et de sa propriété, à condition de ne pas empiéter sur la liberté des autres. L’intervention de l’État pour assurer la justice sociale est impossible, car, comme le précise l’auteur du document 2, « les libertariens sont farouchement opposés à toute immixtion de l’État dans le fonctionnement du marché ». L’impôt est considéré par les libertariens comme une atteinte à la propriété privée, et dans cette mesure la mise en place d’un système de redistribution par l’État ne permet pas de rendre la société plus juste. Une société juste peut donc, selon la conception libertarienne, être profondément inégalitaire : « ce qui détermine la justice ou l’injustice d’une distribution particulière des revenus n’a rien à voir avec sa proximité par rapport à telle ou telle structure idéale préétablie — par exemple égalitaire. ».

 

II. Pour l’égalitarisme libéral, les inégalités de situation sont acceptées uniquement sous réserve du respect de principes stricts

 

L’égalitarisme libéral est une doctrine développée par John Rawls (1921-2002), dans l’ouvrage Théorie de la justice sociale (1971), afin d’essayer deux concilier deux des principes des sociétés démocratiques souvent considérés comme incompatibles : la liberté et l’égalité.

 

Selon la conception de l’égalitarisme libéral, les inégalités de situation peuvent être acceptées, car le « principe de liberté » est un principe à respecter en priorité pour qu’une société soit considérée comme juste. Il n’est donc pas possible de limiter les libertés individuelles au nom de la lutte contre les inégalités. Ce premier principe est énoncé dans le document 1 : « Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés et de droits de base égaux pour tous, compatible avec un même système pour tous ».

 

Le second principe, dit « principe de différence », permet aussi l’existence d’inégalités de situations, puisqu’il donne la priorité au respect du principe d’égalité des chances sur le principe dit de « maximin », qui pose que certaines inégalités socio-économiques peuvent être tolérées dans une société juste, à condition que ces inégalités puissent permettre d’améliorer le sort des plus démunis. Cette hiérarchie est explicitée dans le document 1 : « Les inégalités sociales et économiques doivent remplir deux conditions : en premier lieu, elles doivent être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous dans des conditions de juste (fair) égalité des chances ; et, en second lieu, elles doivent être au plus grand avantage des membres les plus défavorisés de la société. »

 

III. Les inégalités, sous toutes leurs formes, sont rejetées par l’égalitarisme strict

 

L’égalitarisme strict est une conception de la justice sociale qui recherche une égalité des résultats et des traitements entre les individus. Dans la version « absolue » de l’égalitarisme, tous les individus ont exactement la même situation socio-économique. A un degré moins extrême, l’égalitarisme prône le rapprochement des situations socio-économiques des individus dans la société ; en ce sens, il s’agit d’une conception de la justice sociale qui met l’accent sur l’égalité des situations pour guider les décisions politiques.

 

Si les inégalités de situations sont considérées comme injustes, les inégalités liées aux différences de mérite entre les individus sont également considérées comme injustes. L’égalitarisme strict rejette le principe d’égalité des chances, qui est une illusion permettant de légitimer les inégalités sociales et leur reproduction. Ainsi, l’égalitarisme « milite pour une égalisation des situations, ce qui est alloué à chacun relevant de sa « simple » humanité ou citoyenneté », et non pas « aux hasards de la naissance », comme le précise Marie Duru-Bellat (document 4).

 

En conclusion, les différentes conceptions de la justice sociale ont un même objectif, qui est d’assurer le bien-être des populations. Cet objectif passe par la mise en œuvre de moyens différents, selon les critères de justice retenus. La volonté de limiter les inégalités est un principe que l’on retrouve parmi ces critères de justice, mais sous différents aspects. Pour les libertariens, une société juste assure l’égalité des droits de propriété. Pour les partisans de l’égalitarisme strict, la société est juste à condition d’assurer une égalité réelle des conditions et des niveaux de vie. L’égalitarisme libéral considère qu’il faut avant tout assurer la garantie des libertés individuelles, puis l’égalité des chances, et enfin s’assurer que les inégalités se fassent à l’avantage des plus démunis. Enfin, les utilitaristes considèrent que les inégalités sont tolérées si elles permettent « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ». Il est important de comprendre ces différentes conceptions de la justice sociale, car ce sont elles qui guident l’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale.

 

Entraînement à la dissertation

Facile

sujet : l'action des pouvoirs publics est-elle efficace pour réduire les inégalités ?

Document 1

DOCUMENT 2 :

Pour mesurer l’impact des prélèvements directs et des prestations sociales sur la répartition des richesses, le revenu des ménages est comparé avant et après redistribution monétaire. En 2015, avant redistribution monétaire, le niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus aisées est de 54 790 € par an et par unité de consommation (UC), soit 8,3 fois supérieur au niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus modestes (6 630 € par an et par UC). Après redistribution, ce rapport est de 4,0 : le niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus modestes a augmenté de 69 % et celui des 20 % les plus riches a diminué de 19 %. La réduction des écarts est encore plus grande aux extrémités de la distribution des revenus : les 10 % de personnes les plus pauvres disposent d’un niveau de vie moyen avant redistribution de l’ordre de 3 370 € par an et par UC, contre 71 270 € pour les 10 % les plus aisés, soit 21,1 fois plus. Après redistribution, ce rapport passe à 5,7. Les prélèvements et prestations ne contribuent pas tous avec la même intensité à la réduction globale des inégalités de niveau de vie. L’efficacité redistributive d’un transfert, c’est-à-dire sa capacité à réduire les inégalités de revenus, est fonction de deux critères : sa progressivité et son poids dans le revenu disponible global des ménages. Du côté des prélèvements, l’impôt sur le revenu, par son système de tranches d’imposition à taux croissants, est le transfert le plus redistributif : en 2015, il participe à hauteur de 30 % à la réduction des inégalités relatives de niveau de vie. En revanche, les contributions sociales (CSG hors composante maladie, CRDS) et les cotisations famille, très faiblement progressives, réduisent peu les inégalités relatives.

Source : Insee Références, édition 2016 - Fiches - Niveaux de vie et redistribution

DOCUMENT 3 :

La pauvreté monétaire (niveau de vie inférieur au seuil de 60% du revenu médian) en France

DOCUMENT 4 :

 

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sujet : l'action des pouvoirs publics est-elle efficace pour réduire les inégalités ?

Proposition de corrigé :

Une inégalité peut être définie comme un accès différencié à des ressources socialement valorisées. On distingue les inégalités économiques (revenus, patrimoine), des inégalités sociales (ressources non-économiques comme la culture, le savoir, le pouvoir…). Les pouvoirs publics, à savoir l’ensemble des services chargés de l’administration de l’État et des collectivités territoriales, sont chargés de lutter contre ces inégalités au nom du principe de justice sociale, et ce depuis la mise en place progressive d’un État Providence dans la deuxième moitié du XXème siècle.

Dans quelle mesure l’action des pouvoirs publics est-elle efficace pour lutter contre les inégalités économiques et sociales ?

Si l’action des pouvoirs publics contribue à réduire les inégalités (I), son efficacité, sur le plan économique et sur celui des résultats obtenus, est contestée (II).

 

I. L’action des pouvoirs publics contribue à réduire les inégalités en France…

A. La mise en place d’un système redistributif permet de réduire les inégalités économiques

Les pouvoirs publics sont chargés d’endiguer les inégalités économiques et sociales, tout d’abord en mettant en œuvre un système de redistribution. Ce dernier consiste à modifier la répartition des revenus primaires (revenus issus du travail, du capital, ou revenus mixtes), en prélevant des impôts et des cotisations sociales, puis en versant des prestations sociales, en nature ou en monnaie.

Ce système redistributif permet de réduire fortement les inégalités économiques. Ainsi, en France en 2015, avant redistribution monétaire, le niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus aisées est de 54 790 € par an et par unité de consommation (UC), soit 8,3 fois supérieur au niveau de vie moyen des 20 % de personnes les plus modestes (6 630 € par an et par UC). Après redistribution, ce rapport tombe à 4,0 ; il est donc quasiment divisé par deux grâce à l’action des pouvoirs publics (document 2).

 

B. Le financement des services collectifs permet de réduire les inégalités sociales

Les services collectifs désignent l’ensemble des services non marchands, fournis à titre gratuit ou quasi-gratuit par les administrations publiques, et financés par les prélèvements obligatoires.

Les services collectifs permettent de réduire les inégalités économiques et sociales, en mettant à disposition de tous certaines ressources socialement valorisées comme la santé. Le financement de la construction des hôpitaux publics, le remboursement des soins et de certains médicaments, ont permis un allongement de l’espérance de vie à la naissance. Au cours des 10 dernières années, les hommes ont ainsi gagné plus de deux ans d'espérance de vie, et les femmes 1,3 années (document 1).

 

C. Les pouvoirs publics luttent également contre les discriminations pour réduire les inégalités

Une discrimination est une inégalité de traitement entraînant des préjudices subis par les individus en raison d’une caractéristique sociale, ethnique, sexuelle, religieuse, etc. Dans une logique d’égalité des chances, l’action des pouvoirs publics vise désormais de plus en plus à lutter contre les discriminations, afin d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances de réussite. Ces actions des pouvoirs publics permettent par exemple à de plus en plus de jeunes en situation de handicap d’être scolarisés en milieu ordinaire : en 2011-2012, 132 995 enfants en situation de handicap étaient ainsi scolarisés dans le premier degré, contre 96 396 enfants en 2004-2005 (document 4).

 

II. … Mais Son efficacité est cependant contestée

A. L’efficacité économique du système de redistribution est remise en cause

L’action des pouvoirs publics en matière de justice sociale est aujourd’hui remise en cause en raison de son coût de plus en plus important. Le système de protection sociale, mis en place après la seconde guerre mondiale dans un contexte de plein emploi, doit aujourd’hui faire face à des enjeux nouveaux : montée du chômage, vieillissement de la population et allongement de l’espérance de vie, précarisation croissante des emplois peu ou pas qualifiés, montée des familles monoparentales, particulièrement exposées à la pauvreté, augmentation des maladies chroniques dont la prise en charge peut être extrêmement coûteuse…

Par ailleurs, certaines prestations sociales sont critiquées pour leur manque d’efficacité, en raison de leur caractère désincitatif. L’importance des indemnités versées aux personnes en recherche d’emploi en France est notamment accusée d’être à l’origine d’un phénomène de trappe à inactivité, les bénéficiaires de ces prestations n’étant pas incités à retrouver un emploi.

 

B. L’efficacité de l’action des pouvoirs publics pour lutter contre les inégalités est remise en cause

L’efficacité de l’action de l’État pour réduire les inégalités est également remise en cause, dans la mesure où le financement de services publics ne conduit pas toujours à une diminution des inégalités économiques et sociales. Les individus font face à une précarisation croissante sur le marché du travail (montée du chômage, des emplois précaires, du temps partiel…) et prestations sociales ne suffisent plus à lutter contre la pauvreté. Par conséquent, le taux de pauvreté, qui se situe à 60% du revenu médian, est passé de 12,6% en 2004 à 13,9% en 2012, soit une hausse de 1,3 point en 8 ans (document 3).

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