Dans certaines circonstances, le marché est défaillant : il ne permet pas l'allocation optimale des ressources. Les pouvoirs publics sont ainsi amenés à intervenir pour corriger ces défaillances ou leurs effets.
La présence d'externalités
Une première défaillance du marché provient du fait que certaines productions ou consommations génèrent des effets externes (ou externalités). L'externalité peut être positive, si l'effet produit est une amélioration du bien-être, négative dans le cas contraire.
Dans les deux cas, la situation économique obtenue en « laissant faire » le marché ne sera pas la meilleure possible pour l'ensemble de la société. En effet, en présence d'externalités négatives (comme la pollution due au trafic automobile ou à l'activité productive d'une usine), les quantités produites par les agents auront tendance à être trop importantes puisque les coûts liés à la baisse du bien-être et à la dépollution ne seront pas pris en charge par les pollueurs. Inversement, les externalités positives sont souvent sous-produites puisque les agents qui en sont à l'origine ne sont pas récompensés (la recherche scientifique par exemple).
Les pouvoirs publics peuvent alors remédier à cette défaillance en internalisant les externalités, c'est à dire en intégrant ces coûts ou ces avantages induits dans les calculs des agents économiques pour inciter ces derniers à produire moins (dans le cas d'externalités négatives) ou en plus grande quantité (dans le cas d'externalités positives). En France par exemple, l’État taxe l'achat de voitures neuves polluantes et incite les ménages à se tourner vers les voitures ou même les vélos électriques.
Documents et exercices
Document 1. Un bout de plasique
Questions :
- Que dénonce cette affiche ?
- Comment peut-on expliquer la pollution des mers et des océans par le plastique ?
Voir la correction
- La pollution sous toutes ses formes est un exemple d'externalités négatives générées par nos modes de consommation et de production. Les externalités sont les conséquences de l'action d'un agent économique sur le bien-être d'un autre, sans compensation financière, c'est à dire sans être prises en compte par le marché. Elles sont ici négatives puisqu'elles diminuent le bien-être de la collectivité de différentes manières (pollution sonore, environnementale...). Les emissions de CO2 par exemple, liées à la circulation routière ou certaines productions industrielles sont à l'origine du réchauffement climatique et de l'acidification des océans.
- Les pays européens contribuent différemment au total de ces emissions dans l'Union Européenne. Le document, un tableau de données statistiques publié par Eurostat en 2018, nous indique la part en % des emissions de CO2 de certains pays européens dans le total des emissions de l'Union Européenne. Avec une pollution représentant presque 1/4 des emissions européennes (22,5%), c'est l'Allemagne qui apparaît comme le pays rejetant le plus de CO2. En deuxième position arrive le Royaume-Uni : sur 100 tonnes de CO2 rejetées dans l'Union européenne, 11,4 tonnes en moyenne le sont par ce pays. Les emissions de l'Italie et de la France, contribuent, elles, à 1/10 du total. Les écarts de pollution sont donc importants, les Pays Bas par exemple contribuant 5 fois moins à la pollution européenne liée aux emissions de CO2 que l'Allemagne (4,7% contre 22,5%).
Document 2. Les externalités
On parle d'externalités lorsque les actions d'un agent économique modifient le bien-être d'autres agents sans donner lieu à une compensation. Les externalités peuvent être positives ou négatives. Par exemple, le fait de mettre des fleurs à son balcon peut être considéré comme une forme d'externalité positive, dans la mesure où cela profite gratuitement aux passants. A l'inverse, le bruit produit par l'occupant d'un immeuble est une externalité négative car les voisins ne sont pas dédommagés pour la dégradation de leur bien-être. Les externalités peuvent trouver leur origine soit du côté de la production, soit du côté de la consommation. La pollution engendrée par un site industriel est un exemple d'externalité de production dans la mesure où elle résulte de l'activité productive et que ses coûts ne sont pas supportés par l'entreprise polluante. Le fait de fumer en public constitue en revanche une externalité de consommation car l'impact négatif de cette activité sur le bien-être des individus tiers provient de la consommation par le fumeur de sa cigarette.
Questions :
- Qu'est-ce qu'une externalité ?
- Trouvez d'autres exemples d'externalités positives et négatives.
Voir la correction
- Une externalité est une conséquence involontaire des activités de consommation et de production des agents économiques sur le bien être d'autres agents. Ces conséquences peuvent être positives si elles augmentent le bien-être ou négatives si elles le diminuent. Elles ne sont pas prises en compte dans le calcul des agents économiques.
- Pour les exemples d'externalités négatives on peut citer la pollution en général, celle des mers par le plastique, mais aussi celle de l'air et des sols par la circulation automobile ou l'utilisation de pesticides...Au contraire, la vaccination ou la recherche scientifique entraînent des externalités positives.
Document 3. Les externalités sont une défaillance du marché
D'un point de vue économique, l'existence d'externalités fausse les mécanismes d'allocation des ressources par le marché. En effet, dans une économie de marché libre, les agents rationnels sont supposés comparer les coûts et les avantages associés à chaque décision en vue de satisfaire au mieux leurs besoins. En conséquence, ils doivent minimiser les coûts et maximiser les avantages, et contribuer ainsi à l'efficacité collective. En l'absence d'effets externes négatifs, ce qui est bon pour un individu est bon pour la société à laquelle il appartient. Mais bien-être individuel et bien-être collectif ne coïncident plus forcément si les décisions individuelles ont des effets sur les autres agents. Dans ce cas en effet, les coûts et avantages privés sur lesquels se fondent les individus pour prendre leurs décisions ne sont plus équivalents aux coûts et avantages sociaux (pour la collectivité). Si la consommation d'un bien a des effets externes positifs, le bien être collectif procuré par sa consommation est supérieur au bien-être individuel. Mais l'individu ne tient pas compte du bien être-collectif en déterminant sa consommation ; il maximise l'avantage privé et non l'avantage social. En conséquence, du point de vue de la collectivité, la production décidée par les seuls individus sera insuffisante. Inversement, on constatera une surproduction dans les secteurs qui engendrent des nuisances pour la collectivité parce que les producteurs ne tiennent compte que des coûts et bénéfices privés et non des coûts qu'ils font supporter à la collectivité.
Source : J. Généreux, Introduction à l'économie, Points, 2001
-
D'après la théorie, comment les agents rationnels prennent-ils leurs décision de production et de consommation ?
-
Pourquoi l'existence d'externalités diminue-t-elle l'efficacité collective ?
-
Quelles conséquences ces externalités entraînent-elles sur les quantités produites ?
Voir la correction
- Dans la théorie néoclassique, les agents économiques prennent leurs décisions de consommation et de production en comparant les coûts et les avantages de leurs actions. Le consommateur veut maximiser sa satisfaction (son utilité) tandis que le producteur cherche à maximiser son profit, ce qui doit, par le biais des mécanismes du marché, aboutir au bien-être collectif.
- Les externalités sont les conséquences involontaires de leurs actions, qui ne sont donc pas prises en compte dans leurs calculs (les effets positifs ne sont pas « récompensés »et les effets négatifs ne sont pas « taxés »). Ainsi, si leurs décisions sont efficaces au niveau individuel, elles ne le sont plus au niveau de la collectivité. L'efficacité collective diminue alors.
- Les quantités produites ne sont donc plus optimales. Dans le cas d'externalités positives, l'absence de compensation financière conduit à une situation de sous- production de biens ou de services qui augmentent le bien-être collectif. Dans le cas d'externalités négatives, les coûts n'étant pas supportés par les agents, c'est une surproduction de biens et services qui diminuent le bien être collectif qui apparaîtra. Le marché est donc défaillant : il ne permet pas dans ces circonstances une allocation optimale des ressources.
Document 4. Des mesures pour lutter contre la pollution automobile
À travers le système du bonus - malus automobile, et dans le cadre plus général de sa politique en faveur de la transition écologique, le Gouvernement souhaite favoriser, via une aide à l'acquisition et à la location de véhicules peu polluants, le choix d’un véhicule neuf peu émetteur de CO2 et désinciter, via un malus, l’achat de modèles plus polluants.
Le dispositif d'aide à l'acquisition et à la location de véhicules peu polluants vise à stimuler l’innovation technologique des constructeurs et encourage les efforts des constructeurs visant à la mise sur le marché de véhicules toujours moins émetteurs de CO2. Le barème de bonus est centré sur les véhicules les plus vertueux. Par ailleurs, dans une optique d’amélioration de la qualité de l’air par une accélération du renouvellement du parc, l’acquisition d’un véhicule peu polluant est éligible à une prime à la conversion lorsqu’elle est associée à la mise au rebut d’un vieux véhicule essence ou diesel immatriculé.
Source : Ministère de la Transition Écologique et Solidaire
1) En quoi consistent ces mesures décidées par le Gouvernement ?
2) Quels en sont les effets attendus ?
Voir la correction
1) Dans le cadre du plan climat-air-énergie territorial (juin 2016) qui vise à mettre en œuvre l'Accord de Paris, le gouvernement a mis en place et renforcé différentes actions pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre . Le bonus-malus écologique et la prime à la conversion en font partie. Le bonus-malus est un instrument fiscal entré en vigueur en 2008, faisant suite au Grenelle de l'environnement (2007). En taxant l'achat de véhicules neufs polluants et en récompensant par une « prime » l'achat de véhicules plus « propres », il vise à inciter les automobilistes à acheter des voitures moins polluantes pour diminuer la pollution. La prime à la conversion a le même objectif : elle constitue une aide pour les ménages à l'achat de véhicules neufs donc moins polluants sous réserve de se débarrasser de l'ancien véhicule.
2) Cette incitation monétaire a pour objectif d'orienter les choix des consommateurs en direction de véhicules moins polluants mais aussi les choix des producteurs d'automobiles en les incitant à proposer à la vente des véhicules de moins en moins polluants.
Document 5. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils intervenir ?
La recherche d'une allocation efficace des ressources justifie donc une intervention des pouvoirs publics pour corriger les inefficiences liées à la présence d'effets externes. Le mode principal d'intervention consiste à internaliser les externalités : il s'agit d'amener les agents à réintégrer dans leur calcul économique les coûts et les avantages sociaux qu'ils négligeraient autrement. Ainsi, l'Etat prend en charge une partie des dépenses de santé, d'éducation et de recherche pour en abaisser le coût privé et inciter les individus à investir dans ces domaines plus de temps et de ressources qu'ils n'investiraient spontanément.[...]
En ce qui concerne la pollution, l'internalisation des externalités passe, pour l'essentiel, par un système de taxes sur les productions polluantes et de subventions pour la mise en place de moyens de production moins polluants.
Source : J. Généreux, Introduction à l'économie, Points, 2001
- Que signifie internaliser les externalités ?
- En quoi les systèmes du bonus-malus écologique et de la prime à la conversion sont-ils un exemple d'internalisation des externalités ?
Voir la correction
- Internaliser les externalités consiste à réintégrer dans les calculs des agents les coûts ou les bénéfices induits par ces externalités. Un producteur générant des externalités négatives verra ses coûts augmenter, ce qui l'incitera à produire moins, voire à modifier sa production. Dans le cas d'externalités positives, la récompense permettra une hausse des quantités produites. Dans les deux cas le bien-être collectif augmentera.
- Ces deux mesures, en taxant l'achat de véhicules polluants et en récompensant celui des véhicules propres, modifient les calculs des agents.
Exercice 1. Externalités positives ou négatives ?
Les situations suivantes sont-elles des exemples d'externalités positives ou négatives ?
Questions :
-
Un vaccin contre une maladie rare est découvert.
-
Des algues vertes, conséquences de l'agriculture intensive, envahissent des plages et font fuir les touristes.
-
Un apiculteur s'installe à côté d'un verger.
-
La pollution automobile est source de plus en plus de maladies respiratoires dans les grandes villes.
Voir la correction
- externalité positive
- externalité négative
- externalité positive
- externalité négative
Exercice 2. Les vélos en free floating, un exemple de défaillance du marché dans la gestion des biens communs ?
L’entreprise hongkongaise Gobee a annoncé, il y a quelques jours, l’arrêt de son service de vélos en free floating1 à Paris, après avoir déjà renoncé à Lille et à Reims. En clair : elle cesse ses activités en France, invoquant un taux trop élevé de dégradations et de vols pour un modèle économiquement soutenable. Plutôt que de chercher à expliquer ces phénomènes par un déficit de sens civique, il paraît plus intéressant de se tourner vers le concept de « tragédie des communs ». Ce qui est arrivé à la société Gobee pourrait révéler la difficulté à faire émerger des biens communs dans les espaces urbains tels qu’ils sont aujourd’hui gérés par la puissance publique ou investis par le marché.
Dans un célèbre article intitulé « La Tragédie des communs » paru en 1968, le chercheur Garrett Hardin s’efforce de démontrer que les ressources gérées en partage tendent fatalement à subir une surexploitation menaçant à terme leur existence. Il imagine pour cela un pâturage sur lequel des éleveurs de moutons pourraient amener des animaux sans restriction. Chaque éleveur ayant toujours intérêt individuellement à rajouter un mouton afin d’en tirer plus de bénéfices, Hardin estime que le champ finira nécessairement par recevoir un nombre trop important de bêtes, jusqu’à ce que la ressource finisse par être détruite.
Pour conjurer ce risque de ruine, Hardin estime qu’il est nécessaire d’appliquer systématiquement des droits de propriété, avec deux modalités : soit la « privatisation » des ressources par l’application de droits de propriété privée pour que le marché les prenne en charge ; soit leur nationalisation par le biais de droits de propriété publique, afin que l’État puisse appliquer une réglementation. Ce cadre d’analyse peut être appliqué au modèle des vélos en free floating.
Bien que soumis à des droits de propriété privée détenus par des entreprises comme Gobee, les vélos en libre-service se rapprochent sensiblement de ressources en libre accès, telles que les décrivait Garrett Hardin dans son article. Dès lors les individus sont fortement incités, par le modèle même de mise à disposition, à maximiser leurs bénéfices immédiats en extériorisant les coûts, avec à la clé des dégradations.
Source : « Les vélos en libre-service, une double « tragédie des communs », Lionel Maurel, The Conversation, 5 mars 2018
Questions :
1) Qu'appelle-t-on la tragédie des « biens communs » ?
2) Pourquoi, selon l'auteur, les vélos en free floating sont-ils victimes de cette « tragédie des biens communs » et comment se manifeste-t-elle?
3) Comment les pouvoirs publics peuvent-ils intervenir pour surmonter le problème selon Garett Hardin ?
1A la différence des Vélib’ parisiens, les vélos en free floating n’ont pas à être raccrochés à une station fixe et leurs utilisateurs sont libres de les laisser où ils le souhaitent une fois leur trajet terminé. Cette souplesse dans l’utilisation constitue a priori un avantage, mais elle comporte aussi des aspects négatifs.
Voir la correction
Corrigés :
1) La « tragédie des biens communs » est une théorie développée par Garett Hardin dans un article de 1968 qui montre que les agents économiques sont incités à surexploiter les ressources communes (non excluables mais rivales) ce qui peut entraîner à terme leur extinction. En effet, la maximisation de leur intérêt privé les amène à une surconsommation ou à des dégradations sur les biens communs. C'est le cas pour les poissons pêchés en haute mer par exemple.
2) Les vélos en free floating, peuvent être considérés pour l'auteur comme des biens communs car ils répondent aux deux caractéristiques de rivalité (un vélo en cours d'utilisation ne peut être emprunté par un autre) et de non exclusion car leurs utilisateurs sont libres de les déposer où ils veulent après usage. La « tragédie des biens communs » s'exprime ici par un encombrement de l'espace public, certains utilisateurs déposant leur vélo n'importe où après utilisation, en gênant les piétons par exemple sur les trottoirs, et par des dégradations qui peuvent rapidement les rendre inutilisables. Le même processus s'applique au trotinettes électriques disponibles dans certaines villes comme à Marseille, où elles finissent nombreuses au fond de la mer !
3) Selon Garett Hardin, les pouvoirs publics peuvent de manière générale nationaliser la ressource commune dans le but de réglementer son utilisation, ou alors la privatiser pour qu'elle soit gérée par des propriétaires qui auraient alors tout intérêt à en prendre soin. Mais ces solutions ne semblent pas convenir pour ces « vélos partagés ».
Une autre voie peut être envisagée à partir des travaux d'Elinor Ostrom, Prix Nobel d'économie en 2009 : entre la gestion privée par le marché et la gestion publique, il existe un mode de gouvernance alternatif pour les ressources partagées, la gestion collective par des communautés d'utilisateurs. Associer les utilisateurs à la gestion locale des services de vélos partagés en leur donnant un cadre pour organiser les règles d'utilisation de ces vélos pourrait peut-être être une solution...