Cette tribune a été publiée dans une version courte dans Les Echos
Nous publions ici la version longue :
Par son engagement et sa détermination, notre jeunesse constitue notre meilleur atout pour réussir la nécessaire transformation écologique de la société.
Nous avons tous en tête les récentes remises de diplômes au cours desquels les orateurs ont appelé au réveil écologique. Comme les marches pour le climat, ces happenings témoignent du désir profond de changement qui anime la jeunesse.
Il ne s’agit donc plus de la convaincre du caractère vital et désirable de cette transformation. Plus que n’importe quelle autre génération avant eux, notre jeunesse en est pleinement consciente.
Notre jeunesse veut prouver qu’il est possible d’agir. Nous devons leur montrer que c’est le cas !
Alors qu’une épidémie d’éco-anxiété se propage parmi les plus jeunes de nos concitoyens, nous ne pouvons nous résoudre aux discours de « démission » ou de « désertion ».
Il nous faut leur montrer que la mobilisation et l’action sont possibles au sein de la société. Nous devons leur prouver que la transformation écologique se joue au quotidien dans les associations et les ONG, les services publics, les centres de recherche, les entreprises. Nous devons les convaincre que c’est dans ces lieux que se trouvent une grande partie des solutions.
Car pour déployer et intensifier la transition écologique, nos organisations ont des besoins grandissants de compétences nouvelles.
L’enseignement doit donc être la clé de voûte entre les aspirations écologiques de la jeunesse et les attentes de la société.
Dans l’enseignement secondaire, l’éducation au développement durable tend à se renforcer et se généraliser dans tous les programmes, tous les cursus, toutes les filières.
Mais la logique partenariale qui doit sous-tendre cet enseignement, si l’on s’en réfère aux textes officiels, ne s’étend encore que trop peu au monde de l’entreprise.
Le renforcement du dialogue enseignants-entreprises est un facteur de succès de l’enseignement du développement durable, et un levier d’accélération de la transition écologique.
Se priver de la réalité des entreprises, c’est masquer aux enseignants et aux élèves un pan considérable des enjeux de la transition écologique. Quelle que soit leur taille, partout sur les territoires, les entreprises investissent et innovent dans la lutte contre le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité. Parce que la transition écologique implique une vision systémique tenant compte des enjeux économiques et sociaux, il apparaît nécessaire de multiplier les temps de dialogue pour évoquer ces enjeux. Les enseignants auraient ainsi accès à des regards croisés de scientifiques, d’élus et d’acteurs du monde de l’entreprise. Ils le demandent.
Les entreprises doivent également davantage s’engager dans ce dialogue, qui leur permettrait de mieux connaître et d’adapter leurs pratiques aux aspirations des jeunes qui sont aujourd’hui dans les classes et qui seront demain au sein de leurs organisations.
Ensuite, il est nécessaire de permettre aux enseignants d’accéder, durant leur formation initiale et continue, à toutes les ressources nécessaires à l’appréhension puis à l’enseignement des transformations induites par la transition écologique. Ce sont eux, qui, au contact quotidien de centaines de milliers de jeunes, doivent éveiller et structurer leurs connaissances et raisonnements sur ces sujets. Les outiller en ce sens relève de la primauté de l’action publique. Mais les entreprises ont aussi un rôle à jouer. La mise à disposition tout au long de l’année de cas concrets illustrant les problématiques de transition écologique sur des supports variés est un levier majeur d’aide à la compréhension du monde économique et de la réalité de l’entreprise dans un contexte de bouleversement profonds.
Le renforcement du dialogue entre l’enseignement et le monde professionnel est, enfin, un enjeu prioritaire d’orientation. Les élèves méconnaissent souvent la palette des métiers porteurs du sens dont ils sont en quête, en lien avec le développement durable, dans tous les secteurs d’activité. Mais ce sont plus globalement tous les métiers qui se transforment et la façon même d’une entreprise de diriger les projets. Il est urgent de combler, dès le secondaire, le déficit de connaissances de la réalité des métiers, d’aujourd’hui et de demain, et des compétences qui seront nécessaires sur le marché du travail. C’est aussi un impératif d’égalité des chances. Dans ce cadre, la plateforme Melchior, en partenariat avec le CEFPEP1 et en collaboration avec des entreprises, proposera tout au long de l’année un cycle de formation - « Au cœur de l’entreprise » - avec pour ambition d’outiller les enseignants pour accompagner leurs élèves dans leurs parcours d’orientation en intégrant tous ces facteurs.
Sans la mise en place de liens fréquents et féconds entre le monde du travail et l’école, nous continuerons de laisser des élèves inégalement armés face à leurs choix d’orientation, des diplômés tentés par la «désertion», des enseignants privés de ressources pédagogiques pertinentes, et des entreprises en manque des compétences dont elles ont besoin pour mener à bien leur nécessaire transformation.
Aujourd’hui plus que jamais, l’enseignement est la clé d’une économie performante et durable, d’une société apaisée et inclusive et d’une planète où il fera durablement bon vivre.
C’est dans la poursuite de ces objectifs qu’il est indispensable de renforcer la coopération entre le monde éducatif et le monde de l’entreprise par la mise en œuvre d’un véritable plan Marshall mettant autour de la table tous les acteurs impliqués dans la formation des enseignants, au service de la transformation écologique et de ses conséquences systémiques dans tous les champs de notre société.
1 Centre d'études et de formation en partenariat avec les entreprises et les professions
Liste des signataires :
- Patrick Artus - Conseiller économique de Natixis
- Dominique Batani - Directeur du marché de Rungis
- Pierre-Olvier Brial - Président du club ETI Île-de-France et Directeur général délégué du groupe Manutan
- Jean-Marc Borello - Président du GROUPE SOS
- Eliane Chevalier - Administratrice indépendante
- Philippe Clergeau - Professeur émérite au Muséum National d'Histoire Naturelle, membre de l'Académie d'agriculture de France, ambassadeur de la fédération BioGée
- Béatrice Couairon – Directrice du Programme Enseignants-Entreprises de l'Institut de l'entreprise et professeur de SES
- Jézabel Couppey-Soubeyran - Maîtresse de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
- Nicolas Cruaud - Président de Néolithe
- Augustin de Romanet – Président-directeur général du Groupe ADP
- Antoine Dechezlepretre - Économiste senior, OCDE
- Jean-Louis Etienne – Médecin et explorateur
- Marc-Antoine Eyl-Mazzega - Directeur du Centre Énergie & Climat de l'Ifri
- Bertand Eyraud - Directeur de la RSE et de l’Innovation, KAUFMAN & BROAD
- Pierre Ferracci - Président du Groupe Alpha
- Antoine Frérot - Président de Veolia, Président de l’Institut de l’Entreprise
- Philippe Heim – Président du directoire de La Banque Postale
- Xavier Huillard - Président-directeur général de VINCI
- Eric Labaye - Président de l'École polytechnique et Président de l'Institut polytechnique de Paris
- Catherine Larrere - Professeure émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
- Thomas-Olivier Léautier - Chef économiste TotalEnergies
- Pierre-Laurent Lucille - Chef économiste, ENGIE
- Anaïs Maury – Vice-présidente et directrice Communication & Affaires Publiques de Ynsect
- Mikaa Mered - Enseignant en géopolitique de l'hydrogène Science-po HEC
- Angélique Palle - Docteure en géographie, spécialiste des questions de transition énergétique, chercheuse à l’IRSEM
- Erwin Penfornis - Vice-président de la branche d'activité mondiale Énergie Hydrogène, Air Liquide
- Aymeric Poizot – Directeur général de Fitch Ratings France
- Caroline Renoux - CEO du Cabinet Birdeo
- Anne-Laurence Roucher – Directrice générale déléguée de Mirova
- Charlotte Roule - Directrice de la stratégie d’ENGIE
- Jean-Michel Valantin - Spécialiste de la géopolitique de la transition environnementale, The Red Team Analysis Society