Affichées comme priorités nationales, la jeunesse et l’éducation font l’objet de la loi pour la Refondation de l’école de la République en juillet 2013. Parmi les différents axes de réhabilitation d’une école « inclusive », marquée par le choc « Pisa » révélé par les dernières enquêtes internationales, se trouve en bonne place la diminution du nombre de « décrocheurs ». L’objectif fixé est de diviser par deux le nombre de jeunes détachés du système de formation, plus précisément tous ceux qui l’ont quitté avant d'avoir obtenu un diplôme de niveau V[1] ou VI[2].
La prise de conscience de ces parcours scolaires inachevés est cependant antérieure. C’est à la fin des années 2000, à la faveur des discussions communes entre pays européens, que la mise sur agenda politique permet de délimiter la population concernée, de signifier un capital humain minimum normé et standardisé et enfin d’en examiner les causes. D’abord sociale et hautement révélatrice des inégalités qui assortissent la réussite ou l’échec à l’école, la question du décrochage est aussi scolaire, dépendante de l’Institution. C’est en fonction de ces avancées que les politiques publiques, traversant les mandatures, ont pu s’organiser et parvenir à une inversion de tendance.
1 Qu’est-ce que le décrochage scolaire ? Délimitation et mesure.
L’inachèvement des scolarités n’est pas une préoccupation propre au XXIè siècle et, sous des appellations différentes, les jeunes non qualifiés, déscolarisés, en désaffiliation, etc. ont fait l’objet de rapports et de politiques d’insertion.
Comme le souligne P.Y. Bernard, en France, la conceptualisation est progressive : le décrochage scolaire va progressivement se construire à la fois comme une notion scientifique interrogée par les différents courants scociologiques et comme une catégorie institutionnelle (figure 2).
C’est à la fin des années 2000 que la catégorie institutionnelle d’élèves en décrochage est précisée par la loi de 2009, article 36 : ce sont les « anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation et qui n’ont pas atteint un niveau de qualification fixé par voie règlementaire », rappelé en introduction(1,2).
La norme est donc évolutive en fonction de ce que chaque nation considère comme le niveau minimum nécessaire pour s’intégrer dans la sphère professionnelle et la société. Il convient ici de distinguer cette norme sociale de la norme de scolarisation de droit qui fixe le plancher de scolarisation à 16 ans.
Si l’on s’en tient aux conventions ministérielles et européennes, « la mesure statistique du phénomène du décrochage s'appuie sur l'enquête emploi de l'Insee à partir de laquelle sont construits deux indicateurs ». Il s'agit d'une part des sortants de formation initiale sans diplôme (indicateur de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, DEPP) et d'autre part des sortants précoces utilisés par la Commission européenne (indicateur Eurostat). Chaque année, au niveau national, selon la DEPP, 140 000 jeunes en moyenne quittent le système éducatif sans avoir obtenu de diplôme classé au niveau IV ou V de la nomenclature interministérielle.
[1] Sortie de second cycle général avant l’année terminale ou niveau CAP-BEP.
[2] Sortie en cours de premier cycle de l’enseignement secondaire (de la 6è à la 3è), abandon en cours de CAP, BEP.
La part des sortants précoces est relativement stable depuis 2003. Cet indicateur fait partie des cinq critères de référence chiffrés de Lisbonne dans le domaine de l’éducation et de la formation que l’Union européenne s’est attelée à réduire et à mener à 10 % d’ici à 2020. La France s’est engagée à parvenir à 9,5 % des 18-24 ans. La moyenne européenne en 2013 est de 13,5 % avec une dispersion assez forte des pays européens entre 4,2 % et 33,5 %. La France fait mieux que le Royaume-Uni (15 %) mais moins bien que l’Allemagne (11,5 %) ou les Pays-Bas (9,1 %).
A noter : il ne s’agit pas de la même donnée que le nombre de décrocheurs repérés depuis 2011 par le Système Interministériel d’Echange d’Information (SIEI) puisque ceux-ci ont plus de 16 ans. Sous le ministre de l’éducation Luc Chatel, ce système est mis au point pour mieux repérer les décrocheurs, à partir des données collectées par différents acteurs jusqu’alors peu coordonnés : éducation nationale, centres de formation d’apprentis, missions locales, centres d’information et de documentation, etc.
Au total, le 14 novembre dernier, le ministère de l’Education nationale s’est félicité d’une inversion de tendance encourageante : entre 135 000 et 140 000 au début du quinquennat, le nombre de décrocheurs est passé à 107 000 en 2015, soit une diminution d’environ 20 % depuis 2012. En 2016, on avance le chiffre de 98 000 et l’ambition est de 80 000 pour 2017 ce qui n’atteint pas la « promesse » présidentielle mais montre un chemin parcouru conséquent.
Le gouvernement peut aujourd’hui se prévaloir d’être passé sous le seuil européen de 10 % : en 2015, parmi les 18-24 ans, 9,3 % ont quitté l’école prématurément, contre 12,6 % en 2010. Ces données sont toutefois à prendre avec prudence : selon une note du service statistique du ministère de l’éducation, la DEPP, la France est en réalité passée sous la barre de 10 % dès 2013, pour partie en raison d’un changement de méthodologie de l’enquête qui compromet la comparaison avec les années précédentes. Difficile de distinguer, dans cette tendance à la baisse, ce qui relève du changement d’enquête et ce qui relève des effets des politiques menées depuis cinq ans.
2. Un repère, à la croisée d’une construction politique et des théories sociologiques de référence.
Source : Pierre-Yves BERNARD, Le décrochage scolaire, PUF, Coll. « Que sais-je ? », Paris, (2011), 2è éd. 2015.
Le champ de la recherche a permis de conceptualiser le phénomène. En le distinguant de la simple notion d’échec (dans les apprentissages), le terme même de décrochage scolaire ouvre la perspective d’un problème qui fait le lien entre l’élève, l’école et son environnement. La question de l’individu hors l’école est prise en compte.
D’un point de vue sociologique classique, le décrochage scolaire peut être désigné comme un fait social à la manière durkheimienne, indépendant des caractéristiques des sociétés. Identifiable, mesurable et donnant lieu à des études statistiques, il est associé aux décalages pointés par Bourdieu et Passeron entre un milieu familial populaire et la culture scolaire. Les carences en capital culturel dès l’entrée en maternelle de certains élèves confrontés à une institution scolaire française « indifférente aux différences » et fonctionnant sur la sélection dès le plus jeune âge créent un écart qui peut s’approfondir. On évoque ainsi « le décrochage de l’intérieur » : tandis que le terme « décrocheur » semble correspondre à une décision individuelle, l’abandon du système scolaire avant la norme sociale fixée n’est pas véritablement choisie à un instant précis. Elle est l’aboutissement d’un processus de difficultés dans les apprentissages naissant en primaire et qui se révèlent à l’entrée en collège. A ce stade en effet, la protection d’un maître bienveillant disparaît et les efforts des élèves ne parviennent plus à créer une progression. L’Institution scolaire commence à être perçue comme hostile par les individus et la faute en est rejetée vers les enseignants. Le désengagement se renforce lorsque le groupe de pairs qui entoure les élèves offre une issue à ces échecs : regroupement d’élèves qui ne fréquentent plus l’école, sociabilités de quartier ...
L’école porte la responsabilité de la stigmatisation des élèves en difficulté qui peut générer une prophétie auto-réalisatrice. Très tôt, l’individu marqué de l’étiquette « élève en difficulté », dont les enseignants ne savent que faire, surtout lors du passage crucial enseignement élémentaire-collège, peut entamer une carrière déviante. Les difficultés d’apprentissage peuvent conduire à des difficultés comportementales. On peut même avancer que le repérage institutionnel renforcé de ces élèves précipite l’entrée dans cette catégorie vaste de l’échec à l’école.
La catégorie de « décrocheurs » constitue un repère construit progressivement dans le champ politique et institutionnel afin de légitimer des formes d’action (voir figure 2). Elle est le fruit des râtés de la démocratisation quantitative de la scolarisation et rassemble un ensemble flou d’élèves en marge, en difficultés face aux normes scolaires, absentéistes. Pris en charge par les institutions plutôt secondaires de l’éducation (psychologues scolaires, conseillers principaux d’éducation, assistants sociaux, ...), ils font à la fois l’objet d’attentions sur le terrain et de politiques éducatives initiées au plus haut de l’administration. Ils demeurent toutefois à la lisière du centre de l’école : la classe et l’enseignant.
L’enjeu est conséquent : comme le rappelle le rapport de l’IGEN de 2013, les sans-diplômes sont surexposés au chômage quel que soit leur âge, mais plus encore quand ils sont jeunes. Selon l’INSEE, en France, le taux de chômage des sans-diplômes est environ deux fois plus élevé que celui des diplômés ; les sans-diplômes sont davantage employés en contrats à durée déterminée, en temps partiel subi, en emploi peu qualifié. Au-delà du champ de l’emploi, ils sont surreprésentés dans les effectifs traités par le système judiciaire ; ils présentent un état de santé dégradé par rapport à la population diplômée ; la reproduction sociale est forte et ils présentent une moindre capacité à participer à la vie en société.
Le décrochage scolaire a également un coût économique mesuré précisément dans l’Union europénne : les « NEET[3] » (jeunes ni en emploi, ni en formation, ni à l’école) génèrent une prise en charge financière en termes d’assurance chômage, de revenus d’assistance, de couvertures sociales et un manque à gagner en termes de prélèvements obligatoires non reçus, sans aller jusqu’à la perte en capital humain productif. « La perte pour les États membres de l’UE a été estimée pour l’année 2008 à 2,3 milliards par semaine. En se fondant sur ce calcul, le coût économique des NEET dans l’Union était alors de 119,2 milliards d’€ en 2008 soit 0,96 % du PIB et est passé à 153 milliards en 2011 soit 1,21 % du PIB européen. Il serait de 1,1 % du PIB français avec un coût global de 22,1 milliards et n’était que de 0,92 % du PIB en 2008 ; ce qui, en 2011, est beaucoup plus que l’Allemagne (15,4 milliards et 0,60 % du PIB) ou que les Pays-Bas (3,9 milliards d’euros soit 0,66 % du PIB) ». Le préjudice moral, la perte de confiance et d’estime de soi ne sont pas comptabilisés ...
3. Le décrochage, un révélateur nouveau d’inégalités socio-scolaires anciennes
Qui sont les décrocheurs ? Les travaux menés aux Etats-Unis et au Canada dès les années 1980 constituent une ressource ancienne quant aux causes multiples du décrochage. En nous inspirant d’une note de l’INRP, devenu Ifé, parue en 2009, il est envisageable de tracer les contours de cette population : communément, les sorties précoces du système secondaire concernent des élèves en difficulté cognitive. Formellement présents, ils ne sont pas mobilisés dans les apprentissages, ils s’en « absentent » progressivement puis physiquement. Le décrochage s’accroît donc avec l’âge avec un moment clé que constitue la classe de 4è. Les redoublements, conseils de disciplines et exclusions sont des éléments prédictifs forts. Le genre est corrélé à l’âge. Les garçons sont plus exposés entre 15 et 19 ans puis ce sont les filles qui révèlent un pourcentage plus élevé de NEET après 20 ans (taux de 19,4 % pour les femmes de 20 à 24 ans et de 17,1 % pour les hommes). La précarité sociale peut favoriser l’échec scolaire. Comme l’a montré le rapport de J.P.Delahaye, l’absence de ressources financières menace la scolarisation normale des enfants : la pauvreté ne permet pas d’assurer les besoins primaires (le seul repas est celui de la restauration scolaire), la précarité des conditions de logement et le manque d’espace au domicile réduit les possibilité d’étude. Ces facteurs ne sont pas compensés par les fonds sociaux, en baisse depuis les années 2000 et les bourses de collège. « Concrètement, pour un enfant, une famille pauvre touche 357 euros par an à taux plein, soit 1,98 euros par jour de classe, c’est-à-dire même pas le prix d’un repas à la cantine scolaire ».
Enfin, la santé des adolescents doit être intégrée au raisonnement : facteur méconnu ou ignoré, les pathologies des collégiens et lycéens concernent près d’un cinquième d’entre eux. Les infirmiers scolaires attestent notamment d’un mal-être en croissance (dépression, prise de psychotropes et conduites addictives notamment aux écrans) qui génère des absences récurrentes et difficiles à rattraper. Seuls les enfants en handicaps bénéficient d’un aménagement de leur temps scolaire. Dans le même ordre d’idées, le décrochage cognitif déjà évoqué peut provenir des diverses handicaps rassemblés sous le vocable « dys » (dyslexie, dyscalculie ...) qui ne sont pas nécessairement repérées précocément. Enfin, d’autres facteurs peuvent être évoqués : la structure familiale monoparentale ou encore le lieu de scolarisation, éloigné du lieu d’habitation. Mais l’ensemble des chercheurs s’accordent sur l’idée que le processus de décrochage est le fruit d’éléments hétérogènes qui peuvent se combiner et provoquer la sortie du système, sans caractère systématique.
4. Le décrochage, signe d’une école française fonctionnant sur le tri
Trop rigide. Il importe à ce stade de mettre en exergue la responsabilité de notre système éducatif : facteur interne au décrochage pointé par l’inspection générale, il apparaît que l’organisation des étapes scolaires produit invariablement un tri qui, par nécessité, produit des réussites mais aussi des échecs au rang desquels on trouvera en bonne place les « décrochés ».
Si aujourd’hui, l’évaluation est retravaillée sous un modèle positif dans les formations ESPE, c’est qu’elle pose un grand nombre de questions. Les mauvaises notes et l’ultimatum du bulletin ou des étapes d’orientation perdurent. Pourtant, l’organisation des années en cycles, la diminution voire la suppression des doublements et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture générale promeuvent l’évaluation par compétences. Mais, l’inertie est grande et l’ensemble des acteurs du système éducatif tendent encore à reléguer la différenciation des réussites à un rang marginal. De même, si la réforme du lycée de 2010 a entériné les possibilités de passerelle d’une filière à l’autre en cours d’année, jusqu’à la classe de Terminale, le reliquat des places disponibles dans les classes constitue une limite peu franchissable. C’est l’une des motivations de la mise en oeuvre du livret scolaire unique (LSU) entré en vigueur à l’école et au collège depuis la rentrée 2016. Fournissant des informations sur la situation des élèves eu égard au socle commun, il assure la continuité de la progression inter-degrés et ne marque pas nécessairement un échec à un instant figé. Face à ces exigences, les familles plébiscitent les heures d’aides au devoirs prises en charge par l’Institution en guise d’accompagnement personnalisé.
Si l’école reste l’une des institutions qui produit du lien social, face à la pauvreté ou envers les élèves allophones, la pression de la sélection ne bénéficie qu’à une partie des élèves et produit rancoeurs et frustrations, parmi les jeunes mais aussi auprès du corps éducatif. Ces travers ont été pointés dès les années 2000 par le premier Programme International pour le Suivi et l’Acquisition des élèves (PISA). Enquête menée tous les trois ans sous l’égide de l’OCDE, elle mesure les connaissances et compétences dans trois domaines : les mathématiques, la compréhension de l’écrit et les sciences. Appliqués à des échantillons d’élèves de 15 à 16 ans dans 34 pays, les questionnaires évaluent l’acquisition de savoirs et savoir-faire essentiels à la vie quotidienne au terme de la scolarité obligatoire. Plutôt que la maîtrise d’un programme scolaire précis, PISA teste l’aptitude des élèves à appliquer les connaissances acquises à l’école aux situations de la vie réelle.
Dès sa sortie, ce rapport délivre des conclusions négatives sur certains pays européens à la faveur de systèmes plus performants à Singapour ou encore au Japon ou en Finlande. Les résultats constituent un véritable « choc » pour de nombreux pays le Royaume-Uni, l’Allemagne notamment qui entreprennent rapidement des réformes de leur système éducatif. Quant à la France, 10 ans sont « perdus » par la remise en cause de la qualité du « thermomètre » qui mesure la fièvre : PISA serait plutôt adapté au système éducatif anglo-saxon et non français. Contrairement à l’exercice de la dissertation ou du commentaire de textes, les Français seraient peu compétents en QCM. Mais cette critique tombe dès lors qu’un tiers des jeunes Français parviennent à se hisser en haut du classement, au même niveau que les jeunes asiatiques ! A première vue, la France se situe dans la moyenne des pays de l'OCDE en mathématiques
Source : OCDE, PISA 2015.
Mais, au-delà de la norme internationale de classement, l’intérêt majeur du PISA est double : il mesure l’équité de chaque fonctionnement éducatif vis-à-vis des populations les plus défavorisées et il permet de se comparer « à soi-même ». Sur le premier point, la France républicaine révèle ses défaillances comme le montre la figure ci-dessous. Les élèves issus des milieux les plus défavorisés en France se situent nettement en-dessous des compétences minimales requises. Si le système scolaire français parvient à former une petite élite, il est surtout marqué par des inégalités plus importantes que dans la plupart des autres pays de l'OCDE.
Source : OCDE, PISA 2015
L'OCDE souligne que près de 40 % des enfants issus d'un milieu défavorisé sont en situation de difficulté scolaire en France contre 34 % pour la moyenne de l'OCDE. Or, les inégalités de compétences pèsent sur la performance d’ensemble : les pays qui affichent les meilleurs résultats se caractérisent quant à eux par un déterminisme social moins fort. Ainsi, au Japon, seulement 10% des différences de performances en sciences sont expliquées par le statut socio-économique des élèves. En outre, en France, les élèves issus de l'immigration se retrouvent particulièrement en situation de difficultés scolaires. 40 % des enfants issus de l'immigration sont en situation de difficulté contre seulement 18 % des autres élèves.
La prise de conscience menant à des politiques publiques volontaristes interviendra en France dans les années 2010.
5.Quelles politiques publiques ? Quelles réussites ?
L’orientation générale de la politique éducative a été fortement marquée par l’influence européenne. Dès le programme de Lisbonne en 2000, l’Europe ambitionne de devenir « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ». Sans agir par obligation, la voie empruntée est celle de la Méthode Ouverte de Coordination (MOC) : des objectifs généraux par domaine sont fixés par consensus et évalués à partir d’outils statistiques élaborés en commun permettant de juger comparativement les performances de chaque Etat membre (benchmarking[4]). Les bonnes pratiques internationales font office de modèle et sont recommandées par l’OCDE et le PISA. Parmi les principaux objectifs éducatifs, on trouve la réduction des sorties précoces du système éducatif et l’amélioration des compétences de base en lecture. En 2009, ces deux cibles seront reprises dans le programme « Education et Formation 2020 »
[4] Le benchmarking est une technique de marketing développée dès le début des années 1980 par la société Xerox.
Il s'agit d'une méthode marketing qui consiste à étudier et analyser les techniques de gestion ainsi que les modes d'organisation des autres entreprises ayant une activité sensiblement identique à celle qui réalise le benchmark.
Il permet l'analyse comparative de la concurrence et vise à améliorer les performances d'une entreprise.
Une conversion ambitieuse du système éducatif est impulsée : dès les années 2010, la pédagogie encouragée doit être différenciée, les meilleurs expériences provenant du terrain sont valorisées, les liens avec le monde de l’entreprise favorisant l’insertion doivent être resserrés. Plus précisément, dans une optique de prévention, un référent « décrochage scolaire » est nommé depuis 2013 dans chaque académie et travaille en lien étroit avec les réseaux Formation-Qualification-Emploi (FoQualE) auprès des établissements les plus touchés par le décrochage. Le travail consiste à limiter l’absentéisme d’élèves repérés comme démobilisés. En matière de remédiation, de nouvelles expériences de type « micro-lycées » sont menées afin de ramener le décrocheur à la formation ou de favoriser l’accès à une qualification ou l’accès à un emploi stable d’élèves ayant déjà décroché.
Comme l’indique la sociologue spécialiste de la comparaison des systèmes éducatifs, Nathalie Mons, aujourd’hui membre du Cnesco, la sanctuarisation de ces réformes et l’implication concertée des acteurs (enseignants, parents, administration) est essentielle. C’est la clé d’un succès qui ne peut se mesurer que sur le long terme. Autre composante cruciale : les enseignants doivent tous accéder à une formation générale, leur permettant de mettre en oeuvre les nouveaux programmes ou les aménagements pédagogiques. Ainsi, l’une des pistes avancées par le gouvernement actuel a consisté à nommer « plus de maîtres que d’élèves » : en renforçant le nombre d’enseignants, les titulaires peuvent se libérer de leur classe et la pédagogie différenciée peut être davantage mise en oeuvre.
Le destin au berceau ... Processus long et enchevêtré, le décrochage est un révélateur d’une école française fonctionnant sur le tri et indifférente aux inégalités sociales ou de genre. Même si les prises de conscience contemporaines ont fait bouger les lignes, à grands renforts d’enquêtes médiatisées, de nouveaux moyens doivent être mis en oeuvre pour atteindre l’objectif fixé par le Président actuel. Les établissements les plus vulnérables peuvent ainsi recevoir des ressources matérielles et humaines supérieures, à l’instar des Réseaux d’Education Prioritaires. Les enseignants les plus expérimentés et motivés peuvent être incités financièrement à s’engager dans la démarche d’aide aux élèves les plus fragiles, à l’instar de la Corée du Sud. A la faveur d’une réduction de la taille de certaines classes, les professeurs, mieux formés, seront à mêmede « tutorer » chaque élève individuellement comme cela se pratique en Finlande. Mais l’ensemble de ces mesures vient à l’encontre d’une vision formellement égalitariste de l’école sur l’ensemble du territoire ...
Anne ARMAND, Claude BISSON-VAIVRE, Agir contre le décrochage scolaire : alliance éducative et approche pédagogique repensée, IGEN, Rapport - n° 2013-05, Juin 2013. Pierre-Yves BERNARD, Le décrochage scolaire, PUF, Coll. « Que sais-je ? », Paris, (2011), 2è éd. 2015. Jean-Paul DELAHAYE, Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix de la solidarité pour la réussite de tous, Rapport IGEN, mai 2015. Les Notes de l’INRP, « Le décrochage scolaire », note n° 1, Lyon, 7 décembre 2009. MEN, , « Sortants sans diplôme et sortants précoces. Deux estimations du faible niveau d’études des jeunes », Note d’information, n° 12.2015, septembre 2012. Nathalie MONS, Les nouvelles politiques éducatives. La France fait-elle les bons choix ?, Paris, PUF, 2007.