La « courbe de l’éléphant » a été publiée en 2013 par Branko Milanovic dans un texte écrit avec Christop Lakner intitulé « Global Income Distribution. From the Fall of the Berlin Wall to the Great Recession ». Cette courbe met en relation les différents fractiles de la distribution mondiale des revenus (axe des abscisses) avec le taux de croissance du revenu moyen de ces fractiles en parité de pouvoir d’achat sur une période donnée, c’est-à-dire de 1988 à 2008. Par exemple, en ce qui concerne le soixantième percentile, on observe que les revenus de cette population ont augmenté de 70% en 20 ans.
Voir le site de l’Ecole normale supérieure de Lyon « La courbe de Milanovic et ses évolutions »
Quels sont les principaux enseignements de la courbe de l’éléphant ? Elle montre que :
Les individus situés entre le troisième et le sixième décile de la population mondiale ont réalisé des gains de pouvoir d’achat assez importants. Il s’agit d’une partie de la population des pays émergents, et tout particulièrement de la population asiatique.
Les autres gagnants de la croissance économique mondiale sont au niveau du dernier décile de la population, et tout particulièrement concentrés au niveau du dernier centile. C’est la fraction la plus aisée de la population occidentale.
Les 10% les plus pauvres ont connu une croissance modeste de leur pouvoir d’achat .
Et surtout ceux que certains commentateurs qualifieront de « perdants de la mondialisation » se trouvent du sixième au neuvième décile, à savoir les classes moyennes et populaires des pays développés.
La courbe de l’éléphant a fait l’objet d’une actualisation récente par Branko Milanovic (« The Three Eras of Global Inéquality, 1820-2020, with the Focus on the Past Thirty years », 2022. Branko Milanovic étudie notamment la période 2008-2018.
Taux de croissance du revenu annuel moyen comparé sur les périodes 1988-2008 et 2008-2018), selon les fractiles de la population mondiale.
Globalement, cette courbe n’a plus la forme d’un éléphant, même si certains constats demeurent valides.
Au niveau du 8ème décile, on observe toujours une faible progression du revenu (classes moyennes et populaires des pays développés).
Le milieu de la distribution voit toujours son revenu augmenter de manière relativement importante (population des pays émergents, tout au moins la fraction « favorisée » de cette population).
La croissance du revenu du dernier décile de la population mondiale est beaucoup plus faible que sur la période précédente. La crise des subprimes a affecté le revenu des plus aisés de la population occidentale, et tout particulièrement le top 1%. Mais cela n’affecte pas les plus riches au sein du top 1%, dont la richesse continue de progresser d’au moins 5% par an sur la période considérée. En ce qui concerne le « top 0,01% , soit le dix millième le plus aisé de la population mondiale, celui-ci détient maintenant 11% de la richesse mondiale, contre 7% en 1995. En décomposant le « top 1 », on retrouve donc la courbe de l’éléphant initiale de Milanovic.
Les premiers déciles de la population mondiale sont ceux dont le niveau de vie augmente le plus. Ceci est surtout dû à la croissance chinoise qui a profité aux chinois ruraux qui ont vu leur revenu doubler au cours de la période. Cela dit, d’autres pays n’ont pas connu la même croissance et le décile le plus pauvre est maintenant constitué des pays issus du sous-continent indien, des grands pays africains, ou encore du Brésil….