Melchior vous propose le décryptage de cet article qui permet à vos élèves de faire le point sur l’évolution du pouvoir d’achat des ménages et les méthodes statistiques pour l’appréhender. Les Français ont globalement l’impression que leur pouvoir d’achat est en baisse, alors que celui-ci progresse légèrement depuis 2010. Une approche en termes de « cycle de vie » permet de mieux comprendre le ressenti des Français.
Le titre de l'article :
Article : Clément Dherbécourt, Simon Fredon, Mathilde Viennot « Qui a vu son niveau de vie augmenter dans les années 2010 ? », Note d’analyse de France Stratégie, janvier 2023, N° 116.
Les + de l’article :
- Un point de méthode sur la mesure du pouvoir d’achat des différentes générations.
- Des chiffres précis sur la mesure du niveau de vie des différentes catégories de la population
Résumé
Pour mesurer l’évolution du pouvoir d’achat depuis 2010, les auteurs proposent de suivre pendant toute une décennie l’évolution de la situation d’un certain nombre de personnes, nées entre 1941 et 1980, qui avaient donc entre 30 ans et 69 ans en 2010. L’approche s’appuie sur le suivi de 5 cohortes d’âge (3 cohortes d’individus en âge de travailler : 30-39 ans, 40-49 ans, 50-54 ans ; 2 cohortes dont l’une part en retraite sur la période (55-64 ans), et l’autre déjà en âge d’être à la retraite (65-69 ans).
Durant les 10 années qui ont suivi la crise de 2008, le pouvoir d’achat des personnes nées entre 1941 et 1980 a augmenté de 5,4% de 2010 à 2019, soit 0,5% par an (fort ralentissement de la progression du niveau de vie par rapport à la période précédente). Mais l’évolution est différente selon les classes d’âge. Pour les cohortes nées avant 1955, donc les personnes âgées de 55 à 69 ans en 2010, le niveau de vie a baissé de 7%, ce qui correspond au passage progressif à la retraite de salariés et d’indépendants. A l’inverse, le niveau de vie a augmenté entre 7% et 15,4% pour les générations nées entre 1956 et 1980.
L’évolution de ces écarts générationnels repose sur trois facteurs :
- Un effet revenu, qui correspond au changement de niveau de vie explicable par l’évolution du revenu primaire (les revenus de remplacement, à savoir les retraites et le chômage, sont ici inclus dans les revenus primaires).
- Un effet « famille », lié à l’évolution du nombre d’unités de consommation d’un ménage : l’arrivée ou le départ d’un enfant, un mariage, un divorce ou un veuvage affectent le niveau de vie d’un ménage.
- Un effet redistributif, correspondant au solde entre impôts payés et prestations sociales reçues, soit « l’impôt net ».
Autre enseignement de l’étude : au sein de la cohorte des jeunes actifs, soit les personnes nées entre 1971 et 1980, le rapport du niveau de vie moyen des 20% les plus aisés et celui des 20% les plus modestes (écart interquintile) est de 4,1 en 2019 alors qu’il était de 3,9 en 2010. Cela s’explique par la dynamique des revenus d’activité. En revanche, au niveau des retraités, donc les personnes nées entre 1941 et 1945, on observe que les niveaux de vie ont progressé pour les bas revenus, qu’ils ont stagné aux alentours de la médiane, et qu’ils ont baissé pour les hauts revenus. Le recul des ménages aisés s’explique avant tout par une chute de leurs revenus d’épargne, dans un contexte de bas taux d’intérêt sur la période (baisse des revenus du patrimoine).
Retrouvez la totalité de l’article Sur le site de France stratégie :
Les termes clés :
- Pouvoir d’achat : C’est la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter. L’évolution du pouvoir d’achat d’un ménage dépend de la différence entre l’évolution de ses revenus et celle des prix.
- Quintile : Un quintile correspond à la division d’une population en 5 parts égales.
- Revenu primaire : Revenu que le ménage tire de sa participation à l’activité économique, soit directement activité salariée ou non salariée), soit indirectement (revenus de placements mobiliers ou immobiliers).
- Revenu disponible : Revenu après redistribution qui prend en compte le revenu primaire, augmenté des prestations sociales, et diminué des impôts et des cotisations sociales versés. En divisant le revenu disponible par le nombre d’unités de consommation, on obtient le niveau de vie d’un ménage.
Le point de méthode : Comment constituer des groupes de revenus lorsqu’on suit des individus dans le temps ?
On se concentre ici sur la cohorte des retraités, autrement dit celle des personnes nées entre 1941 et 1945. On classe les individus en quintiles, des 20% les plus modestes aux 20% les plus aisés. Une difficulté apparaît tout de suite : au cours du temps, une part des individus change de catégorie. Est-il préférable de reclasser les individus chaque année quitte à comparer des groupes fictifs, ou d’attribuer à chaque individu son quintile pour toute la décennie, même si son revenu a évolué au cours de la période ?
Deux méthodes sont possibles. La première, dite en panel, ou approche dynamique, consiste à classer les individus selon le niveau de revenu en début de période. Cette approche renseigne uniquement l’évolution des revenus selon le revenu de départ. La deuxième, dite en photographie instantanée, classe les individus selon leur niveau de revenu chaque année. On parle de « pseudo-panel », puisque le classement n’est pas constitué des mêmes individus tous les ans.
Evolution du niveau de vie des retraités nés entre 1941 et 1945 par rapport à 2010, par quintile
L’approche photographique et l’approche en panel donnent ici des résultats similaires : les niveaux de vie ont progressé pour les bas revenus, ont stagné aux alentours de la médiane, et ont baissé pour les hauts revenus. Le recul des ménages aisés s’explique avant tout par la chute de leurs revenus d’épargne. La baisse des revenus du patrimoine, constatée quel que soit le niveau de revenu, a contribué en moyenne à une baisse de 6,5% du niveau de vie au sein de la cohorte. Mais elle a évidemment affecté moins les plus modestes, en raison du poids limité des revenus d’épargne dans leur revenu total. Rappelons toutefois que cette baisse des revenus du patrimoine a pour contrepartie l’augmentation des niveaux de patrimoine et des plus-values latentes associées, qui ne sont pas comptabilisées dans le niveau de vie.
Voir l’extrait pour la classe de première : Des trajectoires de pouvoir d’achat liées au cycle de vie
« L’effet « revenu » est le plus déterminant dans l’évolution du pouvoir d’achat sur la décennie, et ce pour la majorité des générations (voir premier graphique). La génération 1971-1980 est celle qui a le plus bénéficié de l’effet « revenu », estimé à près de 17% pour une augmentation globale du pouvoir d’achat de 7%. Les générations plus anciennes ont, quant à elles, vu leurs revenus primaires baisser : ainsi, la génération 1941-1945 a vu son pouvoir d’achat baisser de 7,2%, tiré par la baisse des revenus primaires (-13,1%).
L’évolution du nombre d’enfants dans le foyer est également un facteur clé d’évolution du pouvoir d’achat des générations. Sans le départ des enfants, le pouvoir d’achat de la génération 1961-1970 n’aurait progressé que de 5,9% contre 15,4%. A l’inverse, l’arrivée d’enfants pour la plus jeune génération (1971-1980) grève l’évolution de son pouvoir d’achat de près de 7,7%.
Enfin, l’effet « redistribution » joue un rôle d’amortisseur sur le niveau de vie des générations, au sens où il joue positivement lorsque le revenu baisse et inversement, mais avec une ampleur limitée. L’effet serait encore plus limité si l’on neutralisait l’effet mécanique de l’évolution du revenu sur les prélèvements sociaux et les cotisations salariales. L’effet « redistribution » est négatif pour la cohorte 1961-1970- 3,9 points de pouvoir d’achat pour les plus jeunes- l’augmentation de leurs revenus avant impôt sur la décennie ayant entraîné une hausse des cotisations salariales et des prélèvements sociaux ».
Les sujets qui font débat :
- Comment appréhender l’équité intergénérationnelle ?
- Faut-il préserver à tout prix le niveau de vie des retraités ?
Voir le programme de spécialité SES de terminale :
Voir le programme de CPGE :
Pour allez plus loin : Voir Hadrien Camatte « Quelle a été l’évolution du pouvoir d’achat des ménages en France depuis 20 ans ?
Ce podcast est réalisé dans le cadre du partenariat entre Melchior et BSI Economics.