Demain l'emploi si…

Michel Didier

L'ouvrage

L'ambition de retrouver un chemin de croissance annuelle de 3 %, formulée il y a maintenant trois ans par 77 économistes, n'est manifestement pas devenue en France. Il faut dire que les conditions qu'ils y mettaient ne sont toujours pas réunies. Tout se passe comme si l'opinion publique, même éclairée, préférait encore se fier aux grandes décisions de politique macroéconomique plutôt qu'aux chemins difficiles et incertains de la réforme. C'est pourtant désormais l'inverse qui est vrai : les canaux traditionnels de l'action de l'Etat – et tout particulièrement le déficit budgétaire – sont incertains quant à leurs effets en termes d'emploi – puisque c'est de cela dont il s'agit toujours principalement (d'où le titre de l'édition annuelle de l'ouvrage) – tandis que, nombre de pays autour de nous l'ont montré, la réforme, négociée avec les partenaires sociaux, respectueuse des traditions nationales, donnant du temps au temps, permet de sortir de l'ornière d'une croissance molle…

L'ennui de cette façon si française de tempérer avec ce qui, autour de nous, est considéré comme une évidence, c'est que nous ajoutons problème sur problème. Contraints par l'obligation de ne pas dévaluer pour faire partie du premier cercle des pays de l'euro, les politiques avaient fini par tempérer la progression des charges sur les entreprises. Une fois l'euro entré en vigueur, les Français ont perdu l'indicateur des tensions sur le franc pour juger de la viabilité relative des politiques économiques. D'où ce déficit de compétitivité enregistré par l'industrie française, non seulement en termes de prix, mais, ce qui est plus inquiétant, en termes de contenu en innovation (cf. p. 51). C'est peut-être que les grands programmes toujours très innovants (TGV, Airbus A380) masquent la faiblesse du tissu des entreprises moyennes, ces gazelles que le Ministre des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, Renaud Dutreil veut aider à grandir. Certes, il en manquerait 10 000 et il est question d'alléger le taux d'imposition de celles qui réussissent… En même temps, un rapport récent du CAE rappelle qu'il ne serait pas incohérent d'éviter de les faire fuir… à cause de l'ISF !

L'emploi, encore et toujours. Cela va faire bientôt trente ans que la France use et abuse des contrats particuliers à destination, principalement des jeunes. Pour autant, il n'est pas sûr que les manifestations de ce printemps 2006 contre le contrat première embauche (CPE) soient le signe d'un raz le bol de cette marginalisation juridique : les emplois jeunes ne font-ils pas l'objet d'un véritable plébiscite, malgré leur durée limitée à cinq ans ? Or, les statistiques le montrent, c'est lorsqu'ils sont liés à l'entreprise, que les contrats réservés aux jeunes ont le plus de chance de se transformer en emplois pérennes. La mise en perspective du "plan de cohésion sociale" de Jean-Louis Borloo, Ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement (p. 102sq), la sortie même de la crise du CPE montrent que l'on n'est pas prêt de sortir de la logique des emplois aidés, au prorata pourrait-on dire, mais peut-on encore le dire, du refus des mécanismes de marché. Quelques études commencent à pointer le coût de ces mesures pour les salariés ayant un emploi au salaire modeste, mais il faudra encore un peu de temps pour que la conscience sociale s'empare du sujet.

Comme un faisceau convergent, c'est sur la sphère publique que se tournent ensuite les regards. Convergent, le faisceau l'est puisque le sujet est devenu incontournable. Avec les analyses keynésiennes et l'image sans doute subliminale selon laquelle creuser un trou et le reboucher est bon pour l'emploi, on avait oublié que l'inutilité même de cette action n'était pas très bonne pour la croissance : quel produit, quel service au bout de cette dépense d'énergie et de travail ? La sphère publique n'échappe pas à la règle selon laquelle la croissance intensive, c'est faire plus avec moins, fournir davantage de services avec moins de travail humain (puisqu'il y faut si peu de capital, au moins en règle générale). D'où la fameuse Loi organique relative aux lois de finances (Lolf), remake de la fameuse Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) si fameuse en son temps (1968 – cf. p. 137 sq) et qu'il faut, finalement, recommencer.

Qu'on en partage ou non les attendus, cet ouvrage va bientôt devenir incontournable. En pointant année après année les exigences de la réforme et les évolutions effectives, il finira par montrer combien on avance peu dans des voies tellement explorées par nos principaux compétiteurs. Parallèlement, on ne peut manquer de s'inquiéter qu'un parti de gouvernement puisse proposer, dans ses promesses électorales, de revenir sur des réformes difficilement acquises et aujourd'hui approximativement acceptées. De cela, la plupart de nos voisins n'ont plus l'expérience depuis au moins un quart de siècle…

Les auteurs

Ce rapport a été préparé par l'équipe des économistes de Rexecode dirigée par Michel Didier avec des contributions de Patrick Aubert, Antoine d'Autume, Jean-Paul Betbèze, Christian de Boissieu, Pierre Cahuc, Elie Cohen (CNRS), Elie Cohen (Paris Dauphine), Jacques Delpla, Françoise Drumetz, Jean-Olivier Hairault, Francis Kramarz, Eric Labaye, Jean-Louis Levet, Jean-Hervé Lorenzi, Michel Martinez, Frédérique Sachwald, Christian Saint-Etienne, Patrick Sillard, et Jean-Marc Vittori qui a en outre assuré la coordination des textes de l'ouvrage.

Rexecode (Centre de recherches pour l'expansion de l'économie et le développement des entreprises) est un des tout premiers centres français d'observation, de recherches et d'études économiques. II regroupe environ quatre-vingts adhérents, entreprises industrielles, banques et institutions privées ou publiques.

Table des matières

Les grands objets de la réforme

1. Garder le cap objectif 3 % de croissance

2. Mettre fin au recul de notre compétitivité

3. Faire mieux marcher les marchés

4. Le marché du travail et la politique de l'emploi

5. La réforme de l'Etat

6. Croissance, innovation et politique industrielle

7. Marché des biens et services et marchés financiers

Les grands débats de politique économique

Ce ne sont pas les idées qui nous manquent, par Christian de Boissieu et Michel Didier

La réforme indispensable des services marchands, par Jacques Delpla

La régulation de la concurrence au profit du consommateur et de l'emploi, par Pierre Cahuc et Francis Kramarz

Priorité à la recherche, par Jean-Paul Betbèze

Pour une fiscalité plus favorable à la croissance, par Christian Saint-Étienne

La nécessaire politique industrielle, par Jean-Hervé Lorenzi

L'urgence de l'emploi des seniors, par Antoine d'Autume, Jean-Paul Betbèze et Jean-Olivier Hairault

Education et croissance : le paradoxe français, par Elie Cohen

Pour un nouveau pacte entre la Nation et l'Université, par Elie Cohen et Michel Didier

La prime à l'emploi est peu efficace et son objectif initial a été détourné, par Michel Martinez

Retour sur les propositions des 77 économistes, par Jean-Marc Vittori

Les enjeux des délocalisations

Les délocalisations, une raison de plus pour réformer, par Jean-Marc Vittori

Un phénomène à mieux connaître et à mieux traiter, par Françoise Drumetz

Une mesure des délocalisations dans l'industrie par Patrick Aubert et Patrick Sillard

La délocalisation des services au profit de la France par Eric Labaye

Mener une stratégie de développement industriel, par Jean-Louis Levet

Promouvoir l'évolution du système productif français, par Frédérique Sachwald

Le tableau de bord européen de la réforme

Chronologie des réformes structurelles en France

Marché des biens et services

Marché du travail

Marchés financiers et secteur bancaire

Productivité, initiative et réforme de l'État

Régime des retraites

Régime de l'assurance-maladie

Quatrième de couverture

La France ralentit dans un monde qui accélère. La compétitivité française est menacée. L'emploi stagne. La machine économique française fonctionne avec un trop faible rendement. Nous affirmons pourtant que la croissance est possible et que le chômage peut être déraciné.
Pour retrouver une croissance forte et durable (le cap est 3 % par an), pour éliminer le chômage, des réformes structurelles sont nécessaires. Ce troisième rapport de Rexecode sur la réforme et la croissance en France fait le point des réformes mises en oeuvre en France et de celles qui restent à faire. Les idées ne manquent pas et les chantiers sont nombreux : réforme de la fiscalité, réforme de l'Etat, réforme du marché du travail. II faut encourager la concurrence, laisser jouer les mécanismes naturels de l'économie, "faire mieux marcher les marchés", enfin organiser un redéploiement massif des charges publiques en reportant des dépenses qui ne font que reproduire le passé vers des dépenses tournées vers l'avenir enseignement supérieur, recherche, investissement, innovation.
Ce panorama très complet des progrès des réformes en France et de leurs conséquences économiques s'adresse particulièrement aux étudiants d'économie et de sciences politiques, mais aussi à tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les blocages de notre économie, soutenir une croissance plus forte et veulent vraiment la fin du chômage.

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