Rapport pour le Ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (juillet 2021)
C’est dans les années 60 et 70 que la mixité à l’École a été développée et pleinement actée. Les filles et garçons reçoivent alors les mêmes enseignements. Cependant, cela n’est pas suffisant pour que les élèves fassent des choix d’orientation et de carrières indépendants des stéréotypes. Il est donc nécessaire de mettre en place une politique proactive avec des mesures effectives des ministères jusque dans les salles de classe. Une telle politique repose par exemple sur une communication claire en direction des jeunes, des efforts pour faciliter l’orientation des jeunes, une pédagogie inclusive et une formation des personnels.
Mots clés : égalité filles-garçons, stéréotypes, plan d’action, Indice Synthétique de Stéréotypie de genre
L’égalité filles-garçons est une cause institutionnelle depuis les années 80. De nombreux leviers ont été mis en place, surtout dans les dix dernières années. On peut noter une meilleure conscientisation du problème mais les résultats en termes de parcours de formation ne sont pas assez satisfaisants. Cela peut s’expliquer par la permanence des rôles sociaux assignés aux deux sexes. Par exemple, des représentations genrées stéréotypées se répètent à travers l’ensemble des manuels scolaires. Les élèves intériorisent alors les normes de genre, ce qui entrave la liberté de développer sa propre identité.
En effet, en termes de réussite scolaire, les filles sont plus performantes que les garçons mais s’orientent davantage vers des filières moins prestigieuses, moins rémunératrices et très genrées.
En terminale technologique, on note par exemple 95,9 % de filles en ST2S (Sciences et Technologies de la Santé et du Social) et 92,1 % de garçons en STI2D (Sciences et Technologies de l'Industrie et du Développement Durable). Pour la filière générale, les filles sont davantage présentes dans les enseignements de spécialité littéraires et artistiques et les garçons dans les enseignements scientifiques. En terminale générale, pour la première promotion après la réforme du lycée, on compte par exemple 80 % de filles en spécialité HLP (Humanités, Littérature et Philosophie) et 87 % de garçons en spécialité NSI (Numérique et Sciences Informatiques). Ces tendances sont confirmées dans les études supérieures.
L’une des raisons de ce choix est que les filles se perçoivent comme moins douées que les garçons dans les disciplines scientifiques. Elles dévalorisent leurs propres compétences, ce qui entraîne une baisse de la confiance puis des résultats moins performants que les garçons dans ces disciplines.
Cette idée que les filles seraient moins douées en sciences et que les garçons seraient moins doués dans les domaines littéraires reposent sur des stéréotypes. Cette stéréotypie est largement répandue : on peut considérer que 60 à 70 % des élèves montrent une stéréotypie de genre statistiquement significative. Ce sont surtout les filles qui font preuve d’une stéréotypie forte à extrême (cela représente 46 % des filles contre 35 % des garçons). L’estimation de la probabilité de réussite est un élément central de la confiance en soi et du choix des spécialités en filière générale. La réforme du lycée a offert des choix aux élèves qui sont alors faits sous l’emprise d’une stéréotypie de genre. L’objectif est alors d’abaisser le niveau de cette dernière (il serait trop difficile de la réduire à néant).
Contrer ces stéréotypes est un sujet de politique nationale. L’égalité filles-garçons est étroitement liée à l’égalité femmes-hommes, c’est une question démocratique essentielle qui est un enjeu majeur de l’École laïque.
Pour répondre à cet enjeu, un plan d’action a été remis au ministre Jean-Michel Blanquer.
Le plan d’action peut être résumé en cinq leviers, en proposant des mesures aux niveaux national, académique et des établissements. Il nécessite un engagement de tous (monde éducatif, monde de l’entreprise, parents d’élèves) et fait appel à de nombreux acteurs dont les élus lycéens (en particulier, les CVL – Conseil des délégués pour la Vie Lycéenne).
1- Impluser un pilotage volontariste des politiques d’égalité filles-garçons. Spécifiquement, on peut citer la création d’un conseil national à l’égalité filles-garçons, la mise en place d’un label « lycées de l’égalité filles-garçons », la création d’une journée de l’égalité filles-garçons (avec des débats portés par les élus lycéens), et la valorisation du rôle du référent égalité.
2- Mettre en place une communication claire en direction des jeunes : le mentorat et la présentation de rôles modèles accessibles sont centraux pour sensibiliser les élèves. Il faut également mettre en place une charte d’accueil pour les filles dans les formations et les stages en entreprise et faire un travail d’information et de sensibilisation auprès des parents.
3- Organiser une orientation proactive du lycée à l’enseignement supérieur. On peut viser un objectif d’au moins 30 % de filles et de garçons dans toutes les filières technologiques, les enseignements de spécialité et les filières post-baccalauréat. Pour cela, on peut expérimenter des bourses à l’égalité. Cela doit être accompagné d’un cadrage des heures dédiées à l’orientation qui pourront permettre de sensibiliser aux stéréotypes, de faire découvrir des formations (filières professionnelles et technologiques) et des métiers porteurs (où la répartition femmes-hommes est déséquilibrée) et présenter les combinaisons d’enseignements de spécialité pour les métiers en devenir. Il faut aussi mettre en place un tableau de bord pour évaluer les mesures mises en place. Pour cela, il est bon d’utiliser des indicateurs fiables permettant d’effectuer un suivi efficace. On peut utiliser l’Indice Synthétique de Stéréotypie de genre (ISS-genre) récemment développé.
4– Il faut développer une pédagogie inclusive dans les programmes et dans la classe. Cela passe notamment par l’intégration de l’égalité filles-garçons dans l’éducation à la citoyenneté (EMC) et dans l’ensemble des pratiques d’enseignement. Il faut valoriser les réussites des filles dans le numérique et les sciences par des postures professionnelles adaptées. La préparation de l’épreuve du Grand oral peut être utilisée comme levier de mise en confiance des filles. Il est également nécessaire de négocier avec les maisons d’édition un cahier des charges actualisé sur la place des femmes dans les manuels scolaires.
5– Une formation initiale et continue des enseignants et des cadres au sujet de l’égalité filles-garçons est importante. Les 18h de formation initiale consacrées à l’égalité filles-garçons doivent être axés sur une pédagogie de l’égalité. Il faut mettre en place un plan de formation continue pour que d’ici cinq ans tous les enseignants et les cadres puissent bénéficier d’une formation sur la réduction des inégalités. Il est important de sensibiliser aux stéréotypes de genre tous les membres des jurys et acteurs de l’orientation. Enfin, il faut mettre en place un programme de recherche pour apprécier l’impact des mesures mises en place en matière de formation et de gestes professionnels.
Ce plan d’action a été créé pour encourager les élèves à s’orienter et choisir des carrières sans se laisser influencer par les stéréotypes. Il sera nécessaire de suivre annuellement l’évolution de la stéréotypie et ainsi de tester l’efficacité des interventions déployées sur le terrain de façon scientifique.