Vous annoncez que le capitalisme va disparaître d'ici cinquante ans. Comment ?
Je pense plutôt qu'il va se transformer. Nous assistons à une troisième révolution industrielle qui marquera l'émergence d'un nouveau modèle économique, fondé sur le partage et les communautés collaboratives. Car les nouvelles technologies permettent de réduire drastiquement le coût marginal de production, c'est-à-dire le coût de production d'une unité supplémentaire. C'est un bouleversement majeur qui affecte déjà certaines industries. Prenez celle des loisirs : aujourd'hui, on peut accéder à une infinie variété de musiques et de vidéos en ligne, ce qui a provoqué l'effondrement de l'industrie musicale telle qu'elle fonctionnait jusque dans les années 1990. La presse, l'édition et l'éducation connaissent les mêmes mutations, et c'est le cas avec les transports, avec l'émergence de services comme Uber ou Autolib.
Cette révolution peut-elle toucher également la production de biens ?
Oui. Avec les imprimantes 3D, il sera possible de produire chez soi, ou à l'échelle de petites communautés, des objets qu'il fallait autrefois acheter. Les grandes usines centralisées céderont la place à des unités de production locales. Les enfants fabriqueront leurs jouets dans leurs écoles ! Même chose pour l'énergie. Avec des immeubles équipés de panneaux solaires, il n'y aura plus besoin d'acheter de l'électricité à un fournisseur externe. Les consommateurs deviendront des « prosumers », à la fois producteurs et consommateurs.
Comment s'adapteront les entreprises d'aujourd'hui ?
Elles devront entièrement revoir leur modèle. Prenez l'énergie : si la production se fait au niveau des habitations, et que les consommateurs se l'échangent par Internet, le rôle des compagnies d'électricité ne sera plus de fournir du courant, mais de gérer les informations et les flux de données permettant ces échanges. Un peu comme IBM qui, dépassé par la production à bas coût chinoise, a cessé de produire des ordinateurs pour se lancer dans la gestion d'information en entreprises.
L'information – le « big data » – sera l'un des enjeux-clés de demain. Cela suppose de construire des plates-formes, de gérer les flux. Il y a énormément d'opportunités de travail pour construire ce système puis le porter à maturation : de l'emploi pour deux générations ! C'est aussi une chance pour la planète. Cette économie en réseau, avec un coût des énergies renouvelables en train de plonger, est un moyen de répondre au changement climatique, de sortir de l'économie carbonée. […]
Source : Jeremy Rifkin : « La troisième révolution industrielle a commencé », Le Monde, 23/09/ 2014
Questions :
1) Pourquoi peut-on parler d’une 3ème révolution industrielle selon J. Rifkin ?
2) Quelles conséquences sur les entreprises ?
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Corrigé :
1) Pourquoi peut-on parler d’une 3ème révolution industrielle selon J. Rifkin ?
Selon J. Rifkin, les nouvelles technologies vont modifier les modes de production et de consommation de manière radicale : un mode plus collaboratif doit émerger. Il devient possible, dans un certain nombre de cas, de produire chez soi des services (par internet) et même des biens (imprimantes 3D). J. Rifkin parlent d’un nouvel acteur, le « prosumer », à la fois producteurs et consommateurs.
2) Quelles conséquences sur les entreprises ?
Les entreprises doivent, selon J. Rifkin, évoluer, revoir leur modèle. Elles seront de plus en plus nombreuses à avoir une activité de gestion des flux d’informations. Cela entraîne le développement d’une économie de réseau, avec des plates-formes, c’est-à-dire des unités de gestion des flux d’échanges.