Document 2 : L’égalité des conditions et la « passion pour l’égalité »

Facile

Pourquoi les peuples démocratiques montrent un amour plus ardent et plus durable pour l’égalité que pour la liberté

La première et la plus vive des passions que l’égalité des conditions fait naître, je n’ai pas besoin de le dire, c’est l’amour de cette même égalité. […]

Chacun a remarqué que, de notre temps, et spécialement en France, cette passion de l’égalité prenait chaque jour une place plus grande dans le cœur humain. On a dit cent fois que nos contemporains avaient un amour bien plus ardent et bien plus tenace pour l’égalité que pour la liberté ; mais je ne trouve point qu’on soit encore suffisamment remonté jusqu’aux causes de ce fait. Je vais l’essayer. […]

La liberté s’est manifestée aux hommes dans différents temps et sous différentes formes ; elle ne s’est point attachée exclusivement à un état social, et on la rencontre autre part que dans les démocraties. Elle ne saurait donc former le caractère distinctif des siècles démocratiques.

Le fait particulier et dominant qui singularise ces siècles, c’est l’égalité des conditions ; la passion principale qui agite les hommes dans ces temps-là, c’est l’amour de cette égalité.

Ne demandez point quel charme singulier trouvent les hommes des âges démocratiques à vivre égaux, ni les raisons particulières qu’ils peuvent avoir de s’attacher si obstinément à l’égalité plutôt qu’aux autres biens que la société leur présente : l’égalité forme le caractère distinctif de l’époque où ils vivent ; cela seul suffit pour expliquer qu’ils la préfèrent à tout le reste. […]

Les hommes ne tiennent […] pas seulement à l’égalité parce qu’elle leur est chère ; ils s’y attachent encore parce qu’ils croient qu’elle doit durer toujours. […]

Je pense que les peuples démocratiques ont un goût naturel pour la liberté ; livrés à eux-mêmes, ils la cherchent, ils l’aiment, et ils ne voient qu’avec douleur qu’on les en écarte. Mais ils ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable, éternelle, invincible ; ils veulent l’égalité dans la liberté, et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage. Ils souffriront la pauvreté, l’asservissement, la barbarie, mais ils ne souffriront pas l’aristocratie.

 

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome 2 (1840)

 

Questions :

1. Quel est le fait qui caractérise les démocraties contemporaines selon Alexis de Tocqueville ?

2. Quelles sont les deux raisons, évoquées par l’auteur, qui permettent d’expliquer pourquoi il existe chez les hommes une « passion pour l’égalité » ?

3. Expliquez le passage souligné.

Voir la correction

1. Quel est le fait qui caractérise les démocraties contemporaines selon Alexis de Tocqueville ?

Il s’agit de l’ « égalité des conditions » : cette expression, forgée par l’auteur, signifie que, s’il existe toujours des inégalités des places (des patrons et des salariés), les places sont désormais interchangeables (le salarié peut, demain, devenir patron), il n’y a plus de places figées comme dans les sociétés d’Ancien régime. Les droits et les conditions sont donc les mêmes pour tous.

2. Quelles sont les deux raisons, évoquées par l’auteur, qui permettent d’expliquer pourquoi il existe chez les hommes une « passion pour l’égalité » ?

- L’égalité est le propre des sociétés démocratiques (« l’égalité forme le caractère distinctif de l’époque où ils vivent ») ;

- L’égalité est établie de façon permanente et institutionnalisée (« égalité des droits »), (« elle doit durer toujours »).

3. Expliquez le passage souligné.

Selon Alexis de Tocqueville, il n’est pas possible de revenir sur le principe d’égalité, même au nom de la garantie des libertés. Par exemple, il n’est pas possible d’accepter des inégalités des droits, au motif qu’elles permettent l’enrichissement de tous. Les seules inégalités acceptables sont celles qui découlent du mérite, ou d’un contrat temporaire (entre le patron et le salarié).

Newsletter

Suivre toute l'actualité de Melchior et être invité aux événements