Femmes et hommes, l’égalité en question, Insee Références (mars 2022)
Les filles et les garçons construisent des parcours scolaires distincts de l’école élémentaire jusqu’aux choix d’orientation dans le supérieur notamment dans leurs résultats respectifs en français, en mathématiques et en sciences. Ces différences de parcours s’accentuent souvent au cours de la scolarité et selon le milieu social et s’expliquent par différents facteurs.
Mots clés : Filles, garçons, parcours scolaires, confiance en soi, milieux sociaux
Le dossier s’intéresse aux parcours scolaires d’élèves français depuis 2010 à l’école élémentaire, au collège et enfin au lycée avec les choix effectués pour l’enseignement supérieur en prenant en compte le sexe et le milieu social des élèves.
Le premier panel concerne des élèves entrés à l’école élémentaire en 2011 jusqu’à leur entrée en sixième. Les filles ont dès le CP et quel que soit le milieu social, de meilleurs résultats en français. Cet écart est conservé à l’entrée en 6ème voire est accentué pour les filles issues de milieux favorisés. Parmi les élèves de milieux sociaux très favorisés, l’écart relatif des performances réalisées en français est de 21 % en faveur des filles en CP et de 27,3 % en faveur des filles en 6ème. En mathématiques, les résultats sont équivalents à l’entrée en CP entre filles et garçons. Mais dès le CE1, les garçons et notamment ceux issus de milieux favorisés, obtiennent des résultats supérieurs. Parmi les élèves de milieux sociaux très favorisés, l’écart relatif entre filles et garçons est de 28,2 % en faveur des garçons pour l’évaluation de maths en 6ème en 2016.
Au-delà des résultats, filles et garçons n’ont pas le même rapport à l’école. Les filles déclarent plus que les garçons se sentir bien à l’école à l’entrée au collège et sont moins confiantes en leur capacité. Des préférences disciplinaires sont déjà marquées. La valorisation des maths par rapport aux autres matières est moins prononcée pour les filles et à résultats égaux, elles s’y sentent moins compétentes.
Une des explications est le comportement des enseignants.
Face à des difficultés en maths, ceux-ci interprèteront plutôt les difficultés des filles comme étant liées à des problèmes de compréhension et celles des garçons à des problèmes comportementaux (défaut d’attention, etc.).
Les enseignants posent également plus de questions complexes aux garçons et ces derniers se permettent plus de répondre à des questions collectives ou qui ne leur sont pas destinées. Cela renforce ainsi le sentiment d’autodisqualification des filles.
Au collège, le panel d’analyse concerne des élèves entrés en 2007. En ce qui concerne le français, l’écart se creuse. L’avantage est net en faveur des filles que ce soit en contrôle continu ou avec le Diplôme National du Brevet (DNB). Mais cet écart est beaucoup plus faible lors des tests cognitifs type PISA. Les garçons réussissent légèrement mieux en maths mais pas en sciences. En 6ème et en 3ème, les garçons obtiennent de meilleurs résultats en maths aux tests cognitifs de compétences et notamment dans les milieux favorisés alors que les résultats sont équivalents au contrôle continu et au DNB avec les filles.
Il existe plusieurs explications à la moins bonne réussite des filles aux tests cognitifs.
En premier lieu, la maîtrise des apprentissages scolaires où les filles sont meilleures, ne prépare pas aux tests cognitifs dont les questions sont moins habituelles, et est moins efficace à l’épreuve de maths du DNB. Ensuite, le collège est un lieu où s’exacerbent la confrontation des perspectives scolaires. Or, ce contexte concurrentiel est défavorable aux filles qui ont développé des compétences telles que davantage d’assiduité, de réserve, alors que les garçons ont développé des compétences de prise de risque ou d’esprit de compétition. Les filles font ainsi davantage preuve de retenue et d’anxiété lors des tests cognitifs et face à des questions inconnues alors que les garçons vont davantage répondre à des questions sans être certains de la réponse. En outre, les filles font davantage preuve d’anxiété quant à leur parcours scolaire alors qu’elles ont de meilleurs résultats. Elles ont par exemple été plus affectées par le confinement lié au Covid que les garçons.
Enfin, la motivation et la confiance en soi des filles chutent durant la scolarité au collège.
En 6ème, la motivation aux études est équivalente voire légèrement supérieure en milieux favorisés à celle des garçons. En 3ème, la motivation baisse fortement et devient nettement inférieure à celle des garçons. Ainsi, parmi les élèves de milieux très favorisés, l’écart relatif de la motivation entre filles et garçons est de 24,1 % en faveur des filles en 6ème alors qu’il est de 31 % en faveur des garçons en 3ème. Cette baisse est à corréler à la baisse du sentiment d’efficacité personnelle (avec une composante scolaire et une composante sociale). Les filles déclarent davantage que les garçons se sentir mises à l’écart par les autres élèves, ce qui influe sur leur confiance et le jugement qu’elles portent sur leurs compétences. Malgré tout, elles déclarent toujours une grande adhésion aux attentes de l’école en 3ème. Les ¾ disent faire bien leur travail et aimer l’école ce qui traduit un grand écart avec les garçons.
Que ce soit en français, en maths ou en science, les filles sont plus inquiètes à l’idée de ne pas réussir un exercice que les garçons et n’ont pas autant le désir de mieux réussir en cours que leurs camarades. Cela est accentué en maths. Seulement 23 % des filles de milieux très défavorisés et 35 % de celles de milieux très favorisés se sentent à même de comprendre les exercices les plus difficiles contre respectivement 33 % et 55 % chez les garçons.
Dans tous les milieux sociaux, les garçons ont une plus grande confiance en leurs compétences mathématiques et sont plus motivés par la rivalité scolaire. Ils considèrent plus les maths comme nécessaires à leurs études supérieures (+ 8 points par rapport aux filles).
A 15 ans, les garçons sont plus nombreux à se projeter dans les métiers d’ingénieurs et refusent les carrières réputées féminines car ils les considèrent comme peu valorisantes alors que les filles s’autocensurent en prévoyant des limites à leurs parcours dans des carrières considérées comme masculines.
Mais à niveau de confiance et de motivation équivalent, les filles choisissent des études vers des métiers au statut économique supérieur à ceux que visent les garçons, ce qui montre l’importance de la baisse de confiance au collège pour expliquer les choix d’orientation au lycée.
Au lycée, avant la réforme en 2019, 43 % des filles en terminales choisissaient la filière scientifique et 62 % des garçons. Après la réforme, la différence perdure. La triplette de spécialités exclusivement scientifiques en première réunie 26 % des filles et 37 % des garçons alors que les filles sont surreprésentées dans les triplettes sans matière scientifique (33 % des filles contre 16 % des garçons). Les filles des milieux favorisés gardent davantage les maths. En terminale, les doublettes scientifiques réunissent 36 % des lycéennes de terminales et 55 % des garçons, avec des différences marquées selon les doublettes (beaucoup de filles en SVT alors qu’elles sont quasiment absentes des matières scientifiques très spécialisées type Science de l’ingénieur). En comptant les enseignements optionnels, au total, 50 % des filles de terminale et 69 % des garçons font des maths. Ces distinctions se retrouvent en voies technologiques et professionnelles. Les filles sont surreprésentées dans les séries « sanitaire et sociale » et « laboratoire » et dans la spécialité « service » et sous-représentées dans la série « industrielle » et les spécialités de « production ».
En ce qui concerne les résultats au bac et les choix d’orientation dans le supérieur, l’étude se centre sur les élèves de la série scientifique entre 2005 et 2020, ce qui représente un quart des élèves de terminale par année avec un bon niveau scolaire. Les filles ont de meilleurs résultats au bac français quel que soit le milieu social, tout comme en SVT. Les résultats sont équivalents en maths. Les choix d’orientation des filles montrent un investissement prononcé en SVT et ne visent que certains secteurs (enseignement, médecine, droit). Les résultats scolaires, l’aspiration des élèves, le rôle de la famille et des organisations des sphères scolaires et productives ont un effet à chaque étape de la scolarité sur ces choix d’orientation différenciés selon le genre. Les lycéennes de bac S choisissaient tout autant que les garçons des filières sélectives type classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou école d’ingénieurs mais un quart de ces bachelières vont en filière de santé contre seulement 11 % des bacheliers.
En CPGE scientifique et en école d’ingénieurs, les garçons sont deux fois plus nombreux que les filles. Les filles n’y vont que si elles excellent alors que les garçons aux résultats scolaires modestes y candidatent. Ce sont des filières valorisées qui permettent d’accéder à des emplois prestigieux et mieux rémunérés. Or, la confiance en eux des garçons en mathématiques, développée tout au long de leur scolarité et leur avantage sur les filles presque uniquement fondé sur ce domaine, les conduisent à candidater dans ces secteurs. La sous-représentation des filles dans les secteurs valorisés hors médecine, s’explique, certes en partie, par la sélection des établissements mais avant tout par l’autocensure des bachelières. Les garçons sont ainsi surreprésentés dans les écoles d’ingénieurs peu sélectives alors que les filles le sont dans des écoles de commerce peu sélectives.