Les faits
Le 25 novembre 2009, le taux d’intérêt à 10 ans des obligations de l’Etat grec se montait à 4,9 %, tandis que celui qui s’appliquait aux mêmes titres de dette pour l’Allemagne se montait à 3,2 %. Ce différentiel frappait alors par son importance. En fait, les agences de notation Fitch et Standard & Poor’s avaient déjà en octobre dégradé la note pour la dette à long terme de l’Etat grec en « A- ».
Le 8 décembre 2009, Moody’s, une autre agence de notation annonçait, dans son étude annuelle sur les pays classés « AAA », la mise sous surveillance négative de la Grèce. D’autres pays étaient alors également sur la sellette : Le Royaume-Uni et les Etats-Unis étaient qualifiés de « résilients », tandis que l’Allemagne, et la France, jugés « meilleurs élèves », étaient qualifiés de résistants.
Le 9 décembre, Fitch a dégradé à nouveau la note de la Grèce en « BBB+ ». Le 23 décembre, c’est l’agence Moody’s qui a émis les mêmes réserves : la note est passée alors de A1 à A2.
Le Conseil européen du 10 décembre 2009 avait pour objet l’adoption de la procédure pour déficit excessif envers la Grèce.
En février 2010 doit démarrer la période d’observation par la Commission Européenne de la mise en œuvre du programme de redressement budgétaire par les pouvoirs publics grecs.
Quelle est l’ampleur du problème ?
La Grèce n’est ni le premier ni le seul pays concerné. Dès le mois de janvier 2009, la note de l’Espagne passait de « AAA » à « AA+ » pour Fitch et Standard & Poor’s. Portugal, Hongrie ou encore Irlande ont été eux aussi touchés. Plus généralement, en 2009 et dans les prévisions de la Commission européenne pour 2010 et 2011, les déficits publics de l’Allemagne, de l’Espagne, de la France, de l’Irlande ou du Royaume-Uni devraient tous dépasser le plafond fixé par le Pacte de stabilité et de croissance. En Allemagne, pays le plus vertueux du groupe, le déficit de 2010 est estimé à 6 % du PIB, la dette à 78 % du PIB. Le niveau atteint par le Royaume-Uni (qui, lui, ne fait pas partie de la zone euro) devrait être très proche de celui de la Grèce, avec plus de 12 % du PIB de déficit public pour 2009 et 2010.
Ce qui fait apparaître la situation de ce pays comme particulièrement délicate, c’est son ampleur présente et prévue par rapport aux critères que doivent respecter les pays membres de la zone euro. Le déficit public atteint en 2009 12,7 % du PIB et en 2010 les prévisions de la commission ont estimé un maintien à 12,2 % du PIB. La dette publique, qui devrait se rapprocher des 300 milliards d’euros en 2010, représenterait alors 120,8 % du PIB après 113,4 % du PIB en 2009, ce qui est un record historique.
Par ailleurs, les institutions européennes doutent de la capacité de la Grèce à prendre les mesures nécessaires. L’Irlande notamment, dont la situation budgétaire est proche, bénéficie d’une plus grande crédibilité.
Quelles en sont les causes ?
L’endettement public de la Grèce a une cause essentielle : l’accumulation de ses déficits publics, malgré des taux d’intérêt faibles. Si ce pays n’est pas le seul concerné par un niveau de dette publique record – un ensemble de causes générales à ces difficultés peut être identifié – le problème s'y pose avec particulièrement d’acuité, comme le notent régulièrement depuis plusieurs mois agences de notation ou institutions de l’Union Européenne.
Quels en sont les risques ?
Là encore, plusieurs pays ont été stigmatisés par les agences de notation : les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont par exemple qualifiés de résilients. Les risques ne sont donc pas particuliers à la Grèce. Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe a plusieurs fois affirmé que ce pays ne pourrait faire faillite. La gravité de la situation tient aux conséquences non seulement pour elle-même, mais aussi pour les autres pays européens de cette dette accumulée. La défiance vis à vis de la qualité de la signature grecque, malgré la solidarité affichée, peut s’étendre à l’ensemble des pays partenaires. Les institutions de l’Union estiment à 1 000 milliards d’euros le montant total des titres de dette à absorber pour la seule zone euro en 2010. Les marchés financiers ont déjà fait montre de cette défiance systémique, comme en témoignent la volatilité des bourses européennes et la baisse récente de l’euro sur le marché des changes.
Quelles solutions envisager ?
Plusieurs leviers d’action sont à envisager, à actionner ensemble : le traitement de la dette publique elle-même, la lutte contre le risque de faillite ou de défaut de paiement de la Grèce, et enfin la réduction du déficit public, à l’origine même de la dette publique.
Dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, une procédure dite pour « déficit public excessif » a été engagée dès la fin de l’année 2009. Les autorités grecques ont été sommées par le conseil des ministres des Finances de proposer un plan de réduction du déficit public sur 5 ans, afin de réintégrer les plafonds du Pacte de stabilité. En janvier 2010, sous la pression des institutions européennes, les autorités grecques ont émis plusieurs séries de propositions. Par exemple elles s’engagent à ramener à 8,7 % du PIB pour 2010 le déficit public, avec un retour en dessous des 3 % en 2012. En février 2010, démarre une période d’observation du respect de ces engagements par la Commission européenne. A la clef, des sanctions financières sont possibles.
Quoi qu’il en soit, les solutions à ces difficultés ne sont pas originales. Elles ont malheureusement en commun leur impopularité, ainsi que leur difficulté en particulier dans le contexte actuel.
Définitions, mots clefs
Le déficit public est le solde du budget annuel de l’Etat. C’est donc une différence entre deux ensembles de flux – recettes et dépenses – qui s’intitule déficit lorsqu’il est négatif. Dans le cas français en particulier, on distingue le déficit public du déficit budgétaire, selon que l’on intègre ou non, les comptes de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Le déficit dit « primaire », est celui calculé avant paiement des intérêts de la dette accumulée par l’Etat.
Lorsqu’il existe un déficit, cela signifie qu’un solde est à financer, par l’apport de capacités de financement d’autres agents économiques internes ou externes au pays. Une dette se constitue alors. La dette publique est un stock d’engagements contractés par l’Etat considéré. Elle se distingue de la dette extérieure du pays, qui regroupe, elle, l’ensemble des emprunts des agents économiques de ce pays (Etat et agents privés) vis-à-vis de prêteurs étrangers.
Une agence de notation (Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch par exemple) est une entreprise de service dont l’objectif premier est de guider les actions d’investisseurs (à capacité de financement) en évaluant les perspectives économiques et financières, le risque de défaut, d’entreprises ou d’Etats susceptibles d’être en besoin de financement. Cette évaluation peut aussi s’étendre à des produits financiers. Elle est qualitative (rapports rédigés) et quantitative et peut se traduire par des notes, se présentant en générale sous forme de lettres, « A » étant la meilleure note possible. L’influence de ces agences est grande sur les décisions notamment des gros investisseurs.
Le Pacte de stabilité et de croissance fait suite aux critères de convergence adoptés dans le cadre du traité de Maastricht (signé le 7 février 1992) organisant le cheminement vers la monnaie unique européenne. Il a été adopté lors du traité d’Amsterdam de juin 1997. Il a deux objectifs principaux pour les pays membres de la zone euro ou candidats à la monnaie unique :
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assurer une convergence des conjonctures économiques afin d’éviter d’avoir à utiliser des politiques économiques spécifiques, contraintes par la monnaie unique ;
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éviter les conséquences négatives sur tous les pays partenaires du laxisme budgétaire d’un seul membre.
Deux critères concernent le budget des Etats : le déficit public ne peut excéder 3 % du PIB, la dette publique ne peut être supérieure à 60 % du PIB. Des sanctions financières sont prévues pour les pays contrevenant à ces règles. Néanmoins, en particulier depuis une réforme récente, il est possible de déroger ponctuellement à ces règles en cas de difficultés conjoncturelles particulières rencontrées (« circonstances exceptionnelles »).
Une prime de risque est un supplément ajouté à un taux d’intérêt de base, pour inclure dans le coût d’un emprunt la probabilité d’un agent économique de faire défaut, c’est-à-dire de ne pas faire face à ses remboursements.