Le yuan est maintenant inclus dans les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI). La monnaie de la République populaire de Chine (RPC) est donc la cinquième devise du panier. Cet élargissement est le résultat d’un long marathon diplomatique au sein des organisations financières internationales, elle est surtout l’un des symboles de l’affirmation de la puissance chinoise au sein de l’économie mondiale et du système monétaire internationale du XXIe siècle.
Les faits
Le 1er octobre 2016, le yuan est inclus dans les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) comme cinquième devise du panier.
Après une décade de tractations, le conseil d’administration du FMI avait reconnu à la monnaie de la République populaire de Chine (RPC) le statut de monnaie « librement utilisable ». Cette reconnaissance ouvrait ainsi la voie pour faire du yuan un actif de réserve international. Depuis 1er octobre, les États membres du Fonds peuvent maintenant échanger leurs DTS contre les cinq monnaies du panier, soit le dollar des États-Unis, l’euro, le yen japonais, la livre sterling et le renminbi chinois.
Le yuan renminbi, la 5e monnaie du panier des droits de tirage spéciaux
Le yuan renminbi (元人民币) est la devise nationale de la République Populaire de Chine (RPC). L’expression « renminbi » (人民币, RMB) est l’appellation officielle de la devise et se traduit littéralement par « monnaie du peuple ». Le « yuan » renvoie à l'unité de compte. Néanmoins, le terme de « yuan » s’est diffusé en occident pour désigner à la fois la monnaie et son unité de compte. Notons que le code international du renminbi est CNY (CN pour China et Y pour yuan). RMB, CNY et « yuan » sont donc souvent considérés comme des équivalents.
Le droit de tirage spécial (DTS) est un avoir de réserve international. Les DTS ont été créés par le Fonds monétaire international (FMI) en 1969 pour compléter les réserves officielles de ses pays membres.
Le DTS a deux fonctions :
- c’est un avoir de réserve complémentaire pour les pays membres du Fonds ;
- c’est une unité de compte pour le FMI et d’autres organisations internationales.
Notons que le DTS n’est ni une monnaie ni une créance sur le FMI. C’est une créance virtuelle sur les monnaies librement utilisables des pays membres du FMI. Ainsi, un pays détenteurs de DTS peut obtenir les monnaies du panier (dollar, euro, yen, livre sterling et maintenant yuan) en échange de ses DTS de deux manières :
- premièrement, sur la base d’accords d’échange librement consentis entre pays membres (il y a 32 accords d’échange volontaire en 2016) ;
- deuxièmement, lorsque le FMI désigne les pays membres dont la position extérieure est forte pour acquérir des DTS de pays dont la position extérieure est faible.
Depuis le 1er octobre 2016, la « monnaie du peuple » est incluse dans les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) comme cinquième devise du panier. Cet élargissement du panier des DTS est le résultat d’un long marathon diplomatique de la République populaire de Chine (RPC) au sein des organisations financières internationales. En effet, après une décade de tractations, le conseil d’administration du FMI avait approuvé le 30 novembre 2015 la reconnaissance du RMB comme monnaie « librement utilisable » et actif de réserve international.
Ainsi, la RPC, émettrice d’une monnaie librement utilisable, doit mettre sa monnaie à disposition des pays membres. Un pays emprunteur auprès du Fonds pourra donc recevoir des RMB et/ou rembourser en RMB. Cet emprunteur peut aussi demander à la Chine de convertir les RMB qu’il détient dans une autre monnaie librement utilisable.
A cette obligation statutaire de convertibilité s’ajoutent des contraintes plus informelles. Par exemple, les devises qui entrent dans la composition du DTS doivent avoir des taux de change « adéquats » afin de faciliter l’évaluation du DTS et le taux d’intérêt de référence.
Une nouvelle pondération et nouvelle valeur pour le DTS
Près de 204 milliards de DTS ont été créés et alloués aux pays membres (soit l’équivalent d’environ 285 milliards de dollars).
Avec l’inclusion du renminbi chinois (RMB) dans le panier, une nouvelle formule de pondération attribue, pour chaque émetteur d’une monnaie du panier, une part qui fait référence à ses exportations et à ses activités financières (réserves officielles détenues dans cette monnaie, le volume des opérations de change dans cette monnaie, encours des engagements bancaires internationaux et des titres de créance internationaux libellés dans cette monnaie).
En octobre 2016, les pondérations respectives sont 41,73 % pour le dollar des États-Unis, 30.93 % pour l’euro, 10,92 % pour le renminbi, 8,33 % pour le yen et 8,09 % pour la livre sterling.
La pondération des monnaies dans le panier de DTS en octobre 2016
Source : FMI
La valeur du DTS représente la somme de la part de chacune des monnaies du panier, exprimée en dollars et calculée sur la base du taux de change coté chaque jour à midi sur le marché de Londres.
Le nouveau panier du DTS inclut le dollar américain, l'euro, le yuan chinois, le yen japonais et la livre sterling. Les poids de chaque monnaie sont 41,73% pour le dollar américain, 30,93% pour l’euro, 10,92% pour le RMB, 8,33% pour le yen japonais et 8,09% pour la livre sterling. Les montants en devises respectives des cinq monnaies sont donc 0,58252, 0,38671, 1,0174, 11,900 et 0,085946. C’est ce montant qui est multiplié avec le taux de change du dollar pour obtenir l’équivalent en dollar du DTS.
Le lundi 24 octobre 2016, un DTS valait 1,373610 dollars des États-Unis.
La valeur du DTS est calculée chaque jour ouvrable. Elle est importante pour les pays membres du Fonds qui achètent des DTS lorsqu’ils doivent s’acquitter de leurs obligations envers le FMI (cf. remboursement de prêts) ou lorsqu’ils vendent/achètent des DTS à des fins d’ajustement de la composition de leurs réserves de change.
Le FMI calcule le taux d'intérêt du DTS sur une base hebdomadaire. Celui-ci doit refléter le taux d'intérêt représentatif du RMB, à savoir le rendement des obligations à trois mois des cinq gouvernements. Le nouveau taux d'intérêt du DTS reflète donc aussi le taux d'intérêt représentatif du RMB, soit le rendement des obligations à trois mois du gouvernement chinois. Pour la semaine du 24 au 30 octobre, le taux d’intérêt du DTS était de 0,144%.
Si taux de change du DTS est fixé chaque jour ouvrable, le taux d’intérêt chaque semaine, la revue de la méthode d’évaluation du DTS a lieu tous les cinq ans. La prochaine monnaie qui serait candidate au panier de DTS devra donc attendre jusqu’en septembre 2021.
Une future monnaie internationale ?
L’inclusion du RMB est une étape pour le FMI puisque si l’euro avait remplacé le franc français et le deutsche mark en 1999 dans le panier, l’arrivée du RMB est un changement qui diversifie davantage sa composition. Il s’agit pour le Fonds de rendre le DTS plus représentatif des monnaies utilisées dans les transactions internationales et donc plus attractif comme avoir de réserve international. Il s’agit aussi de mieux ancrer la Chine dans cette institution créée en juillet 1944, lors d'une conférence des Nations Unies à Bretton Woods (États-Unis), qui fut longtemps la « chasse gardée » des puissances européennes et américaine. L’inclusion de la devise chinoise dans le panier, c’est-à-dire sa reconnaissance comme « devise librement utilisable » modifie les droits et obligations de la Chine vis-à-vis de l’organisation internationale.
Néanmoins, la reconnaissance de la monnaie chinoise comme « librement utilisable » puis l’inclusion du RMB dans le panier de monnaies des DTS constituent surtout une étape importante dans le processus d’intégration de l’économie chinoise dans le système financier international.
La Chine s’est engagée dans un processus d’intégration commercial puis financier à l’économie mondiale. La libéralisation des échanges, l’intégration des marchés et l’amélioration de l’infrastructure de ses marchés financiers sont devenues les boussoles des gouvernements successifs même si le rythme et la profondeur des réformes (incomplètes) restent objets de débats au sein du parti communiste chinois.
L’affirmation d’une monnaie internationale est perçue par certaines élites chinoises comme une nouvelle manière de renforcer sa puissance, notamment vis-à-vis des États-Unis.
Si le yuan ne concurrence pas encore le dollar des États-Unis sur les marchés des changes ou sur les marchés internationaux des capitaux, la devise chinoise joue maintenant un rôle central en Asie. Le RMB s’affirme d’abord comme une monnaie régionale. Elle est une monnaie de règlement des échanges transfrontaliers de plus en plus utilisée par les partenaires commerciaux de la Chine, notamment ceux qui ont une frontière commune avec elle, et joue un rôle modeste mais croissant dans les transactions financières. Enfin, elle est de plus en plus conservée par les banques centrales asiatiques qui diversifient ainsi leurs réserves de change.
Le RMB devrait avoir, dans la sphère asiatique, le même rôle que le dollar américain et l'euro dans leurs zones respectives.
Si New York est devenue une nouvelle place de compensation et de règlement pour le yuan, la devise chinoise reste encore une monnaie partiellement convertible. Le « billet rouge » (référence à la couleur du billet de 100 yuans) n’est pas prêt de détrôner le « billet vert » (référence à la couleur des billets Etats-uniens) mais il amorcé son processus d’internationalisation. L’inclusion du renminbi dans le panier du DTS symbolise donc l’affirmation de la puissance chinoise au sein de l’économie mondiale et du système monétaire internationale du XXIe siècle.
Une date symbolique
Le 1er octobre est une date importante pour la Chine. La fête nationale de la République populaire de Chine (国庆节, gouqing jie) y est célébrée chaque année depuis que le 1er octobre 1949 Mao Zedong (1893-1976) a proclamé la fondation du nouveau régime du balcon de la porte de la Paix céleste. Marqueur politique, ce premier jour du mois d'octobre est aussi un marqueur social car les célébrations officielles inaugurent aussi l’une des deux « semaines d’or » (黄金周, huangjin zhou) pendant lesquelles une grande majorité des salariés chinois ont une semaine de vacances[1].
En ce jour des soixante-sept ans de la République populaire de Chine, les autorités du FMI ont donc offert à la Chine communiste un autre symbole pour ce 1er octobre : la date est maintenant un marqueur économique et financier, c’est le jour où la « monnaie du peuple » est devenue une grande monnaie de réserve mondiale. Soulignons d’ailleurs que c’est encore l’effigie de « l’empereur rouge » qui domine tous les billets d’une monnaie qui s’impose maintenant comme l’une des grandes monnaies internationales.
[1] La « semaine d'or du jour de la fête nationale » commence le 1er octobre, la seconde, plus connue, est la « semaine d'or du festival de printemps » (ou semaine d'or de l'année de la nouvelle lune) qui suit le nouvel an chinois. Ces deux semaines annuelles de congés ont été accordées par le gouvernement à partir de l’année 2000 et la troisième semaine d’or (« semaine d’or du jour du travail » qui commençait le 1er mai) a été supprimée en 2007.)